Grenoble : une œuvre de street-art jugée “anti-flics” sème la zizanie

Grenoble : une œuvre de street-art jugée “anti-flics” sème la zizanie

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“L’Etat matraquant la République”, œuvre de street-art polémique à Grenoble (© GO IN:Capture d’écran sur le site de l’artiste)

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Par Théo Chapuis

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Deux flics s’acharnant sur une Marianne à terre : une œuvre de street-art suscite un mini-scandale à Grenoble.

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L’État matraquant la Liberté, voilà le titre d’une œuvre qui orne un mur de Grenoble… et suscite de vives réactions. Et pour cause : sorte de pastiche de La Liberté guidant le peuple de Delacroix, on y voit Marianne à terre, son drapeau tricolore déchiré, se défendant à grand-peine des coups de tonfa infligés par deux CRS. Et si ce n’était pas assez transparent, l’inscription “49.3” barre le bouclier anti-émeute de l’un des deux agents.

Réalisée sur un mur près de la gare de la cité iséroise, l’œuvre a été peinte par l’artiste Goin, dans le cadre du Grenoble Street Art Festival, le jeudi 23 juin. D’après le Dauphiné Libéré, elle a “particulièrement choqué les policiers grenoblois qui l’ont découverte vendredi matin lors d’une patrouille”. Oups.

Depuis, de nombreuses voix s’élèvent pour manifester leur indignation. À commencer par le directeur départemental de la sécurité publique de l’Isère, Patrick Mairesse, qui a déclaré :

“Voir des policiers représentés en train de matraquer Marianne, et donc la République, alors que depuis plusieurs mois, et pas plus tard qu’il y a dix jours, ils ont donné leur vie pour elle [à Magnanville, dans les Yvelines, où deux policiers ont été assassinés le 13 juin, ndlr], c’est indigne !”

L’œuvre a également déchaîné l’ire des responsables politiques, dans la majorité comme dans l’opposition. Jean-Pierre Barbier, député Les Républicains de l’Isère, a exprimé tout le mal qu’il en pensait sur Twitter, samedi 25 juin :

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“Il faut effacer immédiatement cette fresque”

Geneviève Fioraso, députée de la première circonscription de l’Isère et ex-ministre des gouvernements Valls, met en cause la responsabilité de la collectivité locale :

“Quand la collectivité locale finance, sur l’argent des contribuables grenoblois, une fresque réalisée dans le cadre d’un festival subventionné à hauteur de 25 000 euros, à la vue de tous, dans l’espace public, elle est responsable des messages passés. Par respect pour ceux qui nous protègent, il faut effacer immédiatement cette fresque inacceptable dans le contexte.”

Quant au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, il a réagi dimanche soir et assuré son “plein soutien aux policiers” et dit attendre d’Eric Piolle, maire de Grenoble (Europe Écologie Les Verts), “qu’il leur dise ses regrets”.

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Mais du côté de la mairie on juge n’avoir rien à se reprocher : “On s’interdit de vouloir gérer la création artistique”, répond le cabinet du maire, qui souhaite rappeler le “grand succès” du Grenoble Street Art Fest. “Ça reste une œuvre d’art, et l’art peut être subversif”, renchérit la mairie, qui rappelle que “l’art a vocation à créer du débat, voire de la polémique”. Circulez, y’a rien à voir.

“C’est aussi le but de l’art”

Selon l’organisateur du festival, Jérôme Catz, l’œuvre ne devrait pas être tant prise pour un manifeste “anti-flics”, mais davantage comme une critique de l’État : “Cette œuvre, c’est une allégorie à l’État actuel et à l’emploi du 49.3 pour faire passer la loi travail”, ajoutant que l’artiste Goin avait choisi de nommer son œuvre L’État matraquant la liberté à la suite de la polémique afin que le message soit plus transparent. Et d’ajouter :

“Maintenant, si une œuvre d’art fait réagir, c’est bien. C’est aussi le but de l’art.”

Qu’elle scandalise ou laisse indifférent, comme ces passantes qui n’y voient rien de plus qu’une variation sur un des thèmes chers au street-art et l’expliquent à France 3, son avenir est éphémère : Jérôme Catz rappelle que cette œuvre a été peinte sur un mur du quartier de la gare qui doit être démoli “dans les jours ou les semaines qui viennent”.