AccueilPartenaires

Docu : plongez dans la vie de Jazz, l’âme oubliée de Détroit

Docu : plongez dans la vie de Jazz, l’âme oubliée de Détroit

avatar

Par Konbini

Publié le

Avec son nouveau film, le label lyonnais Jarring Effects nous conte l’histoire de Jazz, une chanteuse de 72 ans dont la vie bouleversante, partagée entre son amour pour Détroit et la musique, émeut.

À voir aussi sur Konbini

Depuis sa création en 1995, Jarring Effects s’attache à mettre en lumière des musiques indies et anticonformistes, en produisant des artistes comme High Tone, Brain Damage ou Ez3kiel. Mais les activités de ce label de musique indépendant ne se limitent pas à la seule création d’albums. Depuis quelques années, Jarring Effects réalise également des documentaires qui nous entraînent à la rencontre d’artistes aussi lointains que passionnants.

Après avoir donné naissance à Resilience en 2015, un documentaire dédié à la ville de Détroit et à son hip-hop, le label s’intéresse aujourd’hui à l’histoire de Jazz. Chaque jeudi soir, cette dame de 72 ans monte sur la scène du Bert’s, un petit club de la ville américaine, pour y chanter sa mélancolie. Cette vieille femme afro-américaine, qui se fait également appeler DJ Holiday (en hommage à son idole Billie Holiday), a côtoyé les plus grands noms du jazz sans jamais avoir été reconnue.

Désireux de rendre hommage à cette âme oubliée de Détroit, Jarring Effects s’apprête à nous plonger dans sa vie bouleversante à travers un documentaire poignant financé grâce à une campagne sur KissKissBankBank. Pour en savoir plus, nous avons discuté avec Céline Frezza, ingénieur du son et musicienne chez Jarring Effects.

“Nous avons été fascinés par sa voix, son regard”

Konbini | Comment avez-vous entendu parlé de cette femme, Jazz ?

La “bande son” de Resilience [leur précédent documentaire, ndlr] est un concert filmé à Bert’s, un club de Détroit, où tous les jeudis soirs se tiennent des jam sessions jazz. Jazz y vient toujours pour chanter une ou deux chansons. Nous y sommes allés tous les jeudis soirs pendant le tournage, et nous avons été fascinés par sa voix, son regard, ce qu’elle dégageait. Arno Bitschy [le réalisateur du documentaire Resilience, ndlr] a d’ailleurs retenu sa chanson “Don’t Explain” pour illustrer Resilience.

De plus, Bill Meyer, le pianiste et MC de ces sessions, nous avait beaucoup parlé d’elle et de son histoire, et cela nous est apparu comme une évidence de lui rendre hommage, et de faire en sorte que son talent reste.

Détroit semble être une ville aussi étrange que fascinante… Quelle impression en gardez-vous ?

Céline Frezza | Personnellement, je suis allée trois fois à Détroit, dans des contextes et des périodes assez différents. Et à chaque fois, j’en garde une très bonne impression. Les gens y sont très accueillants et chaleureux, je crois que c’est ce qui m’a le plus plu. La ville est assez petite – le downtown j’entends – et n’a pas grand chose à offrir. Mais quand on se perd dans son immense banlieue, on y croise beaucoup de bienveillance, de curiosité, de créativité.

Beaucoup de gens là-bas ont envie de réinventer le vivre-ensemble, notre rapport à notre planète et la musique bien sûr. Après, cette ville a une histoire socialement difficile, entre Noirs et Blancs, et on ressent beaucoup la violence des disparités. Mais je ne pense pas que ça soit un problème inhérent à Détroit, c’est vrai dans tous les États-Unis – et partout ailleurs.

“Elle paraît être sur le fil d’un rasoir”

Qui est vraiment Jazz ?

Jazz est une Afro-Américaine de 72 ans née dans le New Jersey, elle vient d’une famille pauvre et son histoire est violente. Elle a toujours chanté du jazz, du Carmen McRae d’abord, puis du Billie Holiday.
Elle est partie jeune sur les routes afin de trouver des groupes pour l’accompagner, elle ne se souvient que par bribes de cette époque, sa mémoire ne revient que quand elle arrive à Détroit à l’âge de 30 ou 40 ans. C’est là qu’elle s’est trouvée une nouvelle famille : les musiciens du Bert’s. Elle n’a jamais été mariée, mais elle a eu deux filles avec un musicien de la Motown. Son histoire avec les hommes est compliquée et également violente, constamment abusive.

Elle a élu domicile dans un quartier de crackheads et de pauvres Afro-Américains, où elle est très entourée et aimée par sa communauté. Sa personnalité y est pour beaucoup, car Jazz est une personne aimante, généreuse, discrète et drôle. Elle a parfaitement conscience du monde qui l’entoure, elle est d’une clairvoyance folle et en même temps, la violence qu’elle a connue et subie la coupe parfois de la réalité, elle paraît être sur le fil d’un rasoir.

Mais c’est avant tout une chanteuse au talent incroyable. Certes, elle n’écrit pas de chansons (elle écrit des scripts cependant, vous en saurez plus en regardant le documentaire !), mais elle sait se les approprier, les retranscrire avec une émotion folle et bien sûr, toujours très juste. C’est finalement elle qui parle le mieux de Jazz : “Je ne sais rien sur rien. La seule chose que je connaisse c’est la musique, et je sais que je suis une chanteuse… c’est tout.

“Comme nombre d’artistes, elle a deux facettes”

Y a-t-il une différence entre Jazz et DJ Holiday, son alter ego ?

Jazz, c’est la femme au quotidien, et Dj Holiday, c’est la femme qui monte sur scène. Comme nombre d’artistes, elle a deux facettes, elle se sublime quand elle est sur scène. Dans les deux personnages, Billie Holiday la guide et l’inspire.

En juillet 2016, vous avez lancé une collecte sur KissKissBankBank, que vous avez remportée. Comment expliquez-vous l’enthousiasme des gens pour votre projet ?

Et bien, je pense que c’est aussi grâce à la communauté de gens qui nous suivent et comme vous et nous, ils sont touchés par cette vieille dame, elle intrigue. On a envie d’en savoir plus, de la graver pour toujours.

Le documentaire Jazz devrait sortir courant janvier 2017, en même temps qu’un vinyle 45 tours garnie de trois chansons inédites de Jazz. En attendant, retrouvez l’actualité de Jarring Effects sur leur page Facebook ou sur leur site.

Et abonnez-vous à la page Facebook de KissKissBankBank pour découvrir de nouveaux projets ambitieux.