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Le palmarès des meilleurs (mais surtout des pires) moments de covoiturage

Le palmarès des meilleurs (mais surtout des pires) moments de covoiturage

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Par Théo Chapuis

Publié le

Parce que ça ne peut pas toujours se dérouler comme prévu, nous rendons hommage aux anecdotes de covoit' les plus... inoubliables.

16 millions de membres en France, 90 millions de voyages, un Français sur deux âgé de 18 à 35 ans inscrit sur BlaBlaCar, le leader du marché, en 2018… Que ce soit pour aller au travail, visiter une expo, rentrer embrasser ses parents, partir en vacances, vous êtes très nombreux à choisir le covoiturage plutôt que le train – et ce souvent pour des raisons financières.

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La plupart du temps, ces trajets partagés s’écoulent, paisibles et monotones, sans laisser plus de traces que les pneus de dizaines de milliers de véhicules sur l’asphalte de l’A7… Or lors de certains voyages la situation qu’on croyait bien contrôler patine, dérape, glisse vers le malaise, le sensationnel, l’étrange, le surréaliste, le jouissif ou même le terrifiant – une palette d’émotions si riche que ça nous a donné envie d’établir le palmarès des meilleurs (mais surtout des pires) covoiturages. Après tout, vos parents vous avaient prévenu, n’est-ce pas ? “Ne voyage pas avec des inconnus, il pourrait t’arriver des bricoles !”

Axel, 24 ans, Lyon : Palme de la Course-poursuite la plus barbante

Je monte à 3 heures du matin dans le van Volkswagen d’un Luxembourgeois pour un Lyon-Montpellier – lui file jusqu’en Espagne. Particularité : il fume plein de pétards au volant. Son van ne dépasse pas 90 km/h, la surchauffe sous mon siège m’oblige littéralement à lever les jambes à cause de la douleur et un mec chelou dort à l’arrière du van… Mais il fume des pétards, alors il est sympa.

À la sortie d’une aire de repos où il s’est enfilé un énième Red Bull, une voiture de douaniers commence à nous filer et indique à mon chauffeur de les suivre – à savoir qu’il a probablement plein de weed sur lui. Il ne bronche pas, ni ne s’arrête. Dix minutes plus tard, deux nouvelles voitures de douane nous dépassent. Je lui demande s’il n’est pas inquiet, il me répond : “Faut rester cool.” Je me rends compte que tellement défoncé, il n’a tout simplement pas compris que la douane lui demande de s’arrêter – et c’est donc moi qui lui fais comprendre. Donc il flippe, mais ça ne l’empêche pas de taper des écarts sur la route à cause de la fatigue. Donc je flippe.

Arrivés au péage à Montpellier, pas de gendarmes, pas de douaniers. En fait on roulait si lentement que je suppose qu’ils ont fini par arrêter de l’attendre. En descendant, je lui ai quand même conseillé de faire une sieste.

Nadia*, 25 ans, Paris : Palme de la Meilleure bande originale

Je monte dans un covoiturage entre Belley et Annecy. Très vite, le chauffeur s’avère être un peu lourd : blagues un peu racistes et misogynes, attitude passive-agressive… Mais toujours sous le couvert de l’humour, c’est si pratique ! Ce jour-là, j’ai une flûte à bec dans mon sac : à force de traîner avec les musiciens de ma fac, et afin de leur prouver que “moi aussi je suis musicienne” (c’est faux : je ne sais jouer que “L’Aventurier” d’Indochine et “Le lion est mort ce soir”), j’ai pris mon instrument avec moi.

Plutôt que de répondre aux “vannes” de notre fatigant chauffeur, je finis par dégainer la flûte et souffler très, très fort, et très, très longtemps. Non, on ne peut pas vraiment dire que je joue de la musique : je souffle juste dedans (très, très fort). Je ne m’arrête qu’après de très longues minutes, mais au moins il s’est tu : il est tombé sur plus débile que lui. La morale de cette histoire ? Toujours avoir une flûte à bec sur soi : ce n’est pas violent et ça règle plein de problèmes.

François, 30 ans, Nantes : Palme du Pire remède contre les lendemains de soirée difficiles

Je monte dans une Clio pour un Nantes-Paris. Il est sept heures du matin, j’ai un peu la gueule de bois, bon. Mais là où je commence à déchanter, c’est quand le bonhomme annonce que “finalement, on ne va pas prendre l’autoroute”. Puis il branche son GPS qu’il avait auparavant réglé sur la voix d’Homer Simpson, et c’est parti pour six heures de routes de campagne ponctuées de “Oh pinaise, faut tourner à gauche !”, le tout avec la matinale de Fun Radio.

Boulevard de la mort. (© TFM Distribution)

Kathleen, 31 ans, Annecy : Palme des Yeux revolver

Départ de vacances avec ma meilleure pote, c’est moi qui conduis et on décide de prendre des passagers en covoiturage pour réduire les coûts. Une fille et un garçon montent à Annecy avec nous, direction Montpellier. L’ambiance est détendue et pendant que je conduis, on discute tous aimablement… Tellement aimablement, même, que le passager à l’arrière et moi échangeons plusieurs regards dans le rétroviseur, dont certains plus intenses que d’autres.

Ma pote n’est pas dupe et lors d’une pause sur une aire d’autoroute, elle se moque gentiment de moi, et fait mine de m’interroger : “Tu ne serais pas en train de draguer le covoitureur ?” Moi : “Nooooooon.” Peu après être tous arrivés à destination, il m’envoie un texto pour me proposer de boire un verre. Ça a été un week-end très agréable à Montpellier.

Alex, 37 ans, Ariège : Palme de l’Hygiène publique

Covoiturage un jour de février, je conduis et j’accueille donc les passagers. Arrive l’un d’eux, enguenillé tel Jacquouille la Fripouille, dans une main un sac-poubelle de grande contenance, dans l’autre un immense étui – son didgeridoo. Sauf qu’il ne rentre pas dans le coffre et je lui explique avec tact qu’il va incommoder le bien-être des autres passagers. Sa réponse : “Qu’est-ce que le confort quand dans d’autres pays, les enfants meurent sous les bombes ?”

Nous démarrons donc et il se met à… danser et chanter sur la banquette arrière, révélant s’il en est encore besoin un état d’ébriété avancé. Une autre covoitureuse arrive, un peu en retard, et c’est notre passager mélomane qui le lui reproche vivement car il semble devoir être à l’heure pour une transaction privée aussi douteuse que la date de sa dernière douche. Car notre odorat est mis à rude épreuve durant le voyage : flatulences, odeur d’alcool, vêtements sales… Mais, au fond, le plus désagréable reste sans doute d’avoir dû l’écouter nous faire la morale à grands coups de philosophie de squat.

Doit-on, tel l’enfant qui ne choisit pas son père, devoir supporter son covoitureur quoi qu’il arrive ? Je réponds non. Pendant qu’il est aux toilettes, je sors son didgeridoo, son grand sac-poubelle, et je les abandonne tous les trois sur une aire d’autoroute entre Agen et Bordeaux.

Gabriel, 32 ans, Ivry : Palme du Fan-club de Zaz, catégorie “incognito”

Marie, 27 ans, Paris : Palme du Tas de boue

Été 2012, trajet Aix-en-Provence-Toulouse, j’attends le chauffeur à la gare SNCF. Il arrive avec plus d’une demi-heure de retard, et quelle arrivée : pare-chocs et rétroviseurs extérieurs qui tiennent avec du gros ruban adhésif marron, carrosserie emboutie et rayée de partout… la voiture est déglinguée. Son propriétaire : les cheveux gras et ébouriffés, une branche de lunettes en moins – donc elles ne tiennent pas, ce qui est pratique pour un long trajet en voiture.

L’intérieur de la voiture, très poussiéreux, est aussi jonché d’une couche d’objets disparates (gants de jardinage, jouets pour enfants, pour chiens, plusieurs gratte-givre, CD sans boîte, etc.) sur laquelle nos pieds n’ont pas le choix de reposer. On part, mais on est vite bloqués dans les bouchons. L’atmosphère est étouffante : poussière, saleté, chaleur, angoisse d’avoir la peau de mes jambes contre les sièges méga crades. Et quand ça roule, il se retourne régulièrement pour nous parler au lieu de regarder la route – ce qui fait qu’il doit donner des coups de volant assez stressants pour rectifier sa trajectoire.

Vient le moment de faire une pause sur une aire pour faire le plein, détendre les jambes, acheter des sandwichs. Cool. Sauf qu’au moment de payer, le chauffeur annonce qu’il n’a pas de carte bleue et demande à un des covoitureurs de “l’avancer”. Quelqu’un se dévoue. On est fin prêts à repartir quand il annonce une nouvelle surprise : “Pour faire le plein j’ai dû couper le moteur, or la voiture ne démarre pas normalement, il faut la pousser.” On se retrouve donc à pousser ce tas de boue sous un soleil de plomb. On met un moment à aller assez vite pour que ça marche, mais on finit par y parvenir – à bout. On a mis huit heures pour arriver à Toulouse.

Camille, 25 ans, Athis-Mons : Palme “David Lynch” de la Passagère un peu flippante mais bizarrement attachante

Je monte dans un Berlingo avec une comédienne pour un trajet Nantes-Rennes : elle a plein de vieilles cassettes de heavy metal dans sa voiture, on rigole bien, bref, c’est très sympa. Puis une femme assez âgée monte avec nous. Plutôt petite, habillée en jogging, cheveux mal teints et l’air crispé, elle arbore une pilosité faciale qui me laisse encore aujourd’hui un doute sur l’identité de son sexe. Mais peu importe.

Je suis à l’avant et nous essayons de discuter avec elle, mais elle nous ignore. Elle reste même totalement stoïque. Malaise. Après quinze minutes de trajet, on entend de petits bruits aigus… Je me retourne discrètement et la vois sortir un bébé chat de la poche zippée de son pull. Depuis quand est-il enfermé là-dedans ? Mystère. Sa seule réponse audible à propos du chaton sera : “Ah nan, ah nan, sur la route là !”, en boucle, deux ou trois fois, avant de redevenir imperturbable. Et le malaise reprend, jusqu’à l’arrivée. J’ai trouvé ce trajet en voiture très lynchien.

Ariane, 31 ans, Paris : Palme “Semper fidelis” de la loyauté en amitié

Je covoiture avec une amie pour un Bruxelles-Paris, dans un mini-van rempli : on doit être six en tout, dont un Allemand avec une casquette, guitariste dans un groupe de bluegrass et des comédiens de théâtre – moi, à côté, avec mon CV de journaliste, je suis ringarde. L’ambiance est très bonne : ma copine adore le théâtre d’improvisation. Sortie du quotidien, émerveillement du nouveau collectif : en trois heures de conversation, ils sont devenus meilleurs potes.

Elle s’entend tellement bien avec les autres passagers, qu’une fois tous arrivés à destination, porte de Bagnolet, elle part en marchant à leurs côtés, emballée par la conversation. Je disparais complètement à ses yeux : j’ai beau l’appeler, je la vois s’engouffrer dans une bouche de métro avec eux, sans un mot, sans un adieu. Elle m’a juste complètement plantée là.

Alex, 37 ans, Ariège (oui encore lui) : Palme “Françoise Dolto” de l’Éducation

Je fais monter un quadragénaire et ses deux enfants dans ma voiture Porte d’Orléans, à Paris, pour un voyage assez long. Très vite, les enfants se montrent très turbulents et se chamaillent sur la banquette arrière. Impossible de les calmer malgré les tentatives d’autorité de leur papa (“Les enfants ! Je bouillonne là, je bouillonne !”). Agacé, il finit par me demander de m’arrêter sur une aire pour “leur mettre une branlée” [sic].

J’assiste alors à une course-poursuite lunaire sur l’aire et dans la station-service entre le père écumant de colère et ses enfants hilares. Il arrive malgré tout à les rattraper, nous repartons. Évidemment, le calme est de courte durée et le quidam leur hurle dessus en permanence : “Pour l’amour de Dieu, arrêtez !”

Lors des deux dernières heures du trajet, je dois m’arrêter à chacune des aires car les enfants veulent faire pipi et/ou vomir, pendant que leur père leur hurle : “Si vous mettez plus de 10 minutes, moi je deviens Hitler !”

Francis, 29 ans, Lyon : PalmeMartoni” du Pire bluff qui soit

Plusieurs personnes prennent des réservations dans ma voiture pour un trajet donné. C’est l’heure de partir, les passagers arrivent et s’installent mais une jeune fille prévue au départ me pose un lapin. Une fois l’heure du rendez-vous passée, alors que nous l’attendons toujours, elle finit par m’appeler et exige que j’annule sa réservation afin d’être remboursée. Je refuse et nous partons donc sans elle. Quelques minutes plus tard, je m’aperçois qu’elle a signalé un “incident à bord” auprès de BlaBlaCar. Motif : j’aurais essayé de la toucher en conduisant…

Raphaëlle, 34 ans, Boulogne-sur-Mer : Palme du Gentleman (pas) célibataire

Sur un trajet Loudun-La Rochelle, je monte dans la voiture d’une petite famille, classe moyenne, propres sur eux, pap-maman couple modèle à l’avant – du moins en apparence. Je m’installe à l’arrière, avec les deux enfants. L’ambiance est silencieuse pendant quasiment tout le trajet et le papa ne me parle pas.

Arrivée à destination, je reçois un texto de lui : il aimerait me revoir, il me trouve magnifique… et sympathique. Je suis d’autant plus choquée qu’il ne m’a pas adressé un mot.

Léa, 22 ans, Issoudun : Palme du Fair-play sportif

On est en road-trip en Irlande avec une copine et là-bas, en plus d’être très paternalistes avec nous parce que nous sommes deux meufs, quasiment tous les mecs de plus de 30 ans nous saoulent avec ce match de 2009 contre la France, de la main de Thierry Henry, de l’injustice de la défaite, gnagnagna. Clairement, ce n’est pas digéré.

En pleine cambrousse, un monsieur d’une cinquantaine d’années nous prend gentiment en stop toutes les deux. Malgré son accent assez incompréhensible, on discute un peu, il est sympa, l’ambiance est cool. Engagé sur l’autoroute, après à peine quelques minutes de trajet, il nous demande d’où on vient (“Paris, France !”).

Son sourire disparaît instantanément et il commence à répéter, en boucle, “OH THIERRY HENRY, THIERRY HENRY” en nous montrant sa main : “LA MAIN, LA MAIN !” On ne sait pas trop quoi répondre mais on se force à penser que c’est une blague. Pas le temps d’en être sûres qu’il arrête brutalement sa voiture non loin d’une sortie et nous dépose, ainsi que nos sacs à dos, sur un bout d’autoroute irlandaise.

Philippe, 30 ans, Chambéry : Palme “Galilée” du Platiste

Je réserve un covoiturage entre Chambéry et Besançon. Ça commence mal : le conducteur arrive avec 1 h 30 de retard et forcément, il prend la route nationale… Ce qui n’est rien à côté du fait qu’il a passé tout le trajet à essayer de me convaincre que la Terre est plate, tout à fait sérieusement. Long voyage.

Michel*, 39 ans, Paris : Palme de l’Ostie d’crisse de tabarnak de spliff

Pour un trajet de Montréal jusqu’à Québec, on monte à quatre sans se connaître dans la voiture de notre chauffeur, un type d’une cinquantaine d’années. Environ trois heures de route. Avec moi voyagent un métalleux, la vingtaine, et une fille d’à peu près le même âge, fan de Richard Desjardins, style babos canadienne. Le chauffeur, c’est un numéro : boudiné dans son costard, il se prétend détective privé et fait une pause dès le début du trajet pour “passer le bonjour à la femme d’un ami”.

Vers le milieu de la route, il lance au métalleux derrière moi : “Tu roules ?” Je pense alors qu’il veut lui laisser le volant mais en fait il lui file un flacon d’huile de cannabis. Alors on s’est tous shootés jusqu’à Québec. À un moment, le gros type s’arrête pour rouler un autre pétard à l’arrière pendant que le métalleux prend le volant.

Le cannabis me rend un peu parano alors avec la meuf derrière, le gros mec en costard qui roulait un spliff et le métalleux qui avait l’air de trouver normal de prendre le volant, je commence à me demander s’ils ne sont pas complices… Mais dès que le pétard revient vers moi, ça retombe. En fait, ils étaient juste hyper cool.

Angèle, 26 ans, Paris : Palme du Connard de chat

Je suis montée dans un covoiturage avec mon chat dans son sac sur mes genoux, ce dernier me pisse dessus au bout de 10 minutes de trajet. J’avais trois heures de route… et les conducteurs aussi, du coup.

Nastasia*, 23 ans, Lyon : Palme du Psychopathe

“Je pars du principe que les passagers arrivent toujours en retard, donc je préfère arriver trente minutes après”, voilà comment le chauffeur du Jumper (trois places avant), la trentaine, se présente pour ce trajet Lyon-Metz pour lequel il arrive une demi-heure après l’heure convenue. Le deuxième covoitureur qui monte avec moi est un apprenti souffleur de verre, très jeune, tout juste majeur, qui doit s’arrêter quelque part à mi-chemin entre les deux villes.

Je comprends vite que le conducteur effectue un trajet professionnel jusqu’en Belgique – ce qui en soi est interdit par le règlement de BlaBlaCar mais soit, passons. Car serrés à trois à l’avant, on subit également sa conduite irresponsable, le téléphone au volant, etc. Le jeune passager précise bien à quelle sortie il doit être déposé, mais notre chauffeur la loupe… et remet toute la faute sur le jeune homme : il va devoir se débrouiller pour rentrer.

Là, il pile d’un coup (nous sommes toujours sur l’autoroute), se met sur la bande d’arrêt d’urgence et commence une manœuvre de marche arrière. Après la surprise initiale, vient la peur et je dis à notre chauffeur que ce qu’il fait est dangereux. Sa réponse : “Non, ce n’est pas dangereux, décoince ! T’es un peu flippée comme meuf toi, non ?”

La marche arrière nous amène jusqu’à un de ces renfoncements uniquement empruntés par les véhicules de service (normalement) et il explique à l’apprenti qu’il le dépose là et que ce n’est qu’à trente minutes à pied de la sortie d’autoroute à laquelle il avait prévu de descendre. Il fait nuit. La portière claque. Le gamin sort sur l’autoroute avec son sac à dos, nous redémarrons et je le vois une dernière fois marcher seul dans le noir. C’est le moment que choisit le conducteur pour me dire, avant de rire tout seul : “Ça craint de l’avoir déposé ici tout seul dans le noir, non ?”