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Comment Jay-Z et Beyoncé ont transformé leur engagement artistique en pouvoir politique

Comment Jay-Z et Beyoncé ont transformé leur engagement artistique en pouvoir politique

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Par Pénélope Meyzenc

Publié le

Au-delà d'un soutien au mouvement Black Lives Matter, les deux artistes ont pris la défense de victimes de violences policières.

Depuis la mort de George Floyd, Beyoncé et Jay-Z se démènent pour obtenir justice pour les victimes de discrimination par la police. Les deux stars ont toujours su mettre leur notoriété et leur fortune au service de leur militantisme. Mais cette fois-ci, le couple semble aller encore plus loin en interpellant directement la justice américaine pour défendre les droits des victimes de violences policières.

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Les deux artistes enchaînent depuis plusieurs années les récompenses et reconnaissances, qui leur ont permis de construire un royaume. Le couple est devenu le plus puissant de l’industrie musicale et apprend à lier sa notoriété aux luttes qu’il soutient, s’engageant au-delà de son art. Mais depuis l’explosion des récentes contestations, les deux stars semblent vouloir aller encore plus loin en affrontant, en leur nom, la justice américaine.

Un engagement dans leur musique

Évidemment, ils ne sont pas les seuls artistes à se mobiliser pour la cause, mais il faut reconnaître que, pour beaucoup, leurs noms font écho à la lutte contre le racisme aux États-Unis. En effet, depuis plusieurs années, leur engagement politique est bien présent dans leur musique respective et commune. On l’avait d’ailleurs constaté sur leur album Everything Is Love, notamment avec le titre “Apesh*t“, morceau iconique dont le clip avait été tourné au Louvre dans le plus grand secret.

Dévoilés il y a deux ans aujourd’hui, le 16 juin 2018, ce titre et son clip avaient résonné comme une ode à la culture noire. Rappelez-vous, on y apercevait Jay-Z et Beyoncé posant notamment devant des toiles datant de l’ère napoléonienne et période coloniale.

En mettant la beauté noire à l’honneur, le couple avait souhaité marquer les esprits et dénonçait déjà les violences policières aux États-Unis. Un projet qui résonne malheureusement avec encore beaucoup de justesse dans le contexte actuel.

En plus de l’utilisation de sa notoriété, le duo a su mettre sa fortune au service de différentes causes, s’engageant au-delà de la musique. Les Carters, de leur vrai nom, avaient par exemple en 2015 payé les cautions d’émeutiers interpellés lors des manifestations de Ferguson et Baltimore. En outre, le couple supporte depuis de nombreuses années le mouvement Black Lives Matter grâce à de nombreux dons, ainsi qu’un soutien moral de la cause. Aujourd’hui, plus concrètement et face aux récents évènements, il appelle à la justice.

Une femme noire puissante, féministe et engagée

Des Destiny’s Child à sa carrière solo, Beyoncé excelle depuis ses débuts. En tant que reine du hip-hop, sa maîtrise lui a permis d’atteindre les sommets. Par son talent et son assurance, elle s’est très vite imposée sur la scène R’n’B en tant que femme noire puissante, féministe et engagée, sans crainte d’attiser la polémique.

Dans Lemonade par exemple, elle revendique ouvertement ses origines, abordant le problème des violences policières. Cet album qui a marqué un tournant dans sa carrière avait animé la critique. Son clip “Formation”, dans lequel apparaît un jeune sosie de Trayvon Martin devant une rangée de policiers, avait lui aussi créé la polémique. Cette affaire du jeune Noir américain tué en Floride par un vigile qui “le trouvait suspect” avait fait beaucoup de bruit aux États-Unis en 2012. Six ans après, c’est Jay-Z qui s’était emparé de l’affaire en coproduisant une série documentaire intitulée Rest in Power: The Trayvon Martin Story.

Finalement, la prestation de Queen B au Super Bowl en 2016 faisant un clin d’œil aux Black Panthers devant près de 115 millions de téléspectateurs lui avait valu un boycott de milliers d’Américains. Cet acte de militantisme faisait en effet allusion au mouvement révolutionnaire californien formé en 1966 et qui s’est battu, non sans violence, pour les droits de la communauté afro-américaine aux États-Unis.

Un appel à la justice

Au regard des récents évènements, Queen B a bien évidemment à nouveau appelé à la mobilisation et à la justice pour les victimes noires de violences policières. Dans la lutte qui a fait suite aux récents évènements, difficile pour la star de garder le silence. Comme de nombreux autres artistes tels que Taylor Swift, Rihanna ou Billie Eilish, elle a réclamé justice pour George Floyd, mort le 25 mai dernier au cours d’une violente interpellation.

Dimanche 7 juin, elle s’est également exprimée au cours de la “Dear Class of 2020“, vidéo créée par YouTube avec Barack et Michelle Obama, Beyoncé ou encore Lady Gaga. Au cours de cette remise de diplômes virtuelle, Beyoncé a ainsi enchaîné les appels, un discours à l’image de son engagement, citant les causes qu’elle a pour habitude de défendre : le féminisme, la lutte contre le racisme et le combat contre les discriminations envers la communauté homosexuelle.

“Vous êtes arrivés ici au beau milieu d’une crise mondiale, d’une pandémie raciale et de l’expression mondiale de l’indignation face au meurtre insensé d’un autre être humain noir non armé. Et vous avez quand même réussi. Nous sommes si fiers de vous, d’avoir utilisé votre voix collective et d’avoir fait savoir au monde que Black Lives Matter. Les meurtres de George Floyd, Ahmaud Arbery, Breonna Taylor et tant d’autres nous ont tous laissés brisés.”

La reine n’a pas omis de revenir non plus sur un autre de ses combats, le féminisme, en rappelant :

“En tant que femme, je ne voyais pas assez de modèles de réussite féminine ayant la possibilité de faire ce que j’avais à faire.”

C’est finalement pour Breonna Taylor, l’ambulancière noire tuée de huit balles par un policier en pleine nuit à son domicile, qu’elle s’est prononcée ce 14 juin. Queen B a ainsi demandé l’inculpation des policiers mis en cause dans la mort de la jeune femme de 26 ans, en écrivant une lettre au procureur général du Kentucky, Daniel Cameron.

“À chaque décès d’un Noir entre les mains de la police, il y a deux vraies tragédies : la mort elle-même, l’inaction et les retards qui s’ensuivent, arguait-elle. Trois mois ont passé et il n’y a eu aucune arrestation, aucun policier n’a été viré.”

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L’artiste formule ainsi trois demandes pour “que des accusations criminelles soient portées contre les trois officiers”, que Kentucky AG Daniel Cameron “s’engage à la transparence de l’enquête” et que Cameron “enquête sur la réponse du LMPD à la mort de Breonna Taylor, ainsi que sur les pratiques omniprésentes qui entraînent la mort répétée de citoyens noirs non armés”.

Une implication personnelle

Son mari Jay-Z prend également très à cœur ce nouveau mouvement de protestation qui enflamme le monde depuis plusieurs semaines. Le rappeur a choisi cette fois-ci encore de s’impliquer personnellement dans un nouveau combat juridique, en s’emparant d’une affaire concernant un manifestant pacifique, Jordan Jr.

Au début du mois de juin, Jay-Z avait déjà acheté une pleine page dans plusieurs journaux américains comme le New York Times, la Chicago Tribune ou encore le Denver Post afin de publier un discours de Martin Luther King prononcé en Alabama en 1965. “Un homme meurt quand il refuse de se dresser pour ce qui est juste. Un homme meurt quand il refuse de se battre pour la justice”, pouvait-on lire.

La page a été signée par le rappeur, mais aussi par le label du rappeur, Roc Nation, ainsi que par les parents de victimes afro-américaines tuées par des policiers alors qu’elles n’étaient pas armées.

Cette initiative faisait suite notamment à la mort de George Floyd, ainsi qu’à un autre évènement qui avait secoué l’Amérique : l’arrestation d’un manifestant pacifiste, Jordan Jr. Une vidéo de son interpellation au cours de la manifestation Black Lives Matter à Charleston était alors devenue virale sur Internet.

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Faire pression sur les forces de l’ordre

Jordan Jr. a depuis été libéré sous caution pour 465 dollars, mais il est accusé de “désobéissance à un ordre légal”, bien que d’autres manifestants aient souligné qu’il exerçait son droit à la liberté d’expression.

Le lendemain de l’incident, la Team Roc, équipe d’avocats de Jay-Z, a pris des mesures pour défendre le manifestant, demandant le rejet de ses accusations par les forces de police de Charleston via une lettre envoyée par l’avocat Jordan Siev. La directrice de l’équipe juridique, Dania Diaz, avait également publié un communiqué pour faire pression sur les forces de l’ordre :

“Nous sommes indignés par l’arrestation répréhensible du département de police de Charleston de Givionne Jordan Jr.”, a-t-elle déclaré.

Le chef de la police de Charleston a répondu à cet appel, mais il semblerait que Jay-Z et son équipe ne soient pas près de s’arrêter là.