AccueilPop culture

Comment Jorja Smith s’est imposée comme la nouvelle figure de la soul anglaise en seulement deux ans

Comment Jorja Smith s’est imposée comme la nouvelle figure de la soul anglaise en seulement deux ans

Image :

© Rashid Babiker

avatar

Par Naomi Clément

Publié le

Remarquée à la sortie de son single “Blue Lights” en 2016, Jorja Smith, 20 ans, s’apprête aujourd’hui à offrir son premier album Lost & Found – l’un des projets les plus attendus de l’année. À l’occasion de son passage au festival We Love Green, la jeune Anglaise revient pour Konbini sur sa fulgurante ascension.

À voir aussi sur Konbini

Il y a quelque chose d’irrésistiblement captivant chez Jorja Smith. De terriblement fascinant. Sa voix, bien sûr, à la fois puissante et envoûtante, qui nous avait instantanément séduits à la sortie de son premier single “Blue Lights” en 2016. Un morceau fondateur, inspiré par le titre “Sirens” de l’incontournable Dizzee Rascal, sur lequel s’articule avec puissance le timbre à la fois sensuel et écorché de la jeune femme.

Il y a aussi ses textes, authentiques et poignants, dans lesquels sont pointés du doigt, avec force et poésie, de nombreux problèmes de société. Avec “Blue Lights“, qui évoque la peur permanente éprouvée par la communauté noire face aux brutalités policières, Jorja Smith s’est ainsi placée sur la carte d’une scène soul engagée, en plein renouveau.

Une position réaffirmée quelques mois plus tard avec la sortie du titre “Beautiful Little Fools“, dévoilé le 8 mars 2017 à l’occasion de journée internationale des droits des femmes, et via lequel l’Anglaise imposait frontalement sa vision féministe de la musique :

“J’ai écrit ce titre quand j’avais 16 ans, après avoir lu The Great Gatsby de F. Scott Fitzgerald. À un moment du livre, le personnage de Daisy, qui s’apprête à avoir une fille, déclare : “J’espère que ma fille sera sotte, car c’est la meilleure chose qu’une fille puisse espérer dans ce monde : être une jolie petite sotte.”

Cette phrase m’a beaucoup marquée, d’autant plus qu’à cette époque, je ne disposais d’aucune musique empowering. J’ai donc eu l’envie d’écrire cette chanson pour combler ce manque, et encourager les autres filles de mon âge à se sentir belles, sûres d’elles. Ma musique est une façon de rendre plus forte la nouvelle génération de femmes.”

Adulée pour ses chansons, Jorja Smith a cependant su séduire bien au-delà de la sphère musicale, grâce à une prestance magnétique et électrique, qui émane de chacune de ses apparitions médiatiques (comme en témoignent notamment sa performance enchanteresse dans le studio bleuté de COLORS et sa reprise de l’iconique “Let Me Love You” de Mario sur la scène de BBC Radio 1).

Saluée par la presse internationale et les titres spécialisés (du New York Times au Guardian en passant par The Fader et i-D Magazine), cette artiste précoce est également apparue en couverture de nombreux magazines de mode, à l’instar d’Exit, Antidote ou plus récemment Flaunt, qui ont tous eu le désir de capturer son allure angélique.

Drake et Kendrick Lamar parmi ses fidèles admirateurs

Ce tout ensorcelant, dans lequel certains retrouvent parfois le reflet d’une Sade ou d’une Lauryn Hill, font de cette Anglaise l’une des artistes les plus convoitées de la scène musicale contemporaine. Chanteuse, auteure et compositrice, cette native de Walsall, désormais basée à Londres, a en effet su s’imposer, en l’espace de deux petites années, comme le nouveau visage lumineux de la soul britannique.

Un prestigieux statut, qui n’est pas sans rappeler celui un temps incarné par Amy Winehouse (que notre intéressée explique admirer pour le caractère vulnérable et brutalement honnête de ses textes”), et qui a su attirer l’œil de nombreux artistes. Il y a d’abord ses compatriotes, le MC Stormzy et le producteur Preditah, que Jorja Smith a respectivement conviés sur ses récents singles “Let Me Down” et “On My Mind“.

Il y aussi l’Américano-Colombienne Kali Uchis, nouvelle icône de la scène R’n’B, qui a choisi de faire appel à notre artiste sur “Tyrant“, entêtante ballade tirée du très bon Isolation, paru le 6 avril dernier. Mais il y a aussi, de façon un peu plus surprenante, quelques-uns des plus grands noms du hip-hop américain actuel.

Parmi eux, Bruno Mars, dont elle a effectué les premières parties de la tournée “24k Magic Tour” en 2017 ; Kendrick Lamar, avec qui elle a coécrit “I Am“, morceau phare de la bande originale du film Black Panther ; mais aussi et surtout Drake, l’un de ses premiers et plus fervents soutiens.

En 2016, quelques mois après les débuts de la chanteuse, le Canadien désigne le single “Where Did I Go” comme l’un de ses titres favoris de l’année, avant de faire plusieurs apparitions sur scène à ses côtés et de l’inviter sur son album More Life en 2017. Un palmarès des plus impressionnants, que l’artiste peine parfois à réaliser :

“C’est un sentiment incroyable que de pouvoir constater que mes propres chansons, que j’ai écrites chez moi, à Walsall, il y a plusieurs années, parviennent aujourd’hui à toucher des gens situés à des années-lumière de mon quotidien.”

Une vision novatrice de la soul

Forte de cette notoriété internationale, qui lui a récemment valu le Critic’s Choice 2018 des Brit Awards et l’a menée jusqu’au très couru Coachella, Jorja Smith, 20 ans, dévoilera le 8 juin prochain son premier album Lost & Found. Considéré comme l’un des disques les plus attendus de cette année 2018, ce projet ensorcelant, résolument soul, se compose d’une collection de douze morceaux aux textes matures et percutants, dont certains ont été écrits il y a près de quatre ans.

Avec lui, Jorja Smith nous convie à un voyage émotionnel intense, teinté de sentiments tantôt réjouissants, tantôt mélancoliques, qui retrace avec poésie et authenticité son passage à l’âge adulte. Le titre de cet album, Lost & Found, reflète d’ailleurs l’état d’esprit tumultueux dans lequel Jorja Smith s’est parfois retrouvée au cours du processus de construction de son identité – en tant qu’artiste, mais aussi en tant que femme. Elle explique :

Lost & Found est également le nom du premier morceau de cet album, l’un des tout premiers que j’ai écrits quand je vivais encore à Walsall, et que je faisais des allers-retours à Londres pour travailler avec des producteurs et auteurs.

Ce titre m’a été inspiré par un moment très précis de ma vie, celui où je me rendais pour la première fois à Ladbroke Grove. Je portais ma valise, car je rentrais directement à Walsall après la session studio, et je me suis tout à coup sentie comme une toute petite fille.

L’espace de quelques instants, j’avais l’impression d’être complètement perdue dans l’immensité de Londres, mais en même temps, paradoxalement, je savais exactement où j’allais, je savais exactement quelle direction je voulais prendre avec ma musique.

Et quelque part, je crois que je suis constamment dans cet état. Je me sens très souvent perdue, mais la minute d’après, je réussis à me retrouver, et à découvrir de nouvelles choses à mon sujet – avant de me perdre à nouveau. Comme tout le monde je crois, finalement.”

Sincère, Lost & Found est aussi une véritable ode à la soul, un genre que notre artiste est parvenue à moderniser sans pour autant jamais en trahir les origines. Tout au long de cet opus, Jorja Smith ne cesse en effet de mêler à sa soul émouvante les nombreuses autres influences qui ont marqué et façonné sa jeunesse : la grime bien sûr, qu’elle considère comme “une partie de la culture britannique [qu’elle adorera] toujours”, mais aussi le R’n’B des années 2000 et le garage UK.

Des intentions novatrices, qui confirment le caractère visionnaire de cette jeune artiste. Constatant le chemin parcouru depuis ses débuts à Walsall, Jorja Smith, aujourd’hui sacrée figure de proue de la scène soul britannique, conclut : Souvent, je me revois à l’âge de 16 ans, commençant à écrire mes toutes premières chansons… Je n’aurais jamais imaginé en arriver là un jour.”

Lost & Found, le premier album de Jorja Smith, est à paraître le 8 juin prochain. En attendant, la chanteuse sera présente sur la scène du festival We Love Green de Paris le samedi 2 juin.

À lire -> Kali Uchis : “Mon premier album est une ode à la libération”