Le pouvoir sexuel (et mystique) du nombril

Le pouvoir sexuel (et mystique) du nombril

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Par Noemie Schetrit

Publié le

Pour les ombiphiles, le nombril ne représente pas seulement le centre de notre corps, il représente aussi un centre érotique, et même sexuel.

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Là où certains ne voient qu’une vieille cicatrice qu’il faut nettoyer de temps en temps (le nombril est une jungle à bactéries), d’autres voient un deuxième vagin voire un troisième mamelon. Les ombiphiles ou “alvinophiles” sont des fétichistes du nombril, qui lui vouent un véritable culte et adorent le pénétrer ou s’y faire pénétrer. Une obsession pour cet orifice qui, même si elle reste assez méconnue, n’est pourtant pas nouvelle.
Le nombril était déjà exalté comme un exemple de beauté dans Le Cantique des Cantiques, l’un des livres de la Bible. Salomon le compare à “une coupe arrondie, où le vin aromatisé ne manque pas”. Et des déesses comme Aphrodite et Vénus illustrent depuis toujours cette beauté “omphalique”. Dans Les Mille et une nuits, Shéhérazade dit : “Son nombril pourrait contenir une once de musc, le plus suave des parfums.”
Au Japon, de tout temps, les femmes se parfument le nombril par coquetterie. Steven Claisse, célèbre nez de la marque de parfum japonaise Takasago, déclarait encore en novembre 2016 au magazine Self : “Toute zone de votre corps qui dégage de la chaleur va améliorer l’odeur du parfum, et c’est exactement ce que fait le nombril.” Dans le célèbre recueil hindou Kama-sutra, on parle du nombril comme étant “profond et brillant comme une baie mûre”, et sur lequel on dépose des baisers. Un orifice chaud et profond, voilà qui rappelle forcément le sexe féminin.

Le nombril, le centre du plaisir

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“Le nombril est mystique et sensuel, chaste et charnel […]. C’est le sceau qui marque notre naissance, identique chez les mâles et les femelles, et c’est le stigmate de notre vie prénatale […]. Pendant toute notre existence nous portons la cicatrice de la blessure qui nous fut infligée lorsque la lumière nous arracha pour toujours à la quiétude du nid maternel”, écrit Gutierre Tibón dans Le Nombril, centre érotique.
Si le nombril symbolise donc le centre de notre corps et ce moment de notre vie où l’on a coupé le fameux cordon ombilical avec celle qui nous a porté pendant neuf mois, il symbolise également l’érotisme. Le sénateur William Hays, alias l’omphalophobe numéro un de l’histoire, fit interdire le dévoilement de nombril dans les films à partir de 1934. Caché et tabou pendant des années, le nombril finit par se libérer à Hollywood, puis dans le monde, dans les années 1950 avec Marilyn Monroe ou encore Brigitte Bardot.
Le nombril s’exhibe, on se met des chaînes autour du ventre, on se tatoue, on y met des piercings… Dans les années 1980, c’est au tour de Shania Twain, Shakira et Jennifer Lopez de dévoiler ventre et nombril dans leurs clips érotisant ce petit orifice. L’actrice britannique Keira Knightley raconte même au Telegraph avoir obtenu son rôle dans Love Actually car Richard Curtis, le réalisateur, était obsédé par son piercing au nombril.

Passion nombril passion cachée

Mais comment arrive-t-on à trouver un nombril plaisant au point de vouloir y insérer un pénis ? Comme le soulignait déjà Gutierre Tibón dans son livre en 1983 : “Il est une autre relation du nombril avec l’amour que les sexologues semblent ignorer, peut-être parce qu’elle se présente de façon très sporadique.” Effectivement. Trente-quatre ans après cette citation, et après avoir passé une quarantaine de coups de fil à des sexologues en France et en Belgique, entre ceux qui croient à une blague et les autres qui ont vaguement entendu parler de ce fétichisme, aucun ne confirme avoir eu de patient ombiphile. Idem du côté des psychothérapeutes.
Un fétichisme bien caché et souvent inavoué ? En 2012, le nombril connaissait pourtant son heure de gloire. Sur Internet, “navel fetichism” était le deuxième fétichisme le plus recherché sur Google. Nombre de forums sur Reddit étaient consacrés à cette passion pour le nombril, où la plupart du temps les personnes se demandaient si elles étaient les seules à être autant excitées sexuellement par le nombril ou si elles étaient “normales”.
En 2017, il ne reste que de vieux fils de discussions fermés, cette page YouTube, Belly.inc, qui recense toutes les vidéos pour les excités de l’ombilic, et des vidéos sur des sites pornographiques qui ne mettent clairement pas en avant les “pénétrations ombiliques”. Sur Pornhub, la recherche “belly fetish” génère un résultat de plus de 3 000 vidéos (contre 7 700 pour “foot fetish”), dont la majorité des cas de pénétration par le nombril ne concerne que des femmes obèses, notamment Mandy Majestic, actrice porno. Plus il y a de plis de peau, plus la pénétration est rendue possible dans ce “trou” situé entre les seins et le sexe.

Et il y a aussi ceux qui pratiquent la pénétration par le nombril parce qu’ils pensent encore que l’on naît par ce dernier. Dans une enquête réalisée par l’Ifop dans les années 1970 et rapportée par Gutierre Tibón dans Le Nombril, centre érotique, plusieurs femmes ont déclaré avoir pensé pendant de nombreuses années que c’était “comme ça qu’on faisait les bébés” et identifiaient donc nombril et sexe.

Un bouton orgasmique ?

Considéré comme une zone érogène, le nombril peut faire jouir les ombiphiles sans qu’il y ait forcément pénétration. Déjà, rien que la vue du nombril peut être synonyme de plaisir visuel. La psychologue allemande Elma Basse déclarait au quotidien Bild que le nombril était comme un “petit vagin” ce qui le rendait “irrésistible pour les hommes” :

Le nombril a toujours agité l’imagination des amoureux. Ce petit trou creux au milieu du corps a juste la forme idéale pour la langue et les doigts, un mamelon est également le bienvenu, et même un pénis peut toujours s’appuyer dessus. Si le nombril est courbé à l’extérieur, il est encore plus tentant de jouer avec.

Car oui, le nombril se pénètre de multiples façons : langue, doigts… Et on peut s’amuser à y mettre du miel, du Nutella… Chacun y va de son petit plaisir. Dans Aphrodite, l’écrivaine chilienne Isabel Allende confie qu’elle aime bien manger “un œuf cru servi sur le nombril de [son] amant, avec des oignons hachés, du sel, du poivre, du citron et une pointe de Tabasco”. Quant à Madonna, elle a confié dans une interview à Spin en 1985 avoir “le nombril le plus parfait” et que quand elle y mettait un doigt, elle ressentait comme un éclair qui partait du centre de son corps et traversait toute sa colonne vertébrale.
Mais peut-on avoir réellement un orgasme en se “masturbant” le nombril ? Si Lisa Donahue, gagnante de Big Brother 3 en 2002 aux États-Unis, l’avait d’abord affirmé durant l’émission, elle était finalement revenue plus tard sur ses propos : “Beaucoup me demandent si je peux vraiment jouir avec mon nombril… Eh bien, non, je ne peux pas… J’aime juste beaucoup jouer avec !”
Le simple fait de le titiller ou de souffler dedans peut exciter les personnes chatouilleuses par exemple. Aussi, en mettant un doigt dans leur nombril, certaines femmes peuvent ressentir une légère sensation au niveau du clitoris, comme si elles avaient envie de faire pipi. Cela s’expliquerait par le fait que le nombril et les organes génitaux ont grandi à partir du même tissu à la naissance et seraient ainsi neurologiquement connectés.
Sinon, il y a toujours un autre bouton à orgasmes à explorer, qui, selon l’acupuncteur Michael Reed Gach, se situerait à 2-3 centimètres en dessous du nombril. En stimulant cette zone appelée “mer de l’énergie” ou “6VC”, les femmes pourraient atteindre l’orgasme sans stimulation clitoridienne ni pénétration vaginale.