Get Rich or Die Tryin’ de 50 Cent : le diamant brut du gangsta rap

Get Rich or Die Tryin’ de 50 Cent : le diamant brut du gangsta rap

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Par Rachid Majdoub

Publié le

Il y a 19 ans, Fifty était en mission : réussir après avoir été à quelques millimètres de mourir, pour enfin se faire respecter de tous.

Devenir riche ou mourir en essayant de l’être

Je suis tombé amoureux de cet album le jour où je l’ai volé dans une caisse à la vitre un peu trop ouverte… J’étais gamin, et cette infraction n’aurait pas eu lieu si je n’étais pas attiré par cette pochette et la folie qu’elle renfermait. Sorti juste après la compilation Guess Who’s Back ? (2002) et annonçant le retour de 50 Cent dans un game qu’il assommerait un peu plus avec The Massacre (2005), Get Rich or Die Tryin’ braquait le gangsta rap pour marquer son histoire à tout jamais… en un “one shot, one kill, what’s the deal” : boom, c’était un 6 février 2003.

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À cette époque, pas besoin de porter la mention “Thug” dans son nom pour l’être. Il suffisait de posséder une grosse chaîne, un gilet pare-balles, un Glock, et des couilles. Le rap de gangster était alors à son apogée, la rue parlait encore… même la mâchoire défoncée par une balle. Les classiques s’enchaînaient avec acharnement, et un talent se mariant parfaitement à un vécu véritablement vrai, tristement réel et moteur d’une rage sans pitié.

L’homme le plus en vue à cette époque : 50 Cent. Fort de son histoire et ses fameuses 9 balles de 9 millimètres reçues le 24 mai 2000 entre la main, la poitrine, la cuisse et la joue gauche avec quelques dents cassées, l’enfant du Queens planchait avec une articulation approximative sur l’enregistrement d’un premier album officiel qui deviendra un classique : Get Rich or Die Tryin’. Six fois platine en moins d’un an, le disque s’écoulera au total à quelque 15 millions d’exemplaires à travers le monde, et touchera bien plus d’auditeurs guidés par 19 titres (avec bonus) introspectifs à la résonance intemporelle. 19 morceaux et pas un seul déchet : ajoutez à cela le binôme Dre-Eminem derrière le produit Fifty (sans compter les Scott Storch, Lloyd Banks, Nate Dogg… présents sur l’album), et obtenez un pur classique rayonnant au sommet de l’histoire du rap. 

Rien de tel pour préparer le terrain du biopic du même nom, retraçant la vie du petit Curtis devenu grand, dealer puis rappeur, sorti de prison pour déverser sa haine sur une feuille blanche.

19 titres et autant de classiques

Les hostilités sont lancées avec “Wanksta”, premier morceau sorti sur les labels Shady/Aftermath de Dr. Dre et Eminem. Mon pote d’enfance avait eu la chance de voyager à New York avec ses parents, juste après la sortie du projet. Il me racontait à son retour que “Wanksta”, et son instru’ ravageuse, tournait à l’époque dans toutes les rues de la ville, résonnant dans tous les Hummer de gangsters, comme dans le clip.

“Daaaaamn, homie ! In high school you was the maaaan, homie ! The fuck happened to you ?” Inspiré par son ennemi juré Ja Rule, ce morceau figurera finalement dans les bonus de l’album, histoire de désamorcer du plus lourd encore.

À commencer par la pochette du projet, avec un Curtis Jackson affirmé, ciblé par une balle explosant la vitre protégeant la croix en diamants solidement pendue au niveau de ses abdos bien taillés à sa sortie de prison. 50 Cent n’est pas là pour rigoler, collant sur la tête et gun bien chargé, comme on peut l’entendre dans l’introduction de l’album. Une piste 1 aussi simple que mythique : 8 secondes durant lesquelles on entend juste une pièce de monnaie mourir sur une table, puis le bruit du Glock…

What up Eminem ?

Le premier morceau peut se lancer. Et quel morceau. Toute la haine emmagasinée par 50 Cent est recrachée au micro, pour un titre qui fait entrer l’auditeur dans le vif du sujet, lui adressant un “What up gangsta” sur une prod’ bien guerrière signée Rob “Reef” Tewlow. L’enfant du Queens était alors respecté de tout New York ; en tant que nouveau roi de la East Coast, il pouvait tout se permettre, revanchard comme jamais après s’être miraculeusement relevé.

Il ne fait plus confiance à personne, si ce n’est à son entourage, le G-Unit, son crew, en première ligne de combat. Une armée dont il scande le nom tout au long de ce track 2, avant d’enchaîner sur un autre classique (le mot classique pourrait ressortir pour pratiquement chaque titre de cet album) : “Patiently Waiting”.

Sa spécificité : réunir les deux meilleurs rappeurs de l’époque, à savoir 50 Cent et son allié lui aussi cobaye du labo de Dr. Dre : Eminem. À ce moment, un morceau alliant les deux MC valait cher, pesait lourd, tant ce qu’ils touchaient ensemble se transformait en or. Sur fond d’ego trip, Slim Shady et son ami tuent tout simplement une prod’ sombre signée… Eminem.

Le King de Detroit, des États-Unis et du monde du rap tout court mérite aujourd’hui ce statut, quand on sait qu’en plus de ses albums, ceux de D-12 et ses multiples collaborations, il était capable de coproduire entièrement un tel projet. Get Rich, le meilleur disque de la carrière de 50 Cent et l’un des plus cultes de l’histoire du double H, a été concocté des mains d’Eminem et Dr. Dre. Pour une ambiance homogène de track en track…

“Many men… many many many many men”

Une boucle de piano, le récit du rappeur blessé mais debout, entre rap chirurgical et chant cathartique dont la mélodie hante le crâne, le tout illustré d’un clip entre la performance et le long-métrage… et on obtient “Many Men”, subjectivement dans le top 3 des meilleurs titres de l’album, et à travers cela de la discographie entière de 50 Cent.

Place maintenant au plus grand hit de la carrière du rappeur, celui qui l’a fait exploser aux oreilles de tous et qui a propulsé le gangsta rap jusque dans les clubs du monde entier : “In da Club”. Fini de s’apitoyer sur son sort, 50 Cent reprend du galon après une petite remise en forme dans le labo reculé de Shady/Aftermath, sous le regard du médecin Dre.

Revigoré, Fifty peut souffler, et fumer la piste suivante, “High All the Time”. Une respiration dans l’album, un peu plus détendue que la première partie du disque chargée d’action. La particularité de 50 Cent à travers ce son et d’autres : être un gangster qui écrit, très bien, qui rappe, très bien, et chante assez bien pour que le résultat soit aussi bouleversant qu’agréable à l’écoute. De la musique sur laquelle tu peux bouillir tout en chillant, te rebeller tout en souriant ; un peu à la manière du rappeur amoché et persévérant.

Sombre et tendre violence

Et qui a le seum, le vrai. Trêve de flânerie, un morceau plus tard, 50 Cent revient plus violent que jamais avec “Heat” et son street clip dans lequel il tabasse, avec ses potes, ses ennemis. Les images sont aussi violentes que les paroles, le ton est donné, et la gâchette appuyée à répétition sur l’instru’.

“I get tired of looking for you I’ll spray your mommas crib and let yo ass look for me.”

La piste 8, “If I Can’t”, en est le plus bel exemple. Morceau charnière de l’album, son instru’ est construite tout autour du sample d’un titre culte : “Peter Piper” de Run–DMC. Ce qui en fera l’un des singles les plus frais de Curtis Jackson.

“50 Cent that’s my name !”

Il est temps de mettre en avant ses soldats. Sur “Blood Hound”, c’est Young Buck, du G-Unit, qui figure en featuring. Les deux acolytes s’adonnent alors à une présentation un peu musclée.

“50 Cent that’s my name !”

La mélodie enjouée de l’instru’ laisse place à d’autres notes beaucoup plus noires sur le titre qui suit : “Back Down”, savamment produit par le grand Dr. Dre. La rue, la vraie, je vous dis. Au point que la légende raconte que la conclusion de ces 4,05 minutes de shooting lyrical a littéralement mis fin à la carrière de Ja Rule…

East Coast + West Coast

Son rival terrassé, 50 Cent peut fêter ça sur un autre gros single de sa carrière : “P.I.M.P.” Et qui de mieux que son G-Unit et Snoop Dogg pour briller, de la côte ouest à la côte est des États-Unis, pimpés comme jamais dans un clip aux séquences cultes, tournant sur les chaînes musicales autant de fois que la chaîne de Young Buck.

Like My Style” avec don Tony Yayo, puis l’électrique “Poor Lil Rich“, affirment le pesant d’or du rappeur, qui se permet avec plein d’assurance un petit égocentrisme bien mérité. L’album, dont la fin approche, n’aurait pas la même saveur sans un autre classique (je vous avais prévenus) : “21 Questions”, sur lequel Nate Dogg (R.I.P.) déversait tout son talent du plus grand interprète de refrains que l’humanité a enfanté. Le regretté prince de la G-funk était bien entendu plus que cela, enveloppant ici de sa voix de velours le flow mélodieux d’un 50 Cent torturé aux textes introspectifs.

“Don’t Push Me”

Dernière partie du projet, et un Curtis de nouveau énervé. Que ce soit sur les titres bonus, “Life’s on the Line“, et “U Not Like Me” adressé à tous les flics des États-Unis, ou sur l’outro, “Gotta Make It to Heaven“. Et, juste avant elle, LE diamant noir de cet album, sur lequel je vous laisse : “Don’t Push Me”, featuring Lloyd Banks, emcee le plus sous-côté de sa génération, et Eminem, ici fidèle au poste de rappeur-producteur.

Avec Get Rich or Die Tryin’, 50 Cent aura réussi sa mission : réussir après avoir été à quelques millimètres de mourir, pour enfin se faire respecter de tous.

Article initialement publié le 6 février 2017 et mis à jour le 6 février 2022.