Rencontres à l’encre au Mondial du Tatouage

Rencontres à l’encre au Mondial du Tatouage

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Par Naomi Clément

Publié le

Le Mondial du Tatouage était le grand rendez-vous du week-end. Si vous avez loupé l’évènement, vous lisez actuellement le bon article. Goût de bière et bruit de dermographe entre les stands de tatoueurs Maoris, les badass et les rockeurs, Konbini est allé questionner une poignée de personnages qui ont une histoire derrière leurs encres. Portraits de fil en aiguille de tatoués de tous les âges et de tous les styles. 

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Une foule d’amateurs s’est emparée du 104 ce week-end. Comme on vous l’annonçait il y a deux semaines, le Mondial du Tatouage était de retour à Paris après treize longues et douloureuses années d’absence. Du 22 au 24 mars, les 278 meilleurs tatoueurs du monde n’ont cessé de noircir les peaux de plusieurs milliers de visiteurs. Entre les oeuvres dorsales qui nécessitaient deux jours de travail et celles exécutées selon les règles de la tradition japonaise, la souffrance était au rendez-vous.

Un lieu impressionnant, presque surréaliste. Un endroit où plusieurs centaines de personnes se font tatouer au même moment, à quelques mètres les unes des autres. Frustrés de ne pas avoir pu passer sous l’aiguille des plus grands tatoueurs de la planète, nous sommes allés à la rencontre d’individus à la peau encrée pour qu’ils nous racontent l’histoire d’un de leurs tatouages.

Parce que ce qui fait la folie de ce salon, c’est la folie des gens passionnés qui s’y pavanent. Et les anecdotes vont alors bon train : du chat au yōkai en passant par des histoires de putes, le panel des anecdotes que l’on a pu entendre durant ces trois jours est assez large. Et improbable.

Voici donc une quinzaine de portraits de tatoués qu’on a croisés dans les allées du Mondial du tatouage 2013.

 Les petites choses de la vie sont les plus importantes, il faut s’en souvenir.

Entre deux clopes, le tatoueur Nathan Kostechko nous a dévoilé son tout premier tattoo : une tasse de café sur la main droite réalisée lorsqu’il avait 18 ans. “La tasse de café, c’est la première chose que tu fais chaque jour en te réveillant, souligne-t-il, ça fait partie de ces petites choses de la vie qu’il ne faut jamais oublier.” Il nous a également confié que son père était un grand adepte du café. Un premier tatouage a double sens donc, qui lui rappelle à la fois son paternel et les bonnes choses du quotidien.

Si je devais n’en choisir qu’un, ce serait celui qui porte les prénoms de mes trois fils.

T-shirt Harley Davidson et moteur de cylindrée gravé sur l’épaule, Seb est un grand passionné de moto. Seul espace de son corps où la bécane n’est pas reine : son torse, sur lequel il a inscrit les prénoms de ces trois fils, Wyatt, Christopher et Dylan. “Ce sont mes enfants, il sont dans ma chair, c’est ce qui me tient à coeur.

C’est le jeu de la vie.

Adepte du tatouage depuis tout petit, Sébastien a choisi de nous montrer cette grosse pièce qu’il a dans le dos. Elle a été réalisée au mois de décembre dernier à Toulouse, chez un ami du salon Turtle Family. “Je le connais depuis plus de dix ans, c’est lui qui a fait toutes mes pièces. Ce tatouage au style old school est lié à ma superstition. Il représente le jeu de la vie, d’où la roue qui tourne…”

Un tatouage fait pour ma fille.

Réalisé pour sa fille Chayma, ce tatouage a été fait il y a trois semaines chez Mikaël de Poissy, un tatoueur dont Wahid possède déjà plusieurs pièces. “Il a cet aspect trad’ que j’aime, imprégné du style de Mikaël de Poissy.” Un tatouage débordant de couleur et d’amour.

Mon côté morbide est passé… enfin non, il s’est aggravé, mais peu importe.

Avec son petit accent du sud, Guilaine nous a conté l’histoire de son dernier tatouage. Une pièce qui a en fait recouvert un ancien tattoo, qu’elle ne supportait plus. “J’avais un rat et des têtes de mort que je ne pouvais plus voir. Du coup, ma tatoueuse, qui est la première femme tatoueuse de Marseille, m’a fait un de mes dessins dans le dos, qui passe par-dessus.

Guilaine avoue qu’elle souhaitait tout de même qu’on voie encore un peu son rat et ses têtes, car son côté morbide était toujours présent.  “Mais finalement je ne vais plus du tout à la mer : ça m’énèrve de savoir qu’on regarde mon dos”, explique t-elle.

It’s like a cat parade you know. (sic)

Alberto s’est récemment fait tatouer tout le bras gauche. Avec des chats. “C’est comme une parade de chats, explique-t-il, dans un style japonais et new school réalisé par Jee Sayalero. Je vis avec des chats depuis que j’ai 3 ans, et je pense être comme un chat : très indépendant”.

Ce tattoo marquait mon côté “j’aime la nuit”.

Modèle tattoo parisienne, Ludivine a craqué il y a une dizaine de jours pour un loup old-school. Réalisé par Twix, qui travaille chez Eskimo Tattoo à Toulouse, ce dessin bien dark est le tatouage qu’elle a désiré depuis qu’elle a commencé le tatouage, il y a sept ans. “Sur tout mon corps, si je ne devais garder qu’un tatouage, ce serait celui-là, précise Ludivine. Niveau tatouage je suis plutôt du genre coloré, plutôt « c’est la fête » ; celui-ci marquait mon côté « j’aime la nuit ».

C’est un tatouage qui s’est décidé autour d’un repas après une grosse bouteille de rouge.

Célèbre tatoueur du salon La Cour des Miracles à Toulouse et organisateur de ce Mondial, Piero s’est récemment fait tatouer la main par son ami Steph D (Octopus Tatouage), au lendemain d’une bonne cuite. « C’est un tatouage qui s’est décidé autour d’un repas avec une grosse bouteille de rouge et qu’on a fait le lendemain. Je lui ai donné complètement carte blanche. Je ne dessine jamais mes tatouages, quand je fais appel à un artiste c’est pour avoir un travail de lui et non pas un travail de moi, sinon ça perd de son sens. » Il s’agit d’un petit yokaï coloré, ces petits monstres que l’on retrouve au Japon. « Une petite bestiole toute rigolote dont je suis hyper content », conclut Piero.

J’ai trouvé la typo sur Tumblr.

William voulait absolument se faire tatouer le poignet avec une typographie bien particulière. Du coup, il s’est rendu sur Tumblr, et est tombé amoureux d’une typo. “La typo comptait plus pour moi que le mot en lui-même, beautiful.

Je suis resté deux ans avec un tatouage non fini sur le torse.

Musicien, notamment batteur de Dick Rivers, Junior Rodriguez a pour habitude de se faire tatouer à chaque fois qu’il part en tournée. “Sur ma deuxième tournée, j’ai commencé à faire le tatouage que j’ai sur le torse, qui représente Supernatural. Sauf que j’ai mis un peu de temps à le finir…” Résultat, il est resté deux ans avec un tatouage sur lequel il y avait écrit « super ».

Mon bras droit est ma manche organique.

Après s’être fait tatoué un dessin de Charles Burns et une guêpe, Olivier a continué sur sa lancée de dessins de plantes et autres insectes. Cette fois-ci, c’est un scarabée qu’il a choisi, réalisé par son tatoueur habituel Cokney (du salon Hand in Glove) lors de ce Mondial du Tatouage. “Je ne fais que des choses organiques car je pars du principe que les tattoos vont vieillir et se détériorer avec moi.” Une jolie façon de se rappeler que toutes les belles choses ont une fin.

Je l’ai fait tout seul, j’ai demandé l’aide de ma moitié pour me tendre la peau.

Tatoueur au 23 Keller à Bastille, Baptiste s’est tatoué lui-même l’avant-bras droit en juillet dernier. “C’est le portrait de mon grand-père que j’ai fait sur moi. C’était en guise de test mais aussi en guise de souvenir.” Il s’est donc tatoué chez lui, en demandant à sa petite amie Aline de l’aider.

C’est un symbole de notre relation.

Aline est également passé sous l’aiguille de Baptiste. “Il s’agit de deux têtes inspirées de Catrina, les têtes de mort mexicaines. Elles ont été réalisées fin septembre par Baptiste, sur deux jours d’affilée. C’est un symbole de notre relation.”

En hommage à mon beau-père, qui était un grand passionné de bateau et le grand amour de ma maman.

Tatoueuse chez MTL Tattoo à Montréal, Sabrina s’est fait tatouer un gros bateau old school sur l’avant bras l’année dernière, par l’un de ses artistes. “Dans le old school, le bateau est une figure qui revient souvent. Je l’ai fait en hommage à mon beau-père qui s’appelait Jean, un grand passionné de bateau qui est mort quand j’avais 20 ans.”

C’est une pute qui m’a offert mon premier tatouage.

Tatoueur chez Ethno-Tattoo en Lausanne, Laurent a décidé de nous dévoiler l’histoire son tout premier tattoo, qu’il a fait à 17 ans. Un tatouage de plus de 40 ans derrière lequel se cache une anecdote de prostituées, de taulards et d’overdose.
“C’est une pute de 19 ans qui me l’a offert. Elle s’est ensuite barrée avec un type, et ensemble ils ont tué 3 personnes dans une auberge de jeunesse à Bernes. Le mec a fait vingt ans de réclusion en Suisse en isolement. Quant à la pute, elle est morte d’une overdose en prison. Ils étaient un peu les Bonnie & Clyde de Suisse.” Voilà voilà.

Photos du Mondial du tatouage

Photographie : Julien Potart / Illustrations : Thomazi

Remerciements : Tin-Tin et Piero, organisateurs et partenaires de l’évènement, et Charlotte Finet.