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Rencontre avec les fondatrices du premier festival israélo-palestinien de France

Rencontre avec les fondatrices du premier festival israélo-palestinien de France

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

À l’origine du festival : deux filles en décalage

Arrivée à l’âge d’un an à Jérusalem, Inès y passe toute son enfance et adolescence, jusqu’à obtenir son bac dans la ville sainte. “J’ai grandi là-bas, cette ville fait partie de moi. Je vivais du côté israélien, mais mes amis au lycée français étaient majoritairement palestiniens“, raconte-t-elle. Juive mais pas pratiquante, Inès s’est toujours considérée comme une française de Jérusalem, ce qui lui a notamment permis de rester en dehors de certains conflits. Attachée à cette ville particulière où sentiments nationaux israéliens et palestiniens cohabitent, elle décide d’intégrer le cursus délocalisé “Moyen-Orient Méditerranée” de Sciences Po à Menton.
C’est là-bas qu’elle rencontre Kenza, née au Maroc. Le bagage théorique des cours en tête, cette dernière décide de voir par elle-même ce qui se passe réellement en Israël en choisissant Tel-Aviv comme lieu d’étude pour son année de mobilité, destination peu banale pour une jeune fille de 20 ans. “C’était très intense, je suis partie en extraterrestre, je ne connaissais personne là-bas. Je me suis rapidement acclimatée et j’ai beaucoup aimé découvrir cette culture même si je suis revenue assez perturbée. Et après avoir digéré tout ça, j’ai eu envie de faire quelque chose en rapport avec Israël et Palestine”, se remémore-t-elle.
Lorsque le projet commence à vraiment mûrir dans leur tête, cela fait près d’un an qu’Inès travaille dans une fondation qui organise des sommets pour les villes, tandis que Kenza vient tout juste d’être diplômée. En vacances au Maroc chez Kenza, la question fatidique – “Qu’est-ce que je vais faire et surtout qu’est-ce que j’ai envie de faire de ma vie ?” – se pose forcément.

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On s’est dit : “Si on veut monter notre projet, c’est maintenant ou jamais, après on aura trop de contraintes et on ne pourra peut être plus le faire !” Pour être allées à beaucoup d’évènements, on s’est rendu compte que la plupart du temps, ils étaient exclusivement palestiniens ou israéliens et qu’il n’existait pas de festival culturel israélo-palestinien. Alors en septembre on a tout posé sur le papier et de fil en aiguille on a trouvé la salle, puis les artistes, le financement, etc.


Avec 6 000 euros récoltés grâce à une campagne de crowdfunding pour assurer un festival indépendant, Pèlerinage en décalage peut enfin voir le jour neuf mois plus tard. Un nom parfois critiqué, mais qui garde tout son sens pour les deux jeunes femmes :

Avec le mot pèlerinage, il y a cette idée de la terre sainte, une dénomination qui désigne aussi bien Israël que la Palestine. Il y a l’idée d’un voyage également, mais un voyage spécial, unique, qui perturbe et qui ne laisse pas indifférent, d’où le choix de “décalage”. C’était aussi une manière d’atténuer l’aspect religieux du pèlerinage, pour dire que c’est un pèlerinage artistique, une rencontre humaine. Il s’agit bien d’un voyage culturel et non cultuel !

Une première édition à la hauteur des espérances

Une deuxième édition toujours indépendante et gratuite

Les artistes sont donc par définition précaires, beaucoup plus en position d’être contestataires puisque par exemple, ils n’ont pas de régime d’intermittent du spectacle. Ils doivent cumuler plusieurs jobs, etc. Certains ont même quitté leur pays d’origine pour venir vivre en France ou ailleurs en Europe.

Parmi les artistes invités à Pèlerinage en décalage cette année, on aura l’occasion de découvrir la slammeuse Farah Chamma mais aussi d’assister au défilé de mode de Sasha Nassar qui présentera sa nouvelle collection de robes traditionnelles palestiniennes remasterisées, ou encore de visionner des documentaires comme This Is My Land de Tamara Erde, d’apprécier deux expos photos, etc.
Avec tous ces artistes d’origine et de parcours différents, Pèlerinage en décalage est aussi une manière de rappeler que “l’art permet de parler de choses très sérieuses et différemment des médias et des politiques qui traitent souvent le problème à chaud. À travers l’art, on peut plus voir le problème depuis sa racine et aussi penser aux solutions“, assure Inès. Un festival qu’elles considèrent donc comme une expérience “sociale, humaine et artistique de 48 heures” et que les deux jeunes femmes comptent bien réitérer les années futures. Et, qui sait, peut-être faire émigrer ce pèlerinage atypique vers d’autres villes.  
Pour en savoir plus sur Pèlerinage en décalage et sur le programme de cette année, rendez-vous sur la page Facebook du festival.
(Crédit images : Pèlerinage en décalage)