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Il y a 24 ans, Doc Gynéco brisait les frontières avec une Première consultation mythique

Il y a 24 ans, Doc Gynéco brisait les frontières avec une Première consultation mythique

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Retour sur la trajectoire hors norme de Doc Gynéco et ses amis du Secteur Ä dans les années 90.

1995 est une année charnière dans le rap français. Une nouvelle génération d’artistes se développe alors, mettant en place des sonorités différentes avec Time Bomb, La Cliqua ou les Sages Poètes de la Rue.

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À côté de ça, des pionniers comme ceux du Ministère A.M.E.R. s’ancrent durablement dans la lignée du gangsta rap californien – mais à la française : 3/4 cuir, jean brut 501 et baskets blanches. Cette nouvelle énergie de la révolte et de la rue est le carburant de leur album 95200, sorti en 1994.

Entre les violences urbaines, les confrontations avec la police et les scènes de leur quotidien, Stomy Bugsy et Passi parlent aussi des toxicos qui arpentent leurs rues et avec qui ils font du commerce “équitable”. C’est le sujet du morceau “Autopsie” sur lequel apparaît un nouveau rappeur proche du groupe : Doc Gynéco. Ce premier couplet marque les esprits pour sa nonchalance, sa dérision et ses paroles explicites.

Doc Gynéco a toujours été dans l’entourage du Ministère A.M.E.R.. On le voit notamment apparaître aux côtés du collectif dans différentes émissions spécialisées. Après “Autopsie” et 95200, il est aussi là quand le groupe enregistre “Sacrifice de poulets” pour la bande-son inspirée du film La Haine. Ce morceau extrême et controversé sonne la fin du Ministère A.M.E.R., à la suite de condamnations pour diffamation et incitation au meurtre.

Pendant ce temps-là, Doc Gynéco bosse des maquettes dans son coin, avec le producteur du Ministère A.M.E.R., le trop sous-estimé Mariano Beuve. Mais le rappeur est attiré par des sonorités plus instrumentales, mélange de pop, funk et soul. Il est influencé par le rap très organique de Californie, celui de Snoop, Dr. Dre et Above the Law.

Virgin lui offre un contrat et il prépare alors un premier album en grande pompe. Le label l’envoie travailler à Los Angeles avec Ken Kessie, un grand producteur ayant déjà bossé avec Sylvester, Whitney Houston, Brownstone et En Vogue. Il a ce son chaud soul et R’n’B que Doc Gynéco et son label recherchent.

À partir des maquettes réalisées avec Mariano Beuve, ils élaborent un album hors norme, mélange de rap de cité parisienne, de chanson française et de soul enveloppante. Tous les instruments et les batteries sont joués et la signature sonore globale est unique.

Première consultation sort le 15 avril 1996 et il devient directement un classique. Son premier extrait, “Viens voir le docteur” rythme tout l’été 1996 avec sa basse au Moog, entre G-funk francisée et rimes polissonnes. Doc Gynéco est alors propulsé au rang de grande star d’un rap français qui vient de trouver son essor commercial. Après MC Solaar, c’est le premier rappeur qui fera l’unanimité populaire, même en dehors des cercles du rap.

Première consultation est rempli de tubes. “Nirvana”, “Né ici” ou “Dans ma rue” sont des petits bijoux de mélodie et d’écriture. Gynéco est le premier à trouver un équilibre entre rap et chanson qui paraît facile et inné. Il arrive à exprimer des émotions précises avec des images et des histoires universelles. L’instrumentation si particulière en fait un ovni total dans la musique française, jamais égalé depuis.

Mais la fin des années 1990 devient vite plus compliquée pour le prodige. En plus d’être trop fan des paradis artificiels, il rentre en conflit avec sa maison de disques qui veut le mettre sur tous les mauvais coups. Il développe une compilation très ambitieuse, Les Liaisons dangereuses, qui montre clairement les liens compliqués qui existe dans l’univers de Gynéco, qui a invité Catherine Ringer, MC Jean Gab’1, Renaud et même Bernard Tapie à la fête. Doc Gynéco est le chaînon manquant, celui qui fait un pont entre Eazy-E et Charles Aznavour.

Pendant ce temps, Doc Gynéco multiplie les collaborations avec ses amis du Ministère A.M.E.R., qui viennent de former Secteur Ä. Il apparaît sur des succès d’Ärsenik, de La Clinique, de Stomy Bugsy, de Pit Baccardi ou encore des Nèg’ Marrons. Ensuite, le ciel s’assombrit : le star-system le rattrape, les années 2000 sont plus difficiles et musicalement moins intéressantes. La chanson le mange et le rap disparaît peu à peu. L’exception n’est plus et le paradis devient de plus en plus artificiel, et se transforme en petit enfer personnalisé.

Reste toujours cet album iconique et cette compilation en forme de manifeste émaillés de nombreuses apparitions effrontées et caustiques. Vous pouvez retrouver tout cet univers dans notre playlist Goldies 100 % Doc Gynéco & Friends. Elle a été diffusée le jeudi 24 octobre à 18 heures sur Konbini Radio. Rendez-vous toutes les deux semaines pour une playlist spéciale classiques du rap français.