Avant “Gangnam Style”, Psy était censuré pour ses textes de rap obscènes

Avant “Gangnam Style”, Psy était censuré pour ses textes de rap obscènes

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Par Hong-Kyung Kang

Publié le

De rappeur censuré à patron de son propre label, retour sur le parcours incroyable de Psy, 8 ans après son succès planétaire.

On s’en rappelle tous. Il y a maintenant huit ans, le monde était submergé par la déferlante “Gangnam Style”. Le clip de la chanson a été le premier à dépasser le milliard de vues sur YouTube, et tout le monde reprenait la fameuse danse du cheval tirée de la chorégraphie du morceau. Pendant les mois qui ont suivi, Psy était présent sur les plateaux de tous les TV shows, et sa performance aux American Music Awards en compagnie de MC Hammer a été acclamée.

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Et puis… plus rien. Après “Gentleman”, un nouveau titre sorti pour surfer sur la vague de “Gangnam Style” qui a reçu un accueil mitigé, et une collaboration franchement en demi-teinte avec Snoop Dogg sur le morceau “Hangover”, Psy semble disparaître des radars. Les années passent et, avec elles, la ferveur du public pour la danse du cheval. Plus personne ne se soucie de l’artiste coréen, et ce dernier reste dans la mémoire de beaucoup de personnes comme un one-hit wonder parmi tant d’autres.

Et pourtant, contrairement aux idées reçues, la carrière de Psy n’a pas démarré avec le succès de “Gangnam Style”, et elle n’a d’ailleurs pas stoppé depuis. Saviez-vous qu’au début des années 2000, Psy était un rappeur censuré en Corée du Sud car ses paroles étaient jugées trop provocantes ? Étiez-vous au courant qu’il a créé son propre label de K-pop l’année dernière ? On vous propose de revenir sur l’histoire méconnue de l’artiste qui a secoué 2012.

Un jeune homme depuis toujours provocant

Jae-Sang Park naît le 31 décembre 1977 à Séoul, dans le quartier de Gangnam (oui, le fameux Gangnam de la chanson), au sein d’une famille très aisée financièrement. L’amour pour la musique lui vient à l’âge de 15 ans, lorsqu’il voit à la TV une rediffusion du concert de Queen au Wembley Stadium.

À l’école, Jae-Sang s’ennuie, et le fait comprendre en devenant le pitre de la classe. Une de ses anciens professeurs affirmera plus tard : “Je me rappelle qu’il faisait beaucoup de blagues sexuelles pendant les cours. Il avait tellement une grande influence qu’il entraînait toute la classe dans ses blagues.”

Après avoir passé son enfance et son adolescence dans la capitale sud-coréenne, le jeune homme part étudier à l’université de Boston, pour y suivre un cursus en finance. En effet, le père de Jae-Sang, alors président d’une grande compagnie (la DI Corporation), voulait que son fils reprenne les rênes de son business.

Cependant, une fois aux États-Unis, le jeune garçon perd rapidement le goût des études. Celui-ci préfère largement se consacrer à sa passion, la musique, et flambe ses économies dans du matériel de studio comme un clavier Midi. Park se met donc à passer la majorité de son temps à faire des prods.

Le jeune homme abandonne alors son cursus en finance et se réoriente à la Berklee College of Music, où il prend des cours de solfège et de composition. Mais Park se rend vite compte qu’il n’est décidément pas fait pour rester sur les bancs de l’université, et abandonne ses études pour retourner en Corée et lancer sa carrière d’artiste.

Des débuts laborieux

C’est en 2001 que Jae-Sang Park sort son tout premier album, Psy from the Psycho World!. Celui qu’on appelle désormais Psy (qui est en fait le diminutif de “psycho”) y cristallise toutes les influences hip-hop qu’il a héritées de la part de rappeurs comme Eminem, Jay-Z ou encore Dr. Dre, et les morceaux du projet sont très orientés rap.

Dans ce premier disque, Psy se montre comme le pitre qu’il a toujours été, et fait bien comprendre qu’il n’a aucune intention d’entrer dans le moule de la société coréenne, alors très conservatrice et portée sur le paraître. Le public est rapidement surpris par ce personnage extravagant, ses tenues loufoques et ses chorégraphies déjà improbables.

Au-delà de tout cela, un élément clé pose réellement problème : le texte des chansons. Les paroles du jeune artiste sont en effet très crues, et abordent ouvertement des sujets, comme le sexe, qui sont tabous dans la société coréenne d’alors. L’album de Psy est jugé vulgaire et accusé d’avoir une influence néfaste sur la jeunesse. Cinq mois après sa sortie, Psy from the Psycho World! est frappé d’une interdiction de vente, et Psy écope même d’une amende.

Le deuxième album de l’artiste, Ssa2, qui sort un an après en 2002, se heurte sensiblement aux mêmes critiques. Le projet est encore une fois composé de morceaux rap, et les paroles sont une nouvelle fois jugées inappropriées voire obscènes. De plus, peu avant la sortie du projet, Psy s’était fait attraper en train de fumer du cannabis, et, dans un pays aussi implacable sur la question que la Corée, le jeune artiste avait dû passer quelques jours en prison, ce qui n’a pas amélioré son image.

Psy devra une nouvelle fois payer une amende pour ce second projet. Cependant, les deux premiers albums de l’artiste seront réhabilités plus tard, par la critique comme par le public. Rétrospectivement parlant, l’apport de Psy dans la scène musicale coréenne des années 2000 est indéniable, notamment par ses sonorités hip-hop, R’n’B et même funk. Psy from the Psycho World! et Ssa2 sont deux bons albums toujours aussi plaisants à écouter en 2020, dont la seule arrogance a été celle d’être trop en avance sur leur époque.

Le début du succès

Malgré tout, Psy n’abandonne pas la musique, et revient en 2002 avec 3 Mi, son troisième album. Si ce dernier est une nouvelle fois orienté hip-hop, l’ambiance générale qui s’en dégage est plus calme et moins provocante. Dans ce projet très rap, un morceau détonne cependant. Il s’agit du titre “Champion”, dont l’instru a été réalisée à partir de samples de la BO du film Le Flic de Beverly Hills.

La chanson devient vite un phénomène national, et c’est le premier grand succès de Psy. Le contexte de l’époque a grandement aidé à pousser le morceau vers le haut : en juin 2002 a lieu la Coupe du monde de football, organisée par la Corée du Sud et le Japon, et les paroles galvanisantes du titre “Champion” font particulièrement écho chez les supporters coréens.

La réussite de Psy est alors officiellement reconnue, et ce dernier est récompensé lors de la cérémonie des Seoul Music Awards de la même année. Cet événement marque le succès de l’artiste dans l’industrie musicale, et met fin à toutes les controverses dues à ses deux premiers albums.

À partir de là, Psy suit la même direction artistique, et continue à prôner une image moins problématique, au moins dans ses singles, sans toutefois abandonner la touche d’humour et d’énergie qui le caractérise. Parmi ses chansons les plus connues à partir de cette époque, beaucoup ressemblent déjà à ce que les fans de K-pop d’aujourd’hui ont l’habitude d’entendre.

Le quatrième album de l’artiste, Ssajib, sort en 2006 et rencontre lui aussi un franc succès commercial national, en se hissant à la tête des charts coréens. La notoriété de Psy n’est désormais plus à faire en Corée.

L’entrée à YG Entertainment et “Gangnam Style”

En 2010, Psy rejoint le label YG Entertainment, une des trois plus grandes agences musicales de Corée du Sud, qui produit actuellement le groupe Blackpink. C’est donc dans ce nouvel environnement que l’artiste sort la même année PsyFive, son cinquième album studio.

Psy retombe légèrement dans ses anciennes habitudes avec le single “Right Now”. En effet, les paroles de la chanson sont jugées “obscènes”, car elles comparent la vie à de l’alcool toxique. Le titre est donc frappé d’une limite d’âge par le gouvernement, mais cela n’empêche pas son succès dans les charts.

On est en juillet 2012 quand arrive l’événement le plus important de la carrière de Psy. Deux ans après son disque précédent, l’artiste revient avec son sixième album studio, Psy 6 (Six Rules), Part 1. En même temps que la sortie du projet, le chanteur dévoile sur YouTube le clip du single “Gangnam Style”.

On ne rappellera pas une nouvelle fois à quel point le titre a connu un succès planétaire, et a été joué sur les radios du monde entier. Tout le monde reprenait la danse du cheval, et Psy était présent sur les plateaux TV des quatre coins du globe. Le clip de la chanson dépasse le milliard de vues sur YouTube, marquant ainsi un record et entrant dans l’histoire.

Au lieu de répéter ce que tout le monde sait au sujet de “Gangnam Style”, on préfère vous affirmer que, du reste, Psy 6 (Six Rules), Part 1 est un très bon album. À l’exception du single planétaire, les morceaux sont tous sérieux et premier degré, et le projet contient la participation d’invités de marque, comme le rappeur G-Dragon et le groupe Leessang. À travers les six titres du disque, Psy reste fidèle à lui-même avec des paroles qui décrivent le charme insolite de la vie avec une grande sincérité. On vous conseille vivement le titre “What Would Have Been?”.

Psy surfe alors sur son succès international en dévoilant dans la foulée, en 2013, le titre “Gentleman”. Cependant, le public est moins séduit par un clip dont l’humour semble beaucoup moins naturel. Après l’accueil mitigé de “Hangover” en 2014, un morceau en collaboration avec Snoop Dogg, le succès du chanteur coréen à l’international semble décliner, et la majorité des gens l’ont déjà oublié.

Retour aux sources et fondation de P Nation

Mais Psy n’a pas arrêté la musique pour autant. En 2015, le chanteur revient une nouvelle fois avec son septième album studio intitulé Chiljip Psy-da. Si les singles “Napal Baji” et “Daddy” ont un petit écho hors des frontières de la Corée, notamment parmi les nostalgiques de “Gangnam Style”, la majorité du public international s’est désintéressé de Psy. Du reste, cette tournure n’affecte pas plus que cela le chanteur, qui, fatigué du stress dû à son succès mondial, semble plutôt heureux de pouvoir se concentrer à nouveau sur le public coréen.

Il n’empêche que l’album contient tout de même des collaborations avec Ed Sheeran et will.i.am. Le disque reçoit un accueil correct de la part du public, mais même s’il est considéré comme étant plutôt qualitatif, la critique reproche à Psy de ne pas avoir pris de risque cette fois. Si vous voulez notre avis, il faut quand même retenir le titre “I Remember You” avec le chanteur coréen Zion.T.

En 2017, Psy dévoile son huitième et dernier album en date, 4X2=8, porté par les singles “I Luv It” (produit par le très connu rappeur coréen Zico), et “New Face”. Si l’album est plutôt bon dans l’ensemble, on retiendra ici le titre “Fact” en collaboration avec G-Dragon, dans lequel Psy revient à ses origines en proposant un titre rap dans lequel il déclare ses quatre vérités sans aucun filtre.

Après huit ans de collaboration, Psy décide de quitter YG Entertainment en 2018. En 2019, l’artiste, désormais vétéran de l’industrie musicale, crée son propre label, P Nation. Le chanteur affirme vouloir faire profiter de son expérience à de jeunes talents et les accompagner dans leur carrière. Plusieurs grosses stars coréennes sont déjà signées dans le label de Psy, comme la rappeuse Jessi, le chanteur de R’n’B Crush, ou les anciens membres de groupe de K-pop Hyuna et Dawn.

Quant à Psy lui-même, il ne s’est pas encore retiré du devant de la scène. Son neuvième album était annoncé pour l’été dernier, mais sa sortie a été repoussée, et aucune nouvelle date n’a été pour l’instant déclarée. Contrairement aux idées reçues, la carrière de l’interprète de “Gangnam Style” est donc loin d’avoir été fugace. De rappeur censuré à patron de son propre label, l’artiste a eu un long parcours et a marqué à jamais l’histoire de la musique coréenne et mondiale. Désormais producteur d’artistes, on se demande qui Psy va choisir pour reprendre le flambeau de son succès.