Ces dix projets de rap français sortis en 2020 à (re)découvrir d’urgence

Ces dix projets de rap français sortis en 2020 à (re)découvrir d’urgence

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Par Guillaume Narduzzi

Publié le

La team "j'ai pas le temps" n'a plus aucune excuse : le moment est venu de renouveler son répertoire de rap francophone.

Si l’année 2020 du rap français a débuté tranquillement, elle s’est rapidement accélérée et a repris son habituelle cadence infernale. Quelques gros noms relativement bien connus du grand public (Maes, Mister V, Josman, La Fouine, Demi Portion, Larry, 4Keus…) ont lâché leur nouvel album, occupant ainsi la majorité de l’espace médiatique.

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Mais d’autres artistes, plus confidentiels ou moins connus du grand public, ont eux aussi dévoilé leur projet depuis le début de l’année. On vous a sélectionné le meilleur de ces propositions francophones avec dix artistes, pour occuper ses journées de la meilleure des manières et enrichir sa culture musicale.

Varnish La Piscine – Metronome Pole Dance Twist Amazone

L’homme au blaze le plus stylé du game est de retour. Un peu plus d’un an après nous avoir régalés avec son projet au storytelling inégalable qu’était Le Regard qui tue, le polyvalent artiste suisse repousse un peu plus les limites avec les onze titres de Metronome Pole Dance Twist Amazone. Un disque qui n’est autre que la bande originale de son court-métrage Les Contes du Cockatoo, (disponible sur YouTube), coréalisé avec Rhony Sutriesno.

Concernant les morceaux, on retrouve la patte habituelle de ce bon Varnish La Piscine – connu aussi sous les alias Pink Flamingo et Pinkle Vernis –, qui oscille comme peu entre les genres. Avec le renfort non négligeable des habituels Rico TK, Makala et Slimka, cet ovni musical aux mélodies soyeuses a tout pour séduire.

Laylow – Trinity

Artiste pourtant très respecté dans le rap game, Laylow demeure une figure méconnue du grand public. Ses précédents projets conceptuels se sont révélés difficilement accessibles et parfois trop complexes. Pour ce qui est de son premier album studio, le pitch nous a même quelque peu effrayés. Trinity, référence évidente à la trilogie des sœurs Wachowski, n’est autre qu’un “logiciel de stimulation émotionnelle”. Le bonhomme, passionné de technologie, ne fait pas dans la facilité, mais cette ligne directrice est tenue tout au long du projet et reste assez lisible. On en sortirait presque avec la sensation d’avoir lu un bon roman de science-fiction.

Une belle prouesse l’air de rien, d’autant plus que, musicalement, c’est toujours aussi fort. Que ce soit son hommage au “Black Skinhead” de Kanye avec “Megatron”, ses pérégrinations nocturnes dans “Dehors la night”, ses nombreux featurings intelligemment choisis et très réussis (S.Pri Noir, Jok’Air, Lomepal, Alpha Wann et son acolyte de toujours Wit.), ses tout aussi nombreux interludes soignés, le Toulousain frappe très fort et s’inscrit comme l’un des artistes les plus talentueux, novateurs et avant-gardistes de sa génération.

Captaine Roshi – Contre-attaque

La meilleure défense, c’est l’attaque. Mais Captaine Roshi, lui, va encore plus loin. Après avoir sorti sa première mixtape en fin d’année dernière, voilà que celle-ci est déjà dotée d’une réédition (avec cinq nouveaux morceaux) intitulée Contre-attaque et parue en février dernier. Sur des prod’ trap bien sombres, le rappeur du Val-de-Marne raconte la street et multiplie les références avec sa voix granuleuse.

En prime, quelques featurings avec le top de la nouvelle génération comme “De ouf” avec Youv Dee ou “Attaque” avec le duo Key Largo, son plus gros succès à ce jour. C’est direct et franc, parfois dur, mais le jeune artiste est un vrai kickeur et découpe les prod’ les unes après les autres. De quoi faire de l’ancien membre du collectif Ultimate Boyz un espoir éminent de la scène française. S’il arrive à retransmettre cette énergie débordante et cette technique aiguisée sur scène, le show devrait valoir le détour.

Meryl – Jour avant caviar

Meryl a de nombreuses cordes à son arc : rappeuse, chanteuse, compositrice et toplineuse. Si cela fait plusieurs années qu’elle met ses talents au service des gros noms de l’industrie musicale (Soprano, Matt Pokora, SCH, Shay, Timal, Niska…), elle a décidé de passer le cap de la première mixtape avec Jour avant caviar en février dernier.

Un projet sur lequel l’artiste martiniquaise démontre tout son sens de la mélodie et de la formule, exposant ainsi l’étendue de son univers artistique sur des prod’ du proactif Junior Alaprod ou de Pyroman, les deux producteurs les plus présents sur le projet. Avec ses douze morceaux, dont deux sont des bonus, la jeune artiste de 24 ans excelle, n’hésitant pas à jongler avec des textes en créole (“Beni”) et signant quelques tubes en puissance. Le fabuleux enchaînement “La Brume” – “Ah Lala” – “Coucou” est là pour en attester. De quoi s’imposer immédiatement parmi la crème du rap français et créer une belle attente avant l’arrivée de son premier album.

Swing – ALT F4

Tiers du groupe belge L’Or du commun, Swing s’émancipe un peu plus avec son deuxième EP solo, deux ans après un premier essai déjà salué par le public grâce à son EP Marabout. Avec ALT F4, le jeune Bruxellois s’interroge sur la condition noire dès son intro “N”. Le ton est posé : avec Swing, on se délecte autant de mélodies aériennes que de textes introspectifs et réfléchis.

On peut noter la présence d’Angèle, de Duñe et de Nemir, respectivement sur les superbes “S’en aller”, “Soon” et “Indélébile”. Autant vous dire qu’en termes de chant, il y a du niveau. Surtout que ce bon Swing n’est pas en reste et justifie les attentes placées en lui. Un EP de sept titres assez court donc, mais qualitatif au possible, porté par des prod’ des très bons twenty9, PH Trigano, Duñe (encore lui), Crayon, Krisy, Sam Tiba ou encore Easy Dew.  

Chily – 5ème chambre (Très mystique)

Véritable phénomène du rap français devenu un mème avec son coup de pied fatal (bien que la légende raconte qu’il a été volé à Cinco), Chily a dévoilé son premier album 5ème chambre (Très mystique) en février dernier. Pourtant, il y a un peu plus d’un an, personne ou presque ne connaissait le jeune artiste du 94. Mais grâce à ses freestyles sur Daymolition et sur sa chaîne avec sa série “Complètement rébanav”, Chily explose et ne compte plus les millions de vues, et en profite pour signer en maison de disques.

Juste après avoir échappé à la prison, il sort sa première mixtape En attendant… le 2 août 2019, tandis que son titre “San Pellegrino” cartonne. On retrouve ce même morceau sur le premier album de Chily, où le rappeur s’amuse à varier les tons de sa voix, insère du lingala dans ses textes et multiplie les ad-libs bien à lui.

Extravagant, Chily l’est. Mais il est surtout décomplexé et se fait plaisir lorsqu’il rappe. On retrouve sur ce premier disque des associations avec des gros noms faiseurs de tubes rap qui témoignent de la hype qui entoure le rappeur : Naza, Hamza et Koba LaD. Un projet de vrai showman comme on n’en fait plus, qui rappelle à tout le monde que le rap est avant tout une musique de kiffeur.

Isha – La vie augmente vol. 3

Malgré un beau succès d’estime, c’est l’un des rappeurs les plus sous-cotés et mésestimés du grand public. Depuis trois ans et l’arrivée de la nouvelle vague du rap belge, Isha s’est remis à la page en se servant de sa grande expérience, lui qui arpente le rap game depuis une grosse dizaine d’années (sous le pseudonyme Psmaker).

Avec le troisième volume de sa série d’EP La vie augmente, le Bruxellois rappelle à tout le monde son amour des mots et surtout du rap. Grâce à ses featurings avec PLK, Dinos, Sofiane Pamart et Green Montana et ses collaborations avec des producteurs reconnus (Eazy Dew, Katrina Squad, etc.), il renforce ce sentiment de progression constante et signe quelques délicieux titres comme “Les Magiciens”, “Chaud devant” ou “Idole”. D’autant plus qu’il semble mettre sa plume et son vécu au service de belles et nouvelles ambitions, s’ouvrant ainsi de nouveaux horizons.

Vendredi dernier, il a encore un peu plus confirmé ce statut de “daron” de la scène belge en collaborant sur le titre “Ailleurs” avec le jeune espoir de Liège, Bakari. Reste désormais à voir ce qu’il proposera pour son prochain projet, qui devrait être son premier album. Mais après cette démonstration orchestrée sur sa trilogie d’EP, on ne peut que lui faire confiance pour la suite.

Tengo John – Temporada

Le prolifique artiste – c’est déjà son huitième projet – originaire de Saint-Maur-des-Fossés est de retour avec une nouvelle mixtape, deux ans après l’EP abouti Hyakutake. Cette fois, le jeune artiste a misé sur le format de la mixtape pour que son talent éclate aux yeux de tous. Un projet dense, certes (19 morceaux pour une petite heure d’écoute), mais sur lequel Tengo John partage avec brio son placement de voix autotunée si particulier et ses pensées psychanalytiques.

En résultent des morceaux lustrés, comme les singles “Téléporter”, “Notramourémor ?” et “Tornade” – les trois premières pistes du projet – le laissaient présager. Ajoutez à cela des featurings avec les tout aussi prometteurs Captaine Roshi, Cinco, Di-Meh, ou Slimka et des artistes accomplis comme Jok’Air, Krisy ou Anna Kova, et vous obtenez l’une des mixtapes les plus aguicheuses de ce début d’année.

Moka Boka – Juste avant Kwami

Deux ans après un premier projet intitulé Pas de pluie, pas de fleurs, dont le featuring “Heracles” avec le même Swing que cité ci-dessus avait connu un beau succès, l’artiste belge a lâché son nouveau projet Juste avant Kwami en janvier dernier. Dans la lignée de son passage chez Colors où il avait interprété le titre “Sourire”, le jeune rappeur nous offre un disque tout en musicalité (les influences soul sûrement), empli de sincérité, sensibilité et même parfois de spiritualité.

L’occasion de se pencher sur le cas d’un artiste actif depuis quelques années comptant plusieurs projets derrière lui, qui offre une progression linéaire et régulière au fil des ans. Moka Boka, qui appartient au collectif LeJeune Club dirigé par Krisy (encore lui), gagne en maturité et se professionnalise. Il se pose des questions, observe son environnement et narre sa vie dans Juste avant Kwami, projet idéal pour chiller au calme en cette période de confinement.

Timal – Caliente

Comme Chily, Timal cumule les vues sans pour autant être reconnu à sa juste valeur. D’ailleurs, lui aussi s’est fait connaître grâce à des freestyles pour la chaîne YouTube Daymolition. Figure bien connue des rapophiles français depuis la sortie de son premier projet Trop chaud en 2018, certifié disque de platine avec plus de 100 000 ventes depuis décembre dernier, il demeure relativement méconnu.

Pourtant, pour son deuxième album Caliente paru en début d’année, le rappeur d’origine guadeloupéenne a mis les bouchées doubles. Son rap, déjà rageur et hargneux d’origine, a encore gagné en intensité, mais aussi en justesse. Avec, toujours, des expressions bien à lui. Fort de son nouveau statut, Timal a signé des featurings réussis avec des figures incontournables de la scène actuelle comme Maes, PLK et Leto pour assurer le succès annoncé de son album, nerveux à souhait.

Bonus : Michel – Le Vrai Michel

On pourrait penser qu’il est égocentrique, Michel. Il faut dire que le mec a quand même son nom dans chacun des intitulés de ses morceaux. Pourtant, de ce prénom – pas forcément prédestiné à faire du rap, ne nous mentons pas –, Michel en a fait une force. D’autant plus que le rap n’est qu’une facette de son vaste répertoire.

Après avoir repris les plus grands Michel de la variété française à sa sauce sur le surprenant et rafraîchissant EP Michel chante Michel, le jeune trublion plein d’autodérision a enfoncé le clou en début d’année avec un nouvel EP qui ne pouvait s’appeler autrement que Le Vrai Michel. Un projet porté par l’entraînant tube “Michel et ses khey” en compagnie de Sneazzy, mais aussi quelques belles découvertes comme “Michel en illimité”, “Michel en ride” ou bien “Michel s’élève” avec Moussa. Ça déconcerte, ça étonne, mais ça innove et ça crée. Il se passe quelque chose à chaque titre, et c’est déjà beaucoup.

Et en plus, il est super drôle sur Instagram.

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