Les Pussy Riot veulent vous faire vivre leur histoire dans une pièce de théâtre immersive

Les Pussy Riot veulent vous faire vivre leur histoire dans une pièce de théâtre immersive

Image :

@https://www.youtube.com/watch?v=LiOslvsFzF8&feature=youtu.be

photo de profil

Par Mélissa Perraudeau

Publié le

Qu’est-ce que ça fait d’être une Pussy Riot ? Le groupe militant veut monter une pièce de théâtre immersive à Londres, afin de recréer leur emprisonnement en camp de travail sibérien. Une façon de “créer un art politique plus radical”, dont Nadejda Tolokonnikova nous a expliqué la genèse.

À voir aussi sur Konbini

Après leur formation en 2011, les Pussy Riot, un groupe de punk-rock féministe russe, ont dénoncé les dérives de la Russie et sa politique avec des clips percutants et des performances explicites. Le 21 février 2012, trois membres du collectif chantent pendant moins d’une minute une prière punk contre Vladimir Poutine dans la cathédrale du Christ Saint-Sauveur de Moscou. Elles sont alors arrêtées et condamnées à deux ans d’emprisonnement en camp de travail pour incitation à la haine religieuse et vandalisme. Ekaterina Samoutsevitch est libérée en septembre 2012, mais Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina ne sortiront qu’en décembre 2013.

Elles racontent alors leur détention terrible, expliquant notamment au Monde comment “les camps sont un îlot de totalitarisme dans un pays autoritaire”. Elles travaillaient jusqu’à dix-sept heures par jour dans des ateliers de couture, devaient porter des uniformes les protégeant bien peu du froid de la Sibérie orientale, et étaient maintenues dans un “état de bêtise”. Une expérience qui renforce encore un peu plus leur volonté de militer contre le gouvernement russe pour tenter de faire bouger les choses.

Exploiter “le pouvoir du théâtre immersif”

En mars dernier, Maria Alekhina créait la pièce Revolution à New York pour raconter les origines des Pussy Riot et leurs actions. Nadejda Tolokonnikova veut désormais faire comprendre ce qu’elles ont vécu en prison dans une pièce de théâtre intitulée Inside Pussy Riot, dans laquelle les spectateurs se retrouveraient à leur place. Les événements, de leur performance dans l’église à l’emprisonnement, devraient être reproduits aussi réalistement que possible. La militante en a raconté la genèse à Konbini, à commencer par sa “fascination pour le pouvoir du théâtre immersif”.

En tant qu’“artiste politique”, elle se demandait comment susciter de l’empathie chez le public, pour qu’il se sente réellement “engagé”, qu’il participe à part entière aux événements passés. Le théâtre immersif lui a donc semblé être “un outil puissant pour attirer l’attention des gens sur les causes activistes”. En effet, difficile d’ignorer l’horreur des camps de travail sibériens quand on en a fait l’expérience :

“Quand j’étais en prison, je me souviens avoir pensé qu’il serait nécessaire que tous les procureurs, juges et enquêteurs y passent du temps. Dans l’idéal, au moins une semaine. Et ils comprendraient à quel point le temps y passe différemment. Une année ne semble pas forcément super longue quand on est libre, mais une année de prison est incompréhensible. Vous avez l’impression qu’elle ne se finira jamais.”

L’espoir de “créer un art politique plus radical”

D’où l’idée de cette pièce qui devrait se jouer à Londres fin 2017 pendant six semaines, en partie grâce à une campagne de levée de fonds sur Kickstarter. Les comédiens de la compagnie britannique de théâtre Les Enfants Terribles, qui ont l’habitude des pièces interactives, sont en train de monter Inside Pussy Riot avec Nadejda Tolokonnikova et la joueront, avec en fond de nouvelles chansons et vidéos des Pussy Riot. Pour ensuite exporter la pièce ? L’autrice adorerait. Elle nous a expliqué que tant qu’à se projeter, elle aimerait pouvoir la produire dans une Russie changée :

“Mon rêve ultime est de changer le pouvoir en Russie, renvoyer le FSB [Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie, ndlr] de leur bâtiment géant, sombre, superbe et brutal qui se trouve dans le centre de Moscou. Et y ouvrir une pièce de théâtre immersive qui raconterait les horribles crimes du FSB et du KGB.”

Son espoir de “créer un art politique plus radical” s’incarne donc dans le théâtre immersif, un procédé qui permet de transmettre, elle l’espère, un message crucial au-delà des frontières russes :

“Je veux partager mon expérience et expliquer ce que cela signifie vraiment de lutter pour la liberté et la justice en Russie. Si quelqu’un pense que Donald Trump a raison et dit que Poutine et Assad sont des ‘hommes forts’ au pouvoir, je veux vous montrer ce que cela signifie d’être un citoyen dans un pays où cet homme fort est au pouvoir. Vous pouvez toujours être attaqué ou enfermé en prison si vous vous exprimez. Qui sait quand ça peut arriver. Mais c’est toujours une possibilité, malheureusement.”

C’est cet aspect imprévisible que Nadejda Tolokonnikova veut tout particulièrement souligner avec Inside Pussy Riot, qui se veut également une promotion des droits humains et de l’importance de toujours lutter pour les protéger. Les Pussy Riot et les Enfants Terribles espèrent récolter 60 000 livres sterling pour financer la pièce et ses décors. La campagne Kickstarter, qui compte déjà près de 13 000 livres, est ouverte à tous jusqu’au 18 août prochain.