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Face au Covid, le livre résiste envers et contre tout

Face au Covid, le livre résiste envers et contre tout

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Par Manon Marcillat

Publié le

Nouveaux lecteurs et regain de popularité des librairies : le livre a réussi à sauver les meubles.

Et si l’industrie du livre était le seul secteur culturel à avoir, contre toute attente, profité de la crise du Covid ? Alors que les cinémas hexagonaux accusent le coup, avec un recul de 69 % des ventes de tickets en 2020, et que le spectacle vivant fait grise mine en enregistrant un effondrement de 85 % de son chiffre d’affaires, le secteur du livre conserve quant à lui ses belles couleurs.
À l’aune de cette nouvelle année, les librairies font le bilan et le livre semble avoir été plutôt épargné par la crise. Les deux confinements et la fermeture des commerces jugés “non essentiels” ont fait craindre le pire à ce secteur fragile, tandis que l’ombre d’Amazon planait sur les librairies indépendantes forcées de fermer leurs portes pendant de longs mois.
C’est un effet papillon inattendu qui aura finalement réussi à sauver les meubles, alors que le manque d’égard du gouvernement envers le secteur de la culture a provoqué un élan de solidarité national envers les librairies indépendantes. Selon le Syndicat de la librairie française, en 2020, l’industrie du livre aura accusé un recul de 3 % de son chiffre d’affaires par rapport à 2019.

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De nouveaux lecteurs

Si le confinement et ses conséquences psychologiques ont anéanti les bonnes résolutions culturelles de certains, ils ont surtout stimulé l’envie de lire chez une majorité de Français, surtout les plus jeunes, révèle un sondage Odoxa pour le Syndicat national de l’édition (SNE), relayé par l’AFP.
Lors du premier confinement, 30 % des Français déclaraient avoir lu plus que d’habitude. Lors du second confinement, ils étaient 16 % à affirmer avoir augmenté leur temps de lecture. C’est chez les 18-24 ans que la lecture a le plus gagné en popularité : ils ont été 42 % à déclarer avoir lu davantage au cours du premier confinement et 24 % lors du second confinement. Ils ont lu principalement pour “occuper les journées, lutter contre l’ennui”, pour “se déconnecter de l’actualité” et enfin, pour “éviter de rester trop longtemps sur les réseaux sociaux”.
“Le livre est plébiscité par le public, notamment par les plus jeunes, comme un véritable antidote”, a commenté le président du SNE, Vincent Montagne. “L’engouement renouvelé des Français pour la lecture […] est un formidable espoir pour notre métier.”

Le regain de popularité de la librairie indépendante

Dans le même communiqué, Vincent Montagne déplore également un “temps inutile à plaider contre la fermeture des librairies”. Inutile ? Pas si sûr. Car si les librairies ont effectivement perdu du chiffre d’affaires à l’occasion de ces deux périodes de fermeture forcée, elles ont également gagné en notoriété, propulsées sous le feu des projecteurs de l’actualité et érigées en symbole des grands sacrifiés de la politique du gouvernement de Macron.
Le “click and collect” a été timidement amorcé par 400 librairies lors du premier confinement, puis élargi à 1 400 librairies lors du second confinement, selon Le Monde. Ainsi, les ventes n’ont chuté que de 35 % en novembre, contre 65 % en mars dernier. Si le système a été une bouteille d’oxygène pour un secteur culturel intubé, lui seul n’aurait su épargner le livre.
L’obligation de baisser les rideaux de fer des librairies de quartier, laissant ainsi le champ libre aux grandes surfaces et autres Fnac, n’aura duré qu’un court temps avant que le gouvernement prenne conscience de l’absurdité de cette décision et impose la fermeture (tout aussi absurde) des rayons culturels des grands magasins. Ce temps aura été suffisant pour faire parler des librairies indépendantes, comme rarement auparavant. À leur réouverture, franchir la porte des librairies de quartier était devenu un acte presque militant.
Ainsi, le nouvel engouement des Français pour la lecture constaté pendant le premier confinement et Noël approchant, les ventes de livres ont bondi au mois de décembre, enregistrant une hausse de 35 % par rapport à décembre dernier, s’est félicité Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, dans les colonnes du Monde. Or, tous les domaines ne sont pas logés à la même enseigne : si les prix littéraires et les bandes dessinées ont été plébiscités pour Noël, d’autres genres, comme les guides de voyage, sont cette année sinistrés.
Corrélativement, les éditeurs devraient également s’en sortir sans trop de casse. D’après les estimations préliminaires du Syndicat national de l’édition qui, à ce stade, n’incluent pas les livres électroniques, le chiffre d’affaires du secteur de l’édition a reculé de seulement 2 % en 2020. Comme les distributeurs de cinéma, les éditeurs de livres craignent, dans une moindre mesure, un embouteillage de sorties en 2021. Le Covid a donc imposé une diète salvatrice aux éditeurs qui ont “réduit de 15 % la production éditoriale”, selon le président du SNE, laissant davantage de temps aux ouvrages disponibles sur le marché pour trouver leur lectorat.

Des apprentis auteurs

Revers de la médaille : des livres et des auteurs restent sur le carreau, souvent les plus confidentiels ou les plus exigeants, au profit des best-sellers, auteurs à succès et grosses maisons d’édition. “Cette année est une année extrêmement dure pour les auteurs et les créateurs. Il y a l’aspect économique, mais aussi l’aspect psychologique”, déplore Vincent Montagne.
Pourtant, la situation ne semble pas décourager les apprentis auteurs, qui ont profité des confinements pour céder à leur envie d’écrire. Selon une étude de Harris Interactive, “1 Français sur 10 [a] profité de la période de confinement pour entamer un travail d’écriture”.
Résultat : les maisons d’édition sont submergées par une avalanche de manuscrits depuis juin dernier, malgré une période peu propice à la publication. Selon France inter, les services manuscrits reçoivent donc leur lot d’histoires inspirées de la pandémie, mais aussi de nombreux récits intimes, inspirés d’histoires de famille, écrits dans l’urgence et aux qualités littéraires visiblement discutables. Chez L’Harmattan, on reçoit par exemple 40 % de scripts en plus depuis le début de la crise sanitaire. Si les éditeurs ne négligent pas une potentielle génération “d’auteurs coronavirus”, elle n’émergera pas avant quelques années, temps nécessaire au recul, à l’analyse, à la recherche et à l’écriture.
Espérons simplement que les autres acteurs du secteur culturel connaîtront ce même engouement et élan de solidarité national à leur réouverture.