Blu Samu, la tornade hip-hop venue d’Anvers

Blu Samu, la tornade hip-hop venue d’Anvers

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Par Sophie Laroche

Publié le

Avec son EP Moka, la jeune artiste s'est imposée comme une des figures prometteuses de la scène musicale belge. Rencontre.

Blu Samu (© HamzaSeriak)

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Le jour où nous la rencontrons, Blu Samu s’apprête à assurer une performance au festival MaMa à Paris. Son regard, souligné d’or, ainsi que son ensemble rouge vif tranchent radicalement avec son amour du bleu qui lui a d’ailleurs inspiré son nom de scène : “J’ai toujours su que je voulais porter le nom de Blu car j’aime beaucoup la couleur bleue, et tout ce qui y est associé comme l’océan ou la nostalgie…”

Assurée, enthousiaste et sans filtre, l’artiste, qui s’est fait connaître avec son titre “I Run” et un premier projet nommé Moka, n’affiche pour autant rien du spleen qui peut parfois caractériser cette couleur. Son énergie, son flow agile ainsi que la loyauté qu’elle témoigne pour son entourage, le 77, tient plus du samurai se cachant dans la suite de son nom de scène.

Élevée par sa mère à Anvers, Salomé, de son vrai prénom, passe ses premières années au Portugal, entourée de femmes badass à qui elle doit probablement sa force vitale. De cette première vie, la jeune femme conserve un souvenir puissant qu’elle exprime aujourd’hui dans sa musique au travers de morceaux comme “GanGang”, dans lequel elle n’hésite pas à pousser la chansonnette en portugais, ainsi qu’un goût prononcé pour les mélodies mélancoliques qu’elle tient du fado, cette musique traditionnelle abordant des thèmes aussi moroses que l’amour inaccompli, la jalousie ou la nostalgie des morts.

“Le fado est un genre très triste et très nostalgique à la fois. On retrouve cette idée dans ma musique car il y a une certaine nostalgie. Il y a des sons dans lesquels je vide mon cœur et je suis vraiment triste. C’est l’aspect portugais important dans ma musique.”

L’urgence de la musique

Ces sons dans lesquels la jeune femme vide son cœur, ce sont des morceaux comme “Love Blu”, titre mélancolique qui conclut le projet Moka et dont l’artiste est particulièrement fière. Malgré cela, il est impossible de réduire Blu Samu à cette nostalgie, sa musique se teintant d’une tension soul et d’une énergie hip-hop héritière de ses multiples inspirations.

Adolescente, après une prime jeunesse marquée par les hits du Top 50, la jeune femme se forge son éducation musicale en se confrontant aux disques d’Amy Winehouse, d’Ella Fitzgerald, de Duke Elligton, de Louis Armstrong ou encore de Sade, à qui elle consacre d’ailleurs un morceau nommé “Sade Blu”, mais aussi de Lauryn Hill et J Cole, “des artistes qui avaient vraiment une histoire à raconter”, explique-t-elle.

Avant d’ajouter : “Ce sont vraiment des poètes pour moi.” L’écriture, qui semble prendre une place importante dans son appréciation de la musique, est d’ailleurs la première forme artistique à laquelle elle se frotte avant de se lancer dans le rap à l’âge de 19 ans.

“J’ai toujours écrit. J’ai commencé par la poésie, puis ma vie est devenue plus chaotique. Je n’arrivais plus à m’échapper dans les soirées ou ce genre de divertissement, car mon mal-être était trop constant. C’est ce qui a déclenché cette envie d’écrire ce qu’il y avait dans ma tête.

Mon rap, je ne l’ai pas intentionnellement écrit comme un rap. À la base, c’est un poème qui est devenu un rap car j’ai remarqué qu’il y avait une certaine rythmique. Moi, je voulais juste que ça sorte, c’était devenu tellement nécessaire. Puis, je me suis dit c’était ce que j’allais faire désormais.”

Mais si la tristesse fut un déclencheur, écrire n’est pas forcément le résultat d’un mal-être pour l’artiste.

“Quand j’écris, je ne dois pas forcément me sentir mal, mais je vais essayer d’accéder à mon intérieur. Dans la vie de tous les jours, on vit avec beaucoup de filtres et, des fois, on les applique sur nous-même sans s’en rendre compte. Du coup, quand j’écris, je détruis les filtres pour passer un moment avec moi-même. Je vais réfléchir à la façon dont une prod’ me fait sentir puis je vais tout mettre tout sur papier.”

Bruxelles vie

Convaincue que l’école ne lui permettrait pas de s’épanouir en tant qu’artiste et malgré les craintes de sa mère, qui lui souhaite une vie plus stable, Blu Samu quitte son lycée avant la fin de son cursus pour se lancer dans la vie active, enchaînant les petits jobs, tout en peaufinant son art et son écriture en parallèle.

Cependant, ce n’est qu’en prenant la décision de quitter Anvers pour Bruxelles que les choses se décantent pour la jeune musicienne. Elle se souvient :

“Anvers m’a inspirée car j’y ai connu toutes mes difficultés. Ça m’a donné l’envie de foncer et de faire mes trucs. Bruxelles, c’est une source d’inspiration complètement différente. Je suis inspirée par la scène et la familiarité qui existe entre tous les artistes bruxellois. On est très proches, on se soutient.

Être à Bruxelles m’a donc donné plus de pouvoir, de motivation et de foi qu’Anvers, où j’avais l’envie de réussir mais où je n’étais pas sûre de moi car je n’avais pas de gens avec qui travailler. Tout se faisait entre cliques et chacun bossait de façon séparée… Bruxelles est plus accueillante.”

C’est donc dans la capitale belge que Blu Samu s’installe pour vivre pendant deux ans en colocation avec le 77, groupe de rap bruxellois composé de Fele Flingue, Peet, Morgan, Rayan et Kesar, qui constitue une véritable famille de substitution pour la jeune femme.

“Ils sont toujours là pour moi. Ils sont chiants parfois, ils peuvent casser les couilles, mais si à minuit j’appelle Morgan car j’ai besoin de lui, il va être là pour moi. Si demain je suis en train de pleurer dans ma chambre, ils seront là pour moi et c’est ce que j’ai appris avec le 77. Si tu as des potes sur lesquels tu peux vraiment compter, tu possèdes tout ce dont tu as besoin dans ta vie. Ils me l’ont prouvé et je ne l’oublierai jamais.”

Blu Samu (© HamzaSeriak)

Mais la fine équipe n’est pas qu’une simple bande de potes puisque, ensemble, ils vont permettre à Blu Samu de s’épanouir artistiquement. Ainsi, Peet et Morgan signent plusieurs productions du projet Moka, mais aussi un feat sur le titre “Nathy” et apparaissent dans le clip “I Run”, un morceau et une vidéo construits comme une introduction à son univers, dans laquelle la jeune femme revisite son enfance, entre soif de liberté et conflit avec sa mère, illustrant son départ pour la capitale, la rencontre avec le 77, le travail en studio, la scène…

“Jusqu’ici, j’ai beaucoup travaillé avec Morgan et Peet du 77. C’était facile. On allait au studio, ils avaient des prod’ pour plusieurs jours. On a regardé ensemble. Je leur disais ce que j’aimais puis ils m’orientaient sur ce que je pouvais apprécier dans leur travail. Dans le futur, j’aimerais aussi composer. Je veux être plus impliquée dans la production.”

En attendant de produire ses propres prod’, Blu Samu ne cesse d’enchaîner les dates de concerts, se faisant tranquillement sa place au sein d’une scène belge florissante, soutenue par ses proches et notamment sa mère, au sujet de laquelle elle conclut : “Aujourd’hui, elle est heureuse que je suive mes rêves, elle sait que j’aurais été une sacrée bitch si je n’avais pas pu faire ça.”

Blu Samu se produira avec Peet le 13 mars prochain au Point Éphémère à Paris.