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En écoute : la compil’ 13 Organisé célèbre le rap marseillais avec toutes ses générations

En écoute : la compil’ 13 Organisé célèbre le rap marseillais avec toutes ses générations

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Jul réussit l'exploit de réunir IAM, SCH, la Fonky Family, les Psy 4 de la rime et la nouvelle génération du rap from Marseille.

C’était la sensation de cet été en demi-teinte. “Bande organisée”, ce morceau quasiment anti-tube par sa longueur et sa succession de couplets sans fin, est devenu un hymne avec notamment l’entrée légendaire de SCH, les punchlines de Kofs, la nonchalance de Jul et Naps et le “zumba cafwé” de Soso Maness.

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L’instrumental si symptomatique du travail de Jul, entre club et rap de rue avec un BPM très élevé, offrait un terrain de jeu très différent dans le paysage du rap français. Un terrain purement marseillais, le stade Vélodrome de la musique actuelle, qui atteint un score incroyable de 100 millions de vues sur YouTube. Jul et son équipe annonçaient alors une compilation 13 organisé avec une liste d’invités gargantuesque du rap marseillais

Toutes les générations de Marseille sont présentes. Pour les plus anciens, il y a les équipes incontournables depuis les années 1990 comme IAM avec Akhenaton et Shurik’n, la Fonky Family avec Le Rat Luciano, Sat, Menzo et Don Choa, les Psy 4 de la rime avec Soprano, Alonzo et Vincenzo, L’Algérino, mais aussi les plus précis et locaux Stone Black et Jazzy Jazz de Carré rouge, ou encore As et Fahar de Puissance Nord. Parmi les surprises, on retrouve Keny Arkana, symbole fort d’un rap marseillais féminin, engagé et indépendant.

Et c’est le mélange avec des plus jeunes comme Jul, SCH, Soso Maness, 100 Blaze, Kofs, Elams et Naps qui crée une énergie totalement nouvelle et permet de noter les spécificités du rap marseillais à travers le temps. Le rap à Marseille a toujours été une histoire d’équipe, de textes nostalgiques et de moments qui se laissent traîner.

Les treize morceaux semblent empreints d’une certaine mélancolie, avec des pianos et violons lancinants et de la longueur, plus de 4 minutes 30 de joutes verbales par piste, très peu de refrains, beaucoup de couplets à la chaîne. Certains morceaux atteignent même les 7 minutes dans une vraie tradition marseillaise à la “Demain c’est loin” avec une écriture personnalisée et remplie d’images fortes, une interprétation entre dérision et désespoir.

Par-dessus tout ça, l’ambiance musicale est toujours survoltée. Le rythme est soutenu comme l’énergie de la ville, les batteries cavalent, les basses sont sourdes comme si elles étaient entendues d’une voiture aux vitres teintées qui descend la Canebière à toute vitesse.

Ce mouvement de rap aux BPM ultra-rapides, influencés par le funk synthétique des années 1980, a été lancé par le producteur Pone sur l’album solo du Rat Luciano en 2000 et sur l’album Art de rue de la Fonky Family en 2001. Ce style a alors été transmis par des groupes comme Puissance Nord, Psy 4 de la rime ou encore Carré rouge au début des années 2000.

Ce genre, très présent dans la musique de Jul depuis le départ, le rappeur marseillais l’a mélangé avec des styles méditerranéens populaires comme le raï et la pop italienne pour en faire son ovni musical, aux rythmiques chaloupées et aux textes touchants. On retrouve ce son si particulier sur des titres comme “Partout c’est la même”, “War Zone” et “Miami Vice”, laissant de la place pour chaque rappeur tout en l’incorporant dans une course folle contre la montre.

Parfois, quelques pauses s’imposent, surtout sur la fin du disque avec les déjà légendaires “La Nuit” et “Je suis Marseille”, entre Boom bap lancinant avec piano et violon et passation de pouvoir entre générations. “Je suis Marseille” commence avec la voix de Benoît Allemane, doubleur de Morgan Freeman, pour introduire une incroyable histoire du rap marseillais samplant les classiques “Où je vis” et “Marseille la nuit”. Tous les anciens sont en forme et font vraiment très bonne figure face aux plus jeunes générations.

Les couplets du Rat Luciano sont toujours perçants et justes, comme si l’épreuve du temps les rendait encore plus précieux. Avec 13 organisé, cette confrontation des générations laisse vraiment le sentiment que le rap marseillais est une grande famille où chacun trouve sa place et qui peut laisser libre cours à sa créativité et son authenticité. Un groupe soudé, fort, et qui va droit au but.