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Aux Grammy Awards, Alabama Shakes a ranimé la flamme du rock’n’roll

Aux Grammy Awards, Alabama Shakes a ranimé la flamme du rock’n’roll

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Par Théo Chapuis

Publié le

Avec Kendrick Lamar et Taylor Swift, les grands gagnants des Grammy Awards étaient Alabama Shakes. Pas de doute, la musique à guitare a encore de beaux arguments.

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Hier soir, parmi les stars de la pop les plus en vue du continent américain, un petit groupe à la trajectoire plutôt modeste s’est taillé une place à coups de riffs aux côtés des Kendrick Lamar ou Taylor Swift.

Nommé dans quatre catégories, Alabama Shakes, formé en 2009, n’a jamais subi de changement de line-up et sortait en 2015 Sound & Color, son deuxième album seulement. Ces “héros roots-rock” ont hier soir crevé le plafond de verre qui les cloîtrait bien sagement dans cette image un peu rouillée de rockeurs sudistes. Pas compliqué lorsqu’on remporte trois Grammy Awards au nez et à la barbe d’artistes aussi installés que Björk, Tame Impala, Florence & The Machine ou encore Foo Fighters (tous repartis bredouilles).

Mais si le groupe remportait hier les statuettes enviées de meilleure chanson rock, meilleure performance rock et meilleur album alternatif, Alabama Shakes est encore assez mal connu de notre côté de l’Atlantique. Il est plus que l’heure de rattraper notre retard : Alabama Shakes secoue l’Amérique tout entière depuis trois ans maintenant, et s’est illustré dans les charts cet été, grâce à Sound & Color, un premier album numéro 1 des ventes sur son sol national.

Jack White family

Si vous êtes parmi les chanceux à avoir découvert Alabama Shakes sur disque ou sur scène, aux Eurockéennes, au festival des Inrocks ou ailleurs, vous le savez déjà : à la première écoute, on pense au label Third Man Records, tant la proximité avec les amours musicales de Jack White jaillissent du son volontairement vintage du quintette d’Athens, Alabama. D’ailleurs l’ex-White Stripes leur a déjà offert à plusieurs reprise la première partie de ses concerts.

Dans l’État de Forrest Gump, le rock est roots : les vieux orgues Hammond disputent leur omnipotence aux cocottes funky des guitares (“Future People”, “Gemini”), la batterie brille d’un son clair libre de toute compression (et détonne avec les standards rythmiques contemporains) et la basse noue de bons vieux walkings autour de riffs de gratte ciselés par ces musiciens biberonnés autant à Otis Redding qu’aux Stones ou à Hank Williams (“Gimme All Your Love”, ici en live au Saturday Night Live).

La clé du succès d’Alabama Shakes, c’est sans doute de nous avoir rappelé que le rock est une musique qui se danse – ce qui a sûrement valu son Grammy au titre “Don’t Wanna Fight”. Éclectique sur disque comme sur scène, le quintette donne parfois dans la soul à guitare (“Guess Who”), parfois dans le pur garage rock abrasif (“The Greatest”)… mais gare au piège : il serait injuste d’enfermer Alabama Shakes dans une confortable case rétro-rock, tout juste bonne à servir de pièce de musée empoussiérée pour lecteur désabusé de Rock & Folk. Ce n’est pas parce que le groupe puise son inspiration dans les musiques populaires du Sud des États-Unis, rock’n’roll en tête, qu’il s’enferme dans le passé. Toute la deuxième partie de l’album Sound & Color vous le prouvera.

En live, les frissons

Tout spectateur normalement constitué assistant à une performance d’Alabama Shakes reste baba devant la maîtrise vocale absolue de sa frontwoman, la charismatique Brittany Howard (dont l’épaule gauche est tatouée en hommage à son État natal). La nuit dernière, les plus sceptiques ont vu leurs doutes s’envoler lorsque, en pleine confiance, après avoir déjà reçu ses prix, Alabama Shakes interprétait sur les planches des Grammys le titre “Don’t Wanna Fight”, un morceau sensuel et tout en nuances. Attention les frissons :

Immédiatement à l’issue de leur prestation, les réactions sur Twitter étaient très chaleureuses à l’endroit des rockeurs. Le public, mais aussi de nombreux musiciens ont partagé leur admiration pour le groupe – et surtout pour Brittany Howard, qui, décidément, crève l’écran :

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“Quand chaque poil de ton corps se soulève. Quand tu te souviens que la musique nous unit. Quand l’excellence joue sur scène.”

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“Alabama Shakes a donné une performance hallucinante. Je voudrais être aussi confiante qu’elle sur scène.”

Aux Grammys, un avènement rock

Hier soir, il n’y avait que le rouleau compresseur Taylor Swift pour battre le petit groupe devenu grand dans la (trop ?) prestigieuse catégorie de l’album de l’année. Alabama Shakes jouait sans doute à un niveau qui n’est pas encore le sien, auquel participaient trois autres poids lourds, le Canadien The Weeknd, le chanteur country Chris Stapleton et le chouchou du hip-hop made in Compton, Kendrick Lamar.

Mais si les récompenses ne sont pas tout, le groupe a rappelé qu’en étant nommé à la fois dans la catégorie meilleur album alternatif et meilleur album “tout court”, il s’ouvre un avenir à l’ambition excitante : Alabama Shakes pourra-t-il réconcilier les masses, matraquées de pop mainstream et les vieux ayatollahs du rock réputés si conservateurs ? Ce n’est pas dit, mais en tout cas l’enjeu est beau.