#Tatouées : avec son trait minimaliste, Johanna Olk nous ouvre les portes d’un monde mélancolique et féminin

#Tatouées : avec son trait minimaliste, Johanna Olk nous ouvre les portes d’un monde mélancolique et féminin

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Par Naomi Clément

Publié le

Chaque mois, #Tatouées vous entraîne à la rencontre d’une artiste-tatoueuse. L’idée ? Mettre en lumière les femmes évoluant dans le domaine du tatouage, un monde encore largement considéré comme masculin. Aujourd’hui, rencontre avec la jeune Johanna Olk, qui s’apprête à exposer à la galerie Sergeant Paper de Paris.

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L’imagination de Johanna Olk, “un peu trop débordante”, comme elle aime à la qualifier elle-même, est un monde qui sent bon le sable chaud, rythmé par le ressac des vagues déferlantes, au cœur duquel se prélassent des visages féminins. Depuis deux ans, cette artiste de 23 ans, installée à Guéthary dans le Pays basque, donne vie, à l’aide d’un trait noir minimaliste, à une infinité de jeunes femmes esseulées aux visages mélancoliques.

Il est plus facile de représenter ce que l’on connaît, décrypte-t-elle. Alors, quand j’ai envie d’illustrer une émotion, il est naturel pour moi de représenter ce qui me ressemble : une femme. Cela me semble plus réaliste. J’ai longtemps été complexée par mon corps ; dessiner des femmes était un peu comme un exutoire.” 

Elle précise :

“Mes personnages ont souvent le regard perdu ou dissimulé, les yeux sont d’ailleurs placés sur leur corps, bien souvent leurs mains, parfois sur leurs vêtements. Ce sont les gestes et les attitudes qui donnent à voir et deviennent ainsi la clé de compréhension d’une illustration.

Sans en fumer, je suis également obsédée par les cigarettes, un objet-accessoire totalement voué à disparaître à mon sens. La cigarette est pour moi le symbole tangible de la mélancolie.”

“Devenir adulte, ce n’est pas obligatoirement aller à la fac pour étudier les sciences”

Il faut retourner quelques années en arrière pour mieux saisir la fascinante mélancolie, l’attrayante solitude qu’évoquent les œuvres de Johanna Olk. “Enfant, je préférais rester enfermée dans ma chambre à créer toutes sortes de choses, toute la journée, se souvient l’artiste. Évidemment, d’un point de vue social, ça inquiétait mes parents, et c’est comme ça qu’ils ont décidé de m’inscrire à des cours de dessin, tenus à quelques rues de chez nous. Je devais avoir environ 5 ans.”

Très vite, le dessin devient pour Johanna un moyen de s’évader, d’extérioriser ses complexes. À l’adolescence, il est l’un de ses principaux centres d’intérêt, aux côtés d’autres activités comme le surf, la voile ou la natation, qu’elle pratique en parallèle de ses études au lycée. J’ai grandi dans une petite ville, poursuit la jeune femme originaire de Pont-l’Abbé, en Bretagne. Mes parents ne sont pas artistes et n’étaient pas du tout sensibles à ce milieu, alors je pensais que réussir mes études, c’était aller en S.”

Et puis, à l’été de ses 16 ans, à l’occasion d’un échange scolaire en Australie, l’horizon de Johanna Olk s’élargit, le ciel devient soudainement plus bleu, plus beau. De Pont-l’Abbé, j’ai été catapultée à Sydney puis Brisbane : le choc !, retrace-t-elle. Le sytème scolaire y est beaucoup moins segmenté qu’en France, et j’ai découvert qu’il existait des métiers liés à l’art ; que devenir adulte, ce n’était pas obligatoirement aller à la fac pour étudier les sciences, l’économie ou les lettres.” Et d’ajouter :

“Je suis rentrée en France, plus vraiment intéressée par mon bac S, et je me suis renseignée sur de possibles études plus créatives. Après le bac, j’ai été acceptée à l’école de design de Nantes, j’ai passé un bachelor en design industriel et je suis retournée en Australie en stage de première année de master.”

“Je voyais dans le tatouage une manière d’embellir un corps que je n’aimais pas”

Ce second voyage sur le “cinquième continent” conforte un peu plus Johanna dans l’idée de faire de l’illustration son métier. Finalement de retour en France, elle laisse tomber l’école de design et donne vie à son propre studio de création : l’Olk Studio. Un espace au sein duquel elle affine son style épuré, et se tourne peu à peu vers le tatouage, un art qui lui a permis de se réconcilier avec son propre corps. “J’étais mal dans ma peau, et je voyais dans le tatouage une manière d’embellir un corps que je n’aimais pas, analyse Johanna Olk. Vers mes 17 ans, j’ai donc réalisé moi-même mon premier tatouage à l’aide d’une aiguille à coudre et l’encre d’un stylo.”

Il y a un an et demi, elle devient apprentie dans un salon de tatouage professionnel, et commence à partager ses créations à l’encre sur les réseaux sociaux : le succès est immédiat. Son travail attire, entre autres, l’attention du convoité magazine Étapes, et fédère aujourd’hui une communauté de quelques 16 500 personnes sur sa page Instagram :

“La magie a pris, tout s’est fait très vite. Je n’avais pas prévu de devenir tatoueuse, j’étais simplement curieuse, je voulais pousser plus loin l’idée que j’avais en tête depuis mes 16 ans. J’ai toujours vu le tatouage comme une forme d’art où le support change et devient vivant. Mon idée de départ était vraiment de transposer mon travail d’illustratrice sur la peau. Je voulais proposer quelque chose de nouveau que je n’avais pas réussi à trouver ailleurs.”

“Me concentrer à nouveau sur mon travail d’illustratrice”

Après avoir passé une année à tatouer la chair de centaines de personnes, de Guétary à Paris en passant par Nantes, Johanna Olk souhaite aujourd’hui retourner aux sources, renouer avec sa passion première. J’ai passé un an à ne faire presque que tatouer, c’est pourquoi j’ai décidé d’arrêter un petit peu pour me concentrer à nouveau sur mon travail d’illustratrice”, explique-t-elle.

Du 16 mars au 1er avril prochain, elle dévoilera ainsi “A Lazy Afternoon”, une exposition créée en partenariat avec la galerie Sergeant Paper de Paris, dans laquelle les personnages de Johanna Olk sont plus mélancoliques, plus rêveurs que jamais.

Intitulée “Bored”, “Lost” ou encore “Empty”, les 16 œuvres qui composent cette exposition, composées de façon compulsives, font un peu plus état du monde doux, onirique et féminin que s’est bâti Johanna Olk depuis son enfance. “Mais je continuerai à tatouer après l’évènement, rassure-t-elle. J’ai d’ailleurs remis sur mon site de nouveaux flashs, que j’ai hâte d’encrer.”

L’exposition “A Lazy Afternoon” de Johanna Olk se tiendra à la galerie Sergeant Paper (38, rue Quincampoix 75004 Paris) du 16 mars au 1er avril 2017. Le vernissage aura lieu le 16 mars au soir en présence de l’artiste. Plus d’infos sur Facebook.