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A$AP Rocky : la classe et l’audace au service du hip-hop

A$AP Rocky : la classe et l’audace au service du hip-hop

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Instagram Asap Mob

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Par Jérémie Léger

Publié le

Avec son nouvel album, Testing, A$AP Rocky frappe fort et confirme avec audace qu’il a toujours eu un coup d’avance sur son temps – comme nous le prouvent aussi ses goûts en matière de mode.

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Parfois, dans le rap, il y a des ovnis qui débarquent sans crier gare. Des artistes qui se démarquent malgré une concurrence toujours plus grande et sans pitié. Au milieu des années 2000, un étudiant dissipé de l’université de Chicago du nom de Kanye West arrivait ainsi dans le hip-hop en polo rose, avec une vision artistique encore jamais vue.

À l’aube des années 2010, un ancien dealer de Harlem nommé Rakim Mayers est sorti de l’ombre. On ne le sait pas encore, mais il va tout mettre en place pour perpétrer un véritable hold-up dans le rap game. En effet, comme Kanye West à son époque, A$AP Rocky a prouvé qu’il était en avance sur son temps – aussi bien musicalement que culturellement.

Une icône avant-gardiste de la mode

Dès ses débuts, il n’est pas seul. En effet, depuis 2006, il fait partie du crew A$AP Mob, fondé par le défunt MC A$AP Yams, le styliste A$AP Bari et le mannequin A$AP Illz. Tous les membres du collectif (rappeurs, créateurs, réalisateurs et producteurs) partagent un même but : faire briller Harlem sur la carte du hip-hop, à l’heure où le Sud des États-Unis est au centre de toutes les attentions. La troupe a compris avant tout le monde que le hip-hop est pluridisciplinaire, qu’il ne se limite pas seulement au rap, mais comprend également une part de lifestyle – ce qui l’a aidé à se démarquer.

Si aujourd’hui penser l’un sans l’autre est inenvisageable, la A$AP Mob était à ses débuts marginalisée dans la sphère hip-hop, pour son goût un peu trop prononcé pour la mode. D’autant qu’à l’heure où tout le monde s’habillait avec des sapes hyper amples, les A$AP optaient plutôt pour des tailles “skinny” et “slim”. Pointés du doigt et moqués dans leur propre quartier à l’époque, ils ont depuis réussi à faire adopter leur look à de nombreux mecs stylés.

Progressivement, A$AP Rocky va s’imposer comme la figure de proue du crew. Sa force dans la mode, c’est d’avoir réussi en premier à porter à la fois du luxe et du steetwear. Si les frontières entre les deux se confondent de plus en plus à notre époque, ce n’était pas évident il y a dix ans. Mais contre vents et marées, A$AP Rocky n’a jamais voulu les opposer. Résultat ? Il est aujourd’hui l’un des mannequins les plus en vue du monde. Il est ainsi devenu l’égérie de Dior.

Gucci, Adidas, Guess, JW Anderson, Supreme, HBA, Jeremy Scott, Raf Simons ou encore Rick Owens… autant de marques et de stylistes dont il a porté les créations. Même Travis Scott est accusé d’avoir volé le style de Lord Pretty Flacko, c’est dire. Vous vous demandez quelle sera la mode de demain ? Demandez-lui !

Un rappeur novateur

Lorsqu’en 2008 A$AP Rocky rejoint la Mob, il a 20 ans et n’a toujours pas sorti une seule mixtape – mais ses compétences mises en lumière sur ses premières démos ne laissent planer aucun doute sur son potentiel au micro. C’est donc tout naturellement qu’il va s’imposer comme le rappeur phare de la formation new-yorkaise.

Trois ans plus tard, après le succès de son tube “Peso” produit par A$AP Ty Beats, il signe un contrat de 3 millions de dollars avec Sony/RCA. Au-delà de son potentiel indéniable à toucher toutes les branches du public hip-hop par ses liens étroits avec la mode, il va encore une fois montrer son avant-gardisme, à travers ses inspirations musicales.

Comme il vient de Harlem, on aurait pu s’attendre à un énième artiste boom bap, mais il n’en est rien. A$AP Rocky puise sa force dans une inspiration musicale venue de tous les horizons du rap : Houston pour les flows ralentis, Memphis pour les basses lourdes et les flows rapides, et Atlanta pour les bases trap. Mais le Sud n’est pas la seule inspiration du MC. Il a aussi puisé du côté du Midwest et forcément, dans son fief new-yorkais, tout en ayant un aspect West Coast dans ses textes. La force d’A$AP Rocky est bien là : il sait s’illustrer dans tous les styles de rap.

Cette polyvalence artistique et sa volonté de sans cesse explorer de nouvelles directions artistiques sera visible progressivement au fil de ses projets. D’abord sur sa première mixtape gratuite, Live. Love. A$AP, sortie en 2011 – mais aussi sur ses deux premiers albums, Long. Live. ASAP (avec notamment la présence de Skrillex et Lana Del Rey) et At. Long. Last. ASAP. Parallèlement à son travail en solo, il a ces dernières années porté les deux dernières mixtapes de l’A$AP Mob, les Cozy Tapes Vol. 1 et 2. Deux projets pour prouver que cette dynamique “touche-à-tout” est avant tout une affaire de famille.

Testing, ou la confirmation d’une vision artistique hors du temps

Ce credo, il va d’ailleurs l’emmener encore plus loin sur son dernier album, Testing, sorti ce vendredi 25 mai. Pendant des mois et des mois de promotion (et d’expérimentations), le rappeur vante sa volonté de vouloir plus que jamais explorer de nouvelles sonorités. Tout ça dans le but d’ouvrir l’esprit de son public et de le rendre à son image.

Verdict : il n’avait pas menti. Ce projet est bourré d’essais et de collaborations tous plus étonnants les uns que les autres. Cet album est, à l’image du morceau introductif, audacieux et distordu. Un peu comme l’était “On Sight” sur l’album expérimental de Kanye West (oui, encore lui), Yeezus.

Sur le papier déjà, ce disque interroge. Voir des noms comme Moby, T.I., Kid Cudi, FKA Twigs, Puff Daddy, Skepta, Juicy J, Frank Ocean, French Montana, Playboi Carti, Kodak Black, Smooky Margielaa, Snoop Dogg, Devonté Hynes ou encore BlocBoy JB sur la même tracklist est un vrai signe de diversité. Musicalement, ce disque oscille entre lignes de basse puissantes, samples de soul, mélodies trap, sonorités expérimentales et même parfois douceurs vocales.

Bien que la plume du rappeur ne soit pas reconnue comme étant l’une des plus riches du rap game (la faute à des thèmes abordés assez limités, tant qualitativement que quantitativement), il choisit de ne pas rester sur ses acquis, en ratissant toujours plus large.

Outre l’ego trip qui reste sa marque de fabrique, il parle de sa vie, de la rue et de la célébrité, ainsi que de ses rapports à la famille et à la mode. Il se paye même le luxe d’un rap plus introspectif, et parfois même engagé, en abordant le douloureux sujet de la violence policière envers la communauté afro-américaine.

Voir tant d’expérimentations rassemblées peut faire peur, mais n’ayez crainte : cette formule assumée et revendiquée donne à l’ensemble une cohérence encore jamais atteinte par l’artiste, même s’il gagnerait à y faire plus attention (il faut dire qu’il s’égare une ou deux fois).

Il n’empêche que Testing symbolise la philosophie globale d’A$AP Rocky. Celle d’aller toujours plus loin dans l’expérience musicale et de repousser toujours plus les frontières de sa culture. Certes, il lui reste du chemin à faire, mais qu’il se rassure, il a toujours ce petit coup d’avance sur les autres.