Au Japon, la mort du styliste Kenzo provoque un vif émoi

Au Japon, la mort du styliste Kenzo provoque un vif émoi

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Par Louis Lepron

Publié le

Du gouvernement japonais au monde de la mode.

Des responsables politiques, des amoureux de la mode et des amis du créateur japonais Kenzo lui rendaient hommage lundi dans son pays natal, au lendemain de son décès en France à l’âge de 81 ans des suites du Covid-19.

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“C’est très triste […]. Nous souhaitons exprimer nos sincères condoléances pour la mort de M. Kenzo Takada, qui a diffusé dans le monde entier les arts et la culture de notre nation”, a déclaré le porte-parole du gouvernement nippon Katsunobu Kato. La gouverneure de Tokyo Yuriko Koike a quant à elle fait part sur Twitter de son “respect pour son merveilleux talent”.

Junko Koshino, amie de Kenzo depuis leurs études dans la même école de mode à Tokyo dans les années 1950-1960, a déclaré à des médias locaux qu’elle ne pouvait “toujours pas croire” à sa disparition. La styliste lui avait rendu visite en février dernier à Paris et lui avait encore parlé récemment. “Je lui avais dit ‘S’il te plaît, fais attention. Ne sors pas’. Et il m’avait répondu : ‘Non, ne t’inquiète pas. Je ferai attention [au virus]'”, a-t-elle confié.

L’école de mode Bunka Gakuen de Tokyo a aussi rendu hommage à son prestigieux ancien élève, en soulignant notamment dans une déclaration qu’il était une source d’inspiration pour les jeunes talents. Sa mort était aussi abondamment commentée par des fans sur les réseaux sociaux japonais.

“J’ai adoré ses imprimés floraux et ses parfums. Merci de m’avoir appris tant de choses merveilleuses. Maudit coronavirus”, a écrit un utilisateur de Twitter. “Je suis vraiment choqué… J’ai été inspiré par les couleurs (de Kenzo), a déclaré un autre. Je déteste le coronavirus. Il m’enlève tellement de choses.”

Kenzo Takada était le premier styliste japonais à s’être imposé à Paris, où il a fait toute sa carrière et a rendu célèbre son prénom. Né le 27 février 1939 à Himeji près d’Osaka, Kenzo Takada se passionne pour le dessin et pour la couture, enseignée à ses sœurs mais interdite aux garçons.

Chassé de son appartement de Tokyo par les Jeux olympiques après ses études de stylisme, il embarque à Yokohama sur un paquebot en novembre 1964. Il arrive en France le 1er janvier 1965, dans le port de Marseille, et monte vers Paris, qui le fascine. Vivant très chichement, et ayant les pires difficultés à communiquer, Kenzo Takada pense n’être que de passage. “Je trouvais tout sombre. Même Saint-Germain-des-Prés”, raconte-t-il au quotidien Libération en 1999.

“Profiter de la vie”

Il s’obstine, soumettant ses dessins à des couturiers et des marques de prêt-à-porter. Et il s’installe définitivement en France. “Je me sens désormais plus Parisien que Japonais, mais si c’était à refaire aujourd’hui, je ne suis pas sûr que je viendrais encore faire ma vie à Paris”, disait-il à Paris Match en 1989.

Sa première collection date de 1970, conçue depuis une minuscule boutique de la Galerie Vivienne et qu’il appelle Jungle Jap. Il déménage en 1976 vers un lieu plus grand, place des Victoires, et fonde sa marque sous son seul prénom.

Sa première ligne pour hommes date de 1983, son premier parfum (Kenzo Kenzo) de 1988. Cinq ans plus tard, la griffe est rachetée par le groupe de luxe LVMH, pour moins d’un demi-milliard de francs (73 millions d’euros).

Kenzo Takada quitte la mode en 1999, pour en finir avec le rythme infernal des collections et se consacrer des projets plus ponctuels. “J’ai 60 ans et 30 ans de carrière. Depuis longtemps, je voulais profiter de la vie, voyager, voir des amis”, explique-t-il alors à l’AFP.

Le dernier de ces projets s’appelait K-3, marque de design lancée en janvier. “Kenzo Takada était d’une incroyable créativité ; d’un trait de crayon, d’un geste vif, il inventait une nouvelle fable artistique, une nouvelle épopée colorée mariant Orient et Occident, son Japon natal et sa vie parisienne”, a affirmé le directeur général de cette société, Jonathan Bouchet Manheim.

Avec ses “près de huit mille dessins”, le créateur japonais “n’a jamais cessé de célébrer la mode et l’art de vivre”, a indiqué son porte-parole.

“Créateur avec un talent immense, il avait donné à la couleur et à la lumière toute leur place dans la mode. Paris pleure aujourd’hui un de ses fils”, a réagi sur Twitter la maire de la capitale française Anne Hidalgo.

Konbini avec AFP