Konbini Book Club : 5 livres à dévorer si vous êtes fan de PNL

Konbini Book Club : 5 livres à dévorer si vous êtes fan de PNL

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© Laure Narlian / Culturebox

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Par Leonard Desbrieres

Publié le

Les deux frères N.O.S et Ademo et leur groupe PNL (“Peace N’ Lovés”, ce dernier mot issu du gitan signifiant argent) ont complètement fracassé les codes de l’industrie musicale en faisant de leur “cloud rap” autoproduit une machine de guerre qui séduit aujourd’hui des millions d’adeptes. En creusant un peu, on découvre dans leurs chansons un univers riche et bourré de références qui ont étonnamment beaucoup de choses à voir avec la littérature (si, si je vous assure !). Le Monde ou rien, Oh Lala, DA, J’suis QLF, Onizuka : dis-nous quelle est ta chanson préférée, Konbini te dira quoi lire.

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Si tu kiffes la chanson “Le Monde ou rien” (2015)

Le contexte de la chanson : Le clip du tube le plus connu de PNL est tout simplement tourné à la Scampia, quartier général de la Camorra (la mafia napolitaine). La mafia est idéalisée, elle est le modèle à suivre parce qu’en plus du code de l’honneur qu’elle dicte, elle est une voie dorée vers la richesse avec le trafic de drogue (la bicrave). Les deux frères revendiquent l’esprit de clan et la solidarité entre ses membres comme éléments-clés de la réussite.

“Et j’suis la pomme pourrie qui s’écarte du panier
J’nique ma solitude tant que les poches sont bien accompagnées
Que la mif, les mêmes armes, les mêmes salaires
On sauvera pas toute la terre
J’prends la couronne, la pose sur la tête du p’tit frère
Les larmes de la misère ont l’goût de ma haine
À bout de souffle, ma haine me redonne de l’oxygène.”

Tu liras : Gomorra de Roberto Saviano (2006)

L’univers de la chanson Le Monde ou rien fait immédiatement penser au chef-d’œuvre de Roberto Saviano, Gomorra, publié chez Gallimard et porté à l’écran par Matteo Garrone en 2008. D’abord parce que deux des personnages du livre sont directement cités dans les paroles de la chanson (“j’suis plus Savastano que Ciro”) et ensuite parce que c’est le livre référence sur le pouvoir sanglant de la mafia napolitaine. Dans un style proche de Truman Capote, le journaliste italien déploie une histoire haletante à mi-chemin entre vérité et fiction. Il explore tous les thèmes évoqués par PNL dans leur chanson : règlements de compte entre clans, crimes organisés, trafics en tout genre. Le système mafieux, sa hiérarchie et sa cruauté sont décortiqués dans le détail au travers d’une multitude de personnages qui ont tous mis le doigt dans l’engrenage.

À la fois choquant et fascinant, on en oublierait presque que les vies qui nous sont racontées dans Gomorra ont tout à voir avec la réalité. Un livre tellement ancré dans le réel que depuis sa parution, l’auteur vit sous protection policière 24h/24 dans un lieu tenu secret. Tel est le prix à payer pour avoir brisé la loi du silence.

Si tu kiffes la chanson “Oh Lala” (2015) :

Le contexte de la chanson : Entre introspection, contemplation et évasion, Oh Lala est un morceau purement lyrique. Que dire face à l’immensité de la nature ? Rien et ça fait du bien. Le clip tourné dans les grands espaces islandais, bien loin du béton des cités est là pour le rappeler. Les chansons de PNL sont aussi une quête de soi-même, une volonté de s’évader pour exprimer sa mélancolie. Le “cloud rap”, avec ses instru lancinantes, nous invite à contempler un monde loin d’être parfait.

“J’suis seul sur ma planète et j’nique tout en disant ‘Hamdoullah’ dans ma galère
C’est sale quand j’vends la came
Mais bon, croyez pas qu’j’kiffe, des remords quand j’suis à table
Baba, j’bibi en bas, l’temps passe
J’vois l’soleil, s’lever, s’coucher, j’mens quand j’dis ‘Ça va’.”

Tu liras : Soleil de nuit de Jo Nesbø (2016)

L’univers du Norvégien Jo Nesbø, un des chefs de file du polar mondial, a beaucoup à voir avec celui de PNL. Ils ont en commun cet attachement aux grands espaces et à leur pouvoir de rédemption. Mais ils partagent surtout une forme de noirceur : le lyrisme et la beauté de la nature se heurtent de plein fouet à la cruauté de l’homme.

C’est d’autant plus le cas dans son dernier roman, Soleil de nuit, paru chez Gallimard. Chargé de recouvrer les dettes pour le Pêcheur, le trafiquant de drogue le plus puissant d’Oslo, Jon Hansen succombe un jour à la tentation : l’argent proposé par un homme qu’il est chargé de liquider lui permettrait peut-être de payer un traitement expérimental pour sa petite fille, atteinte de leucémie. Malheureusement, la guérison s’avère impossible… Il ne lui reste maintenant plus qu’à fuir dans le coin le plus reculé de Norvège pour tenter d’échapper à la mort. Là, au milieu des vastes étendues glacées, il trouvera peut-être enfin la rédemption. Un polar à couper le souffle qui réussira à te glacer le sang même sur ton transat à 35 °C à l’ombre.

Si tu kiffes “J’suis QLF” (2016) :

Le contexte de la chanson : “J’suis QLF” est avant tout une chanson sur la réussite sociale et les moyens de parvenir à ses fins. PNL utilise un des poncifs du rap en clamant haut et fort qu’ils sont prêts à tout pour mener la vie de rêve. Le clip, tourné dans le lieu paradisiaque d’Isla Mujeres au Mexique, est clairement là pour rappeler que ça y est, l’argent n’est plus un problème. Mais ils ne se détachent pas pour autant de cette noirceur qui les caractérise en dénonçant les illusions de la richesse matérielle et le côté trompeur des apparences.

“Et j’gère mes affaires
Du sucre dans ma bouche amère
La mif’ sous un soleil plein
Tu touches, on touche le salaire
Igo, on fait c’qu’on peut,
Toi, reste en chien ; toi, reste en chienne.”

Tu liras : Monsieur Ripley de Patricia Highsmith (1955)

Un décor qui fait saliver, des vies de rêve, des gens prêts à tout pour avoir leur part du gâteau, tous les ingrédients de la chanson de PNL sont rassemblés dans le livre culte de Patricia Highsmith, Monsieur Ripley. Un classique de chez classique. Tu ne l’as encore jamais lu ? Grave erreur qu’il va falloir réparer le plus vite possible. Peut-être au moins as-tu vu une des deux adaptations mythiques ? Plein Soleil (1960) avec un Alain Delon au top du top ou Le talentueux M. Ripley (1999) avec les jeunes talents de l’époque Matt Damon et Jude Law.

L’histoire, c’est celle de Tom Ripley, un jeune homme doté d’une intelligence hors du commun, un jeune homme aussi dangereux que séduisant. Chargé par un richissime Américain de lui ramener son fils parti en Italie, il va bientôt concevoir un projet diabolique : se substituer au fils et vivre à sa place une vie dorée… Descente aux enfers sous fond de décor paradisiaque, le combo parfait.

Si tu kiffes “Da” (2016) :

Le contexte de la chanson : “Da” est la seule chanson du dernier album presque entièrement consacrée à la vie de quartier. Manque de reconnaissance, espoirs déchus, montée des tensions : les thèmes classiques sont abordés. Mais la noirceur habituelle de PNL laisse cette fois place à l’espoir. Le clip est divisé en deux univers bien différents et l’image alterne entre l’effervescence en bas des tours et le calme sur la terrasse du Shangri-La d’où l’on aperçoit la tour Eiffel. C’est encore une fois le signe que PNL a percé et que si eux l’ont fait, tout le monde peut le faire. Comme un ultime symbole, le disque de diamant du groupe est amené à la fin du clip dans la MJC du quartier des Tarterêts à Corbeil-Essonnes d’où sont originaires les deux frères.

“Mais bon j’suis d’la pire espèce
Avant j’étais moche dans la tess
Aujourd’hui j’plais à Eva Mendes.”

Tu liras : Fabrication de la guerre civile de Charles Robinson (2016)

La littérature française traite peu de la vie dans ces quartiers. Elle n’a pas véritablement bénéficié de cet acte fondateur qu’a pu être le film de Mathieu Kassovitz, La Haine, pour le cinéma. Pourtant, un romancier comme Charles Robinson en a fait son sujet d’écriture. La cité, il la connaît sur le bout des doigts puisqu’il y est né et il y vit encore. Il a voulu à travers ce roman et avec une langue poétique, retranscrire loin des clichés et des tabous ce que représente vraiment la vie en bas des blocs. Pour cela, il a inventé un lieu, la Cité des Pigeonniers, un quartier bourré d’histoires de famille, de jeunes en perdition mais aussi de réussites qui font chaud au cœur, un quartier comme tous les autres en somme, des endroits où “c’est la vie en très fort”.

Charles Robinson partage avec PNL cette vision schizophrène des quartiers : lieu de pauvreté mais réservoir de toutes les richesses. Le combat à mener est celui destiné à échapper au poids de la société. Un combat de David contre Goliath qui voit quelques personnes franchir les mailles du filet mais qui voit surtout trop de frustration s’accumuler et une guerre civile se fabriquer.

Si tu kiffes “Onizuka” (2016) :

Le contexte de la chanson : Ça saute aux yeux, N.O.S et Ademo sont deux grands fans de la culture manga japonaise. Beaucoup de leurs chansons font référence à cet univers et notamment au mythique Dragon Ball (les multiples évocations de la planète Namek ou de Végéta). Mais dans le cas de la chanson Onizuka, ça devient beaucoup plus explicite. Elle porte tout simplement le nom d’un des personnages les plus emblématiques du manga japonais : Eikichi Onizuka, le héros de la série Great Teacher Onizuka de Tôru Fujisawa.

“La street c’est fou, j’fais le tour de la ville Onizuka
Comme Yakuza, comme GTO
Il pleut des balles à la météo
J’vois pas d’étoiles, à part au tel-hô.”

Tu liras : le manga GTO de Tôru Fujisawa (1997)

Great Teacher Onizuka, paraît pour la première fois au Japon en 1997 et raconte pendant 25 tomes les aventures d’Eikichi Onizuka, un jeune homme de 22 ans qui ne souhaite qu’une chose : devenir professeur. Ses motivations : les filles d’abord puisqu’il voit en ce métier un moyen particulièrement efficace de conquérir n’importe qui ; le prestige aussi puisqu’il ambitionne de devenir tout simplement le meilleur prof de tous les temps ; l’humanité enfin parce qu’au fond de lui, il espère faire profiter de son expérience à des adolescents souvent complètement paumés. En charge d’une classe réunissant les enfants les plus terribles, Eikichi a recours a des méthodes anticonformistes, souvent violentes mais toujours à hurler de rire pour essayer de faire grandir cette bande de rebelles.

Faire référence à Onizuka, c’est aussi pour PNL un moyen d’exprimer leur vision du rap. Bien sûr, le rap est leur manière à eux de faire de l’argent, de s’exprimer et de mener “la vie de rêve” mais c’est aussi le moyen pour eux d’être les guides des jeunes générations qui les écoutent. Avec un style déroutant, exactement comme Onizuka, ils essayent de faire part de leur expérience pour transmettre.