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Comment “The Man Who Sold the World” a changé ma vie

Comment “The Man Who Sold the World” a changé ma vie

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Par Ariane Nicolas

Publié le

Une chanson, un été, un groupe… La reprise de ce titre de David Bowie par Nirvana a eu un impact sur des millions de jeunes de la génération MTV. J’en fais partie.

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“That was a David Bowie’s song.” Je devais avoir huit ans quand j’ai entendu ces mots pour la première fois. Ils émanaient de la bouche de Kurt Cobain : piste 4 de l’album Unplugged in New York. Je ne comprenais rien aux paroles, rien au titre de l’album, rien à “That was a David Bowie’s song”. Mais j’avais la sensation d’écouter un petit miracle à chaque fois que je pressais le bouton “double flèche vers la gauche” sur mon baladeur CD.

Coup de foudre

Cet homme qui a vendu le monde, la complainte qui le raconte a bercé mon été 1994, en boucle, sur les plages de la côte atlantique. J’étais étourdie par cette guitare larmoyante, sa ligne de basse qui bondit et la voix paresseuse du chanteur de Nirvana, agrémentée de petits “plops” dans le micro, clairement volontaires, au début.

J’aimais tout dans cette chanson. Son mystère, sa mélancolie… À l’époque, ma culture musicale se limitait à Mylène Farmer et un best of de musique classique. La chanson “The Man Who Sold the World”, que mes grands frères m’avaient fait découvrir, m’a ouvert les portes de ce temple bizarre et gigantesque peuplé de sonorités faussement basiques et d’instruments qu’on a le droit de martyriser : le rock.

Quelques mois plus tard, je découvrirai la vidéo de ce concert et je tomberai un peu plus amoureuse. D’un homme, cette fois. Kurt Cobain… Quelle pré-ado n’a pas battu des cils devant ses cheveux blonds électrisés et son gilet céladon trop large, mais trop mignon ? Car le rock, c’est aussi cela, une attitude désinvolte qui dit merde à tout et, en même temps, met tous les sens en émoi.

Un amour partagé

Il m’a fallu des années pour comprendre que cette chanson n’était pas de Nirvana mais de David Bowie. Je connaissais certaines œuvres du Britannique, ses coupes de cheveux cheloues, son goût pour le maquillage. Mais à vrai dire, je n’étais pas très réceptive à sa musique ni au personnage. Je trouvais tout un peu fake ou vain, et je préférais – si cette comparaison a un sens – un type comme Lou Reed, à qui j’attribuais davantage d’authenticité.

Qu’est-ce que cela changeait, que ce soit lui qui ait composé et chanté The Man Who Sold the World à la place de mon groupe fétiche ? Tout. Et rien, à la fois. D’un côté, mon amour originel pour le rock s’avérait construit sur un mensonge. Je m’étais plantée, j’avais honte de mon erreur, un peu comme quand j’avais voulu sortir avec Thomas au CM2 alors qu’il était amoureux de ma meilleure amie et que j’étais la seule à ne pas être au courant dans toute la classe.

De l’autre, cette confusion m’a rappelé une dimension fondamentale du rock : c’est un amour partagé. Chaque musicien, chaque groupe est avant tout un fan d’un autre musicien ou d’un autre groupe. Nirvana était pour moi ce que David Bowie était pour eux, et David Bowie avait sûrement ses totems à lui, et ainsi de suite. Ce qui compte, au final, c’est l’énergie qui circule entre les artistes et le public, comme on le ressent magnifiquement dans le concert unplugged de Nirvana.

En lisant les paroles de “The Man Who Sold the World”, vingt ans plus tard, je reste comme face à un mystère. Que voulait dire David Bowie à travers ces phrases sentencieuses et énigmatiques ? Que voulait dire Nirvana en reprenant cette chanson-là et pas une autre ? Je l’ignore.

En revanche, grâce à Nirvana, grâce au gilet moche et aux cheveux blonds de Kurt Cobain, j’ai appris à aimer David Bowie. Sa mort m’a autant attristée que celle de Kurt Cobain il y a vingt ans. “Toujours en quête d’une forme et d’une terre, je continue d’errer…”