Les 10 albums qui nous ont le plus (agréablement) surpris en 2019

Les 10 albums qui nous ont le plus (agréablement) surpris en 2019

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Par Guillaume Narduzzi

Publié le

Entre espoirs confirmés et révélations, voilà ceux qui ont retenu notre attention cette année.

Baby On Baby – DaBaby

DaBaby a vraiment fait un sans-faute tout au long de l’année. Le rappeur était pourtant quasiment inconnu avant le 1er janvier 2019 et l’incroyable vidéo de “Walker Texas Ranger” qui marque sa première véritable signature musicale et visuelle. Depuis, il a décliné cette formule incroyable entre absurde et hardcore, un mélange qui doit autant à Tex Avery qu’à Conan le Barbare.

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Son premier projet de l’année, Baby On Baby, est un témoin de cette ascension irrésistible empruntant un flow proche des Migos, des mimiques à la Busta Rhymes sur des basses compressées par le gant de Thanos. Les morceaux se suivent et se ressemblent parfois mais leur simplicité apparente est imparable. Les moments forts sont totalement inclassables comme ce “Suge” et ses montées de basse épileptiques devenues emblèmes de 2019 et qui le placent dans le top 10 pendant des mois. DaBaby est vraiment le grand gagnant du rap américain cette année.

When We All Fall Asleep, Where Do We Go ? – Billie Eilish

Probablement la révélation de l’année. Avec son premier album au nom interminable, un charisme dingue et un talent que nul ne peut ignorer, la jeune artiste a tout emporté sur son passage, confirmant ainsi les promesses entrevues dès son premier EP Don’t Smile at Me paru il y a déjà deux ans.

Si le succès populaire a été immense – l’album se classant numéro 1 dès sa sortie aux USA -, les critiques n’ont pas tari d’éloge sur ce premier effort abouti, cohérent et novateur. Avec son polyvalent frère Finneas O’Connell à ses côtés, Billie Eilish excelle dans une sombreur qui lui est propre. L’influence de ce disque devrait se ressentir sur maintes sorties musicales de 2020, si ce n’est de la prochaine décennie.

Machakil – TripleGo

Vous pensiez que les deux frères Andrieu de PNL étaient les précurseurs du cloud rap en France ? Faux. Avant eux, il y avait déjà TripleGo. Le duo montreuillois, composé de Sanguee au chant et MoMo Spazz à la production, a longtemps cherché la bonne formule. Seulement, entre temps, Tarik et Nabil sont passés par là, ne laissant que des miettes à la concurrence sur ce créneau initialement de niche.

Mais, dans l’ombre, les deux hommes de TripleGo ont peaufiné leur musique au fil de nombreux projets jusqu’à livrer le somptueux album Machakil en début d’année. Si le projet est globalement resté très confidentiel, y compris auprès des amateurs traditionnels de rap français, il est pourtant très réussi et fonctionne notamment grâce à une identité propre au duo, s’éloignant ainsi des maîtres du cloud rap à la française issus des Tarterêts. Sur cette lancée, TripleGo en a profité pour dévoiler un nouveau projet en novembre dernier, Yeux Rouges, dans la lignée du premier. Enfin, on a également pu les retrouver sur le dernier EP en date du Prince Waly. Une année pleinement réussie.

Période d’essai – Kobo

Après une salve de morceaux plus impressionnants les uns que les autres, Kobo a (enfin) décidé de passer le cap du premier album. Avec brio. Grâce à Période d’essai, le rappeur belge signe indéniablement l’un des projets francophones les plus pertinents et les plus aboutis de l’année. Un disque duquel émane sincérité et maturité – sûrement dues à son parcours de vie pas franchement évident. Peu s’en seraient relevés.

Lui en a fait sa force et continue de retranscrire à merveille sa vision du monde, sombre et torturée, à travers des prod’ variées. L’artiste belge est parvenu à élaborer un disque cohérent tout en multipliant les sonorités comme pour mieux démontrer sa polyvalence à toute épreuve, se montrant très inspiré dans le format et dans le contenu de ses clips. La Période d’essai de Kobo est bel et bien finie.

African Giant – Burna Boy

Après plusieurs années à squatter les tops des meilleurs morceaux de l’année, l’artiste nigérian Burna Boy arrive à la consécration avec African Giant, son album sorti à l’été 2019. Cette nouvelle étape passe par une maturité musicale qui lui permet de créer son propre univers, une somme de milliers d’influences : africaines pour la plupart mais aussi anglaises, américaines ou caribéennes. Cette fusion totale entre afrobeat, dancehall, R&B et même rap, permet aussi à Burna Boy de multiplier les thèmes plus personnels et plus politiques.

Véritable ambassadeur de l’Afrique moderne, l’artiste originaire de Lagos reprend le flambeau de Fela Kuti dont son père était le manager. Avec African Giant, Burna Boy prouve qu’il peut devenir un modèle intergénérationnel avec une cause forte, à la manière de James Brown, Marvin Gaye ou Bob Marley. Ses tubes “Gbona”, “Anybody” ou “On The Low” marquent ces derniers mois d’une force particulière, celle d’une douleur et d’une fierté ancestrales. Un album charnière des années 2010. La surprise du chef.

Diaspora – GoldLink

GoldLink était déjà surprenant dans son premier album studio At What Cost, en 2017. Avant ça, il était surtout associé au collectif Soulection, leur univers jazz-house-rap plutôt cosy et surtout les fulgurances du canadien Kaytranada. Pourtant, sur ce second opus, le rappeur se focalisait sur son style musical régional, celui de la ville de Washington D.C. Mélangeant Go-go, rap dur et funk lascive, GoldLink avait gagné son pari. Et il réitère avec un troisième album encore une fois surprenant.

Plutôt que de rester sur ses acquis, il infuse sa musique de nouvelles influences plus mondiales dans Diaspora, entre Caraïbes, Afrique et Amérique du Sud. Son univers, entre club et rap, prend de plus en plus de sens et les invités s’étoffent encore, de Wizkid à Khalid en passant par Tyler, The Creator et Pusha T. Parmi la superbe production du disque, quelques tubes internationaux se sont creusés là : “Zulu Screams”, “Joke Ting” ou “More”. Même si le flow de GoldLink peut paraître encore limité, son adaptation incroyable à tous les styles de musique en fait un des artistes majeurs des années 2010 avec quatre projets montrant une progression et une versatilité folles. Le “lien doré” parmi toutes nos musiques préférées.

Tristesse Business : Saison 1 – Luidji

“La famille avant l’oseille / l’oseille avant les salopes”. C’est sûrement ce sens des priorités bien défini qui a propulsé Luidji dans une première forme de notoriété. Relativement proche de Dinos, le rappeur originaire de Villiers-le-Bel a su trouver sa voix ces deux dernières années. Un rap coloré, mélodieux, aérien parfois. Le tout accompagné par des textes aux teintes bleutées.

Luidji décrit notre quotidien avec une lucidité aussi amusante qu’acide. Il n’hésite pas à mettre en valeur sa voix, à s’aventurer dans des morceaux assez variés. Son premier album Tristesse Business : Saison 1 est à la fois rempli de douceur et d’amertume. Son morceau “Femme Flic” en est un exemple parfait. Ce premier projet sérieux semble advenir dans un moment difficile de sa vie. Il y est beaucoup question de séparation, de la vénalité des femmes, des “michtos” pour être plus précis. Mais derrière ce spleen et cette rancune, on a tout de même l’impression que Luidji est un être solaire qui devrait illuminer un public grandissant ces prochaines années.

Apollo XXI – Steve Lacy 

Cela faisait maintenant plusieurs années qu’on attendait le premier album de Steve Lacy, le génie touche-à-tout du groupe The Internet. À seulement 21 ans, l’artiste multi-instrumentiste a déjà un incroyable parcours avec The Internet donc mais aussi en collaborant sur des projets aussi exigeants que ceux de Solange, Blood Orange, Vampire Weekend ou Mac Miller. L’attente a atteint son paroxysme à la suite de son passage sur le superbe “Pride” de Kendrick Lamar sur DAMN.

En solo, Steve Lacy propose régulièrement des morceaux ou des EPs mais l’étape du premier album n’était pas encore franchie. Et elle ne déçoit pas du tout avec cet Apollo XXI. La fusion des genres entre rap, R&B et proto-funk réussit à offrir des pépites dignes héritières du style Pharrell Williams, Talking Heads et Prince. Avec ses mélodies de guitare très entêtantes, Steve Lacy s’installe dans un univers sans éclats de voix ni moments extrêmes, dans un confort entre psyché rock et surf music. L’intimité de certains morceaux laisse entrevoir toutes les possibilités pour le futur. Une des belles étapes bucoliques de cette année riche en feux d’artifice.

En esprit – Heuss L’enfoiré

Si le terme “moula” devait prochainement intégrer le dictionnaire, Heuss l’enfoiré n’y serait probablement pas pour rien. Le rappeur du 92, attendu en début d’année comme un espoir de la scène hexagonale, a dépassé toutes les attentes pour devenir un véritable hitmaker made in France. “Khapta”, “Aristocrate” ou encore “Les méchants” sont devenus des succès populaires incontournables de 2019. Pourtant, son album En esprit ne se limite pas à ces quelques morceaux.

Sur des pistes comme “En esprit” ou “L’enfoiré”, le jeune artiste rappelle qu’il est avant tout un rappeur qui sait kicker et se prêter à l’exercice du storytelling (“N.Y.M.A.”) – à sa manière certes. Bien loin de l’image d’amuseur public qui risque désormais de lui coller à la peau. D’autant plus qu’à travers ses multiples collaborations, il est devenu synonyme de succès pour ceux qui l’invitent sur leur projet (Jul, Niska, Gradur, SCH…). Mais au vu de sa marge de progression encore importante, l’avenir s’annonce radieux pour Heuss l’enfoiré.

French cash – Zed Yun Pavarotti

Originaire de Saint-Etienne, Zed Yun Pavarotti a installé ses pérégrinations mélancoliques et mélodieuses dans l’univers du rap français. Et ce en très peu de temps. Si son projet Grand Zéro est sorti en 2018, c’est son premier album French cash qui a permis à ce jeune fan de Pavarotti d’affirmer son talent. Invoquant autant Johnny Cash que Famous Dex et ASAP Rocky pour ce qui est de ses inspirations, c’est pour le ténor italien qu’il a le plus d’admiration : “Pavarotti, c’est simplement que je suis très fan du Monsieur. Je prends des claques à chaque fois que je l’écoute. Le mec est fascinant.” nous déclarait-il en décembre dernier.

Représentant des “corps bousillés, des prolos mode anglaise et des freaks mi-gothiques”, Zed Yun Pavarotti est sûrement un des meilleurs représentants du “spleen rap” avec ses textes désabusés prononcés avec une nonchalance onirique. Ce premier album tient sa promesse et nous donne envie d’en voir plus. Meilleure progression 2019.

Avec Aurélien Chapuis et Raphael Muckensturm