Écouter avec les yeux vol. 6 : Foals, Sleep Party People, Girls in Hawaii

Écouter avec les yeux vol. 6 : Foals, Sleep Party People, Girls in Hawaii

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Par Julie Bluteau

Publié le

En matière de culture, et de musique en particulier, la forme est presque aussi importante que le fond. Chaque mois, dans notre rubrique “Écouter avec les yeux”, on vous présente une sélection d’albums aux artworks décalés que l’on dévore d’abord du regard.

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Pour cette nouvelle édition, plongée dans trois univers différents, mais toujours inoubliables :

  • le mystérieux crâne de Sleep Party People pour Lingering
  • la contrée imaginaire et volcanique de Girls In Hawaii pour Nocturne
  • le voyage sous-marin de Foals pour Total Life Forever

C’est d’actu : Sleep Party People – Lingering (Joyful Noise)

L’album : Le Danois Brian Batz a un univers des plus énigmatiques. Affublé d’un masque de lapin lorsqu’il se produit sur scène, ce producteur, qualifié “d’architecte du son proche du génie” par le Sunday Times, a déjà travaillé avec Trentemøller, Tomas Barfod (du groupe WhoMadeWho) et signé des bandes originales de séries (notamment Bordertown, produite par la société Fisher King).

Aujourd’hui, après sept ans de carrière en solo derrière le pseudonyme Sleep Party People, ce musicien et compositeur de talent sort Lingering, son quatrième album, dans lequel la musique électronique flirte avec la dream pop et invoque l’esprit de Björk, David Lynch et Boards of Canada. Douze titres pour un foisonnant mélange, d’une maîtrise parfaite, voguant entre des couleurs sombres et d’autres plus lumineuses.

La pochette : Pour garder cet esprit énigmatique, Brian Batz a fait appel à l’artiste indonésien Roby Dwi Antono, lui aussi obsédé par les lapins. À la fois enfantines et trash, ses peintures mettent en scène des fillettes aux multiples visages, des lièvres mangeurs de poulpes, des goûters et des pique-niques gore où des enfants côtoient des animaux inquiétants. Le musicien nous a confié qu’il avait eu un coup de cœur immédiat pour ses œuvres et son style, qu’il qualifie lui-même de “très onirique et mignon, et sinistre à la fois” :

“Ce sont des notions que j’essaye aussi de transmettre par ma musique. Je pense que nous avons tous les deux le même amour pour les contrastes dans la vie. Nous collaborons depuis 2011, c’est lui qui réalise tous mes artworks depuis mon deuxième album.”

Pour la pochette de Lingering, Roby Dwi Antono a dessiné un crâne d’enfant, entièrement transparent, comme s’il était conçu en verre. Peu de temps avant la sortie du disque, une vidéo dévoilait d’ailleurs son procédé. Sous cette coquille translucide, on aperçoit des filaments, comme si l’on pouvait voir à travers ce crâne. Brian Batz nous explique :

“Je souhaitais une pochette qui puisse inclure chacun des thèmes abordés par les paroles de l’album. Si je devais la décrire, je dirais qu’il s’agit de ma tête, et à l’intérieur, vous pouvez y voir mon cerveau et mes pensées, qui ne font qu’un. Je l’interprète comme l’évolution de la vie, de l’enfance à l’âge adulte en société, qui peut parfois être difficile à appréhender et à intégrer.”

Roby Dwi Antono sur Internet : lobilob.blogspot.fr
Sur Instagram : @dwiantonoroby

À venir : Girls in Hawaii – Nocturne (PIAS)

L’album : On avait quitté les Belges de Girls in Hawaii en 2014 avec Hello Strange, un album live et acoustique. Le groupe d’indie pop mélancolique, absent depuis trois ans déjà, fera son grand retour le 29 septembre prochain avec son nouveau disque, Nocturne, bercé du début à la fin par l’hypnose, que les membres du groupe ont pratiqué au début de l’écriture des morceaux.

La pochette : Elle a une nouvelle fois été réalisée par Antoine Wielemans, l’un des deux chanteurs de la bande. La raison pour laquelle il préfère se charger de la réalisation de l’artwork ? “On est rapidement mal à l’aise de refuser plusieurs fois de suite des projets qui ont demandé du temps et de l’énergie à quelqu’un, du coup on préfère gérer ça nous-mêmes”, précise-t-il. Pour concevoir ses artworks, Antoine se base toujours sur l’œuvre d’un artiste. Ici, il a choisi une peinture de l’Anglais Tom Hammick, représentant une jeune femme marchant en bikini au bord d’une piscine surplombée par un volcan, qu’il a légèrement retravaillée :

“Dans ce cas, c’est presque la pochette qui a guidé le titre de l’album, et non l’inverse. On sentait un lien naturel avec le monde de la nuit, des rêves, de l’inconscient… On aime bien la multitude de sens qu’il contient, il désigne pour nous pas mal de choses différentes. Pour les couleurs de l’artwork, je voulais un bleu nuit, sombre pour le fond, et une typo un peu fluo, façon néon.

Je suis tombé sur une vieille typo, presque un peu de mauvais goût (qui s’appelle “Banco”) et qu’on utilise souvent pour des vitrines ou des devantures de magasin. Elle a un côté un peu flashy, mais en même temps, elle est super bien dessinée. Elle a été conçue par un typographe dans les années 1950, je crois…”

Puisant ses idées dans des sources aussi diverses que l’art contemporain ou le cinéma, Antoine se nourrit donc des créations d’autres artistes : la mosaïque de l’album No Code de Pearl Jam, celle en noir et blanc de Phoenix pour Alphabetical, ou encore les pochettes, plus sobres et graphiques, de Soulwax. Un bouillon d’inspiration qui donne à Girls in Hawaii son esthétique si particulière.

Girls in Hawaii sur Internet : girlsinhawaii.be
Sur Instagram : @gihband

Flashback : Foals – Total Life Forever (Transgressive Records)

L’album : Mai 2010. Sortis grandis de l’expérience du premier album (Antidotes, en 2008, a atteint la troisième place du “Top album” en Grande-Bretagne), les Anglais de Foals dévoilent Total Life Forever sur Transgressive Records. Très bien accueilli dans toute l’Europe ainsi qu’aux États-Unis, le disque nous embarque dans un voyage musicalement très réussi et inoubliable, un peu à la manière d’un road trip qui nous aurait changés personnellement. La voix grave et atypique de Yannis Philippakis, qui résonne d’une chanson à l’autre, comme le feraient les supporters dans les virages d’un stade qui se répondraient dans un même écho, porte très haut cet album solaire, chaud comme un Spanish Sahara, mélancolique par moments aussi – et c’est ce qui fait la force du groupe. Un “équilibre parfait entre rage maîtrisée et beauté abyssale”, d’après Les Inrocks à l’époque. Une beauté abyssale qui se confirmera avec leurs disques suivants, et qui se ressent jusque sur la pochette de cet album pépite.

La pochette : Nirvana avait son bébé sous l’eau, Foals aura les membres de son groupe en apnée. Cette pochette au bleu intense a été conçue par Big Active, à partir d’une photo capturée par Steve Gullick, le photographe de Nirvana. Gerard Saint, l’un des fondateurs de ce gros studio de design basé à Londres, nous explique le rapport entre le titre de l’album et sa pochette :

“Il existe un lien très poétique entre le titre et l’imagerie choisie. Il y a une connexion assez ludique entre les visuels de l’intérieur du livret [signés de l’artiste illustrateur Tinhead, ndlr], très abstraits, et la découverte plus spontanée de la pochette.”

Davantage inspirés “par le ‘Big Wide World’ que par le World Wide Web”, ses créatifs s’inspirent de l’esthétique psyché vintage, voire kitsch et pop. Des inspirations qu’ils postent régulièrement sur leur compte Instagram. Ils peuvent en outre se vanter d’avoir fait travailler leur imagination et leur talent pour de grandes stars, telles que Michael Jackson, Elton John, Prince, ou plus récemment Lana Del Rey.

Big Active sur Internet : bigactive.com
Sur Instagram : @bigactive