Comme chaque 10 mai, Di-Meh nous dévoile un beau projet

Comme chaque 10 mai, Di-Meh nous dévoile un beau projet

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Di-Meh ©clip “Kobeaf”

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Par Sophie Laroche

Publié le

Aussi imprévisible que puisse être Di-Meh, il y a des choses qui sont immuables dans l’univers du jeune Suisse. C’est le cas du 10 mai. Depuis quelques années, cette date fatidique est l’occasion pour l’artiste de sortir un projet et de prouver son engagement pour le rap (ainsi que son sens de l’humour).

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Visage le plus identifiable de la scène rap suisse actuelle, Di-Meh dévoile aujourd’hui son deuxième projet “payant”. Nommé Focus, vol.2, il succède à un premier volet qui lui avait permis de franchir les frontières de la sphère SoundCloud francophone, d’où il avait surgi quelques années auparavant avec une solide réputation.

Tellement solide que le jeune prince, qui n’est pas encore couronné d’or ou de platine, n’en finit pas de tourner en Europe avec sa bande de la SuperWakClique. Ils enchaînent les dates sur les scènes de salles combles et de festivals, sur lesquelles il livre des performances folles inspirées par Kurt Cobain et Travis Scott.

Un rappeur de scène oui, mais il est compliqué de réduire Di-Meh à ce simple statut. Focus, vol. 1 nous avait prouvé avec quelle agilité presque déconcertante le jeune artiste était capable de naviguer entre les prods, de moduler son énergie et son flow en fonction des morceaux, passant sans encombre de bangers urgents (“Size”), à des sons plus groovy (“Mauvais œil”), des pauses planantes (“No Stress”) ou des conclusions un peu plus sombres (“Agité”).

Le projet se déroule comme un enchaînement d’émotions fortes qui reflète la diversité des influences qui le constitue – lui qui est capable dans le même son d’évoquer Coluche et Cypress Hill, qui aime autant le reggae que les classiques du rap, les skates que les du-rag.

Une richesse que ses visuels foisonnants qui mélangeant les couleurs et les époques presque instinctivement arrivent à capter, mais qui cantonnent peut-être Di-Meh à la case du rap alternatif, qui ne peut séduire que les initiés et qu’il s’agirait de dépasser. Sur ce Focus, vol. 2, si le Suisse reste fidèle à lui-même, ce dernier a poussé plus loin sa démarche.

Commençons par la fin avec le morceau “Baby danse”. Placé en conclusion d’album, ce titre à la prod’ nébuleuse résume la situation et l’ambition du rappeur avec ce projet : “Fidèle à ce que j’fais / J’suis un vrai rappeur, faut qu’on m’paye à l’heure.” Comme précédemment, Di-Meh est à l’aise sur les prods et n’a plus à prouver son agilité. Le but de Focus, vol. 2 est donc de montrer qu’il n’est pas qu’un showman, mais aussi un rappeur complet.

Tout en conservant son énergie qu’il déverse avec ferveur sur des sons comme “J’aime ça” ou “Kobeaf”, Di-Meh se canalise un peu plus, chante davantage et n’hésite pas à ralentir le rythme sur des titres comme “Ride”, “Blocka”, ou “Chanel”, développant des facettes nouvelles de sa personnalité en délaissant les ad-libs furieux et enragés du premier volume. Le rappeur a d’ailleurs troqué la fougue de Slimka ou de Veerus en échange de la mélodie de Laylow ou de Roméo Elvis pour les feats de ce dernier projet.

Une nouvelle musicalité qui s’exprime sur des productions moins foutraques que le précédent volume, qui laissent pourtant la personnalité des différents beatmakers s’exprimer. En tête de gondole, Eazy Dew qui signe un banger trap énervé avec “Kobeaf” ou son acolyte de toujours, Pink Flamingo, qui apparaît comme rappeur sous le nom de Varnish La Piscine dans “Kangol Jetski”.

Complètement perché, à l’image de ce titre sans queue ni tête – Kangol est une marque de bérets rendue célèbre dans les années 1990 grâce à quelques personnalités du hip-hop, et que Di-Meh arbore souvent –, le beatmaker schizophrène modèle un instant de folie qui décuple le potentiel visuel du travail de Di-Meh (et plus généralement de la SuperWakClique). On imagine très bien ce son à la fois chill, funk et futuriste au générique d’une série un peu kitsch et, en même temps, tellement savoureuse.

La plume de Di-Meh se focalise majoritairement sur ce qui mobilise toutes ses forces et sa concentration depuis toujours : le rap. Les références à la scène qui inondaient Focus, vol. 1 sont toujours présentes, comme son egotrip jouissif et malicieux, son ambition financière ou le plaisir de la ride. Mais par moments, le rappeur essaye toutefois d’aller plus loin.

Ainsi, “Western Union”, en duo avec Laylow, est l’occasion de parler timidement de ses origines de “fils d’immigré”, de l’Afrique, “son continent”, quand “Blocka” explore un sentiment de responsabilité familial envers sa “mama lova”, remplaçant le temps de quelques phrases l’effervescence du rap et l’insouciance de la jeunesse par des prises de conscience distillées. “Le rap, c’est cool, mais qu’est ce que je vais faire après ?” se questionne-t-il. On espère qu’il trouvera la réponse le plus tard possible pour profiter encore un peu de son rap si particulier.

Focus, vol. 2 est disponible depuis le 10 mai 2018.