“Les garçons peuvent-ils se maquiller ?” : les géniaux dépliants antisexistes d’une mère inventive

“Les garçons peuvent-ils se maquiller ?” : les géniaux dépliants antisexistes d’une mère inventive

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

Pour lutter contre les stéréotypes de genre dont son petit garçon souffrait, Élise a créé de géniaux dépliants antisexistes. Elle nous a expliqué sa démarche, tout en encourageant les initiatives similaires.

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Élise est éditrice pédagogique et tient le blog Maman rodarde, dont deux articles ont beaucoup fait parler d’eux mi-septembre. Le premier, efficacement intitulé “Pour que les petits garçons puissent être et aimer ce qu’ils veulent, sans qu’on les emmerde”, commençait par raconter :

“Depuis qu’il est tout petit, mon fils aime se vernir les ongles de temps à autre. Mais plus il a grandi, et plus il a commencé à être sensible aux remarques qu’il pouvait recevoir. Je me souviens par exemple l’avoir vu au parc, les mains recroquevillées pour cacher ses ongles vernis, de peur que les enfants se moquent et ne veuillent plus jouer avec lui. Ça m’a retourné le ventre de sentir que mon fils n’osait pas laisser libre cours à ses envies ou sa personnalité à cause du regard des autres.”

“Les garçons peuvent-ils se maquiller ?” et autres stéréotypes de genre

Si Élise pouvait confronter les enfants se moquant de son fils quand elle était près de lui, cela a été une autre paire de manches quand Piou lui a raconté que l’Atsem de sa classe lui a, à son tour, “soutenu que le vernis, ce n’est pas pour les garçons”. Alors, pour que son fils puisse se défendre face aux stéréotypes de genre quand elle n’était pas là, elle a décidé de lui bricoler des dépliants antisexistes.

Une fois plastifiées et pliées en accordéon, il lui suffirait de les glisser dans le cartable de son fils, lequel pourrait facilement les sortir au premier “C’est pas pour les garçons”. Élise a sélectionné 11 principaux thèmes avec un pictogramme pour chaque, et les a illustrés de photos d’hommes célèbres avec le plus de diversité possible (en matière de couleurs de peau, d’époques, de métiers ou de nationalités). “Les garçons peuvent-ils se maquiller ?”, “Les garçons peuvent-ils aimer des garçons ?”, ou encore “Peut-on être un garçon quand on n’a pas de pénis ?” : chaque question trouve sa réponse en image, de façon efficace et percutante.

Élise en a ensuite fait une version filles, avec 22 thèmes traités en deux parties : d’un côté, les voitures, les poils, les cheveux courts, les femmes qui aiment les femmes et celles sans enfants, de l’autre, les “meufs super badass”, les mathématiciennes, les aventurières ou encore les cheffes d’État. Son but : diffuser les dépliants, facilement découpables et pliables, le plus possible.

Élise nous a expliqué au téléphone que c’était “juste une évidence”, qu’il y avait un manque de représentations antisexistes et que c’est au quotidien que l’on inflige aux enfants des remarques et des injonctions sexistes, sans compter les divisions des rayons de jouets et de vêtements. “C’est un climat global, c’est insidieux”, remarque-t-elle.

“Il ne faut pas hésiter à s’autoriser des solutions complètement innovantes”

Élise trouvait que les ressources manquaient particulièrement du côté des garçons. L’accueil fait à ses géniaux dépliants témoigne bien du besoin global de solutions pour lutter contre les stéréotypes de genre, en particulier dans les établissements scolaires. Élise nous a ainsi raconté ne plus compter les messages de professeurs, tous niveaux et toutes filières confondues, mais aussi de documentalistes en CDI ou d’infirmières scolaires qui se sont rapidement approprié les dépliants et l’ont remerciée de l’initiative.

Elle est contactée d’un peu partout, également par des parents, en France comme à l’étranger – une autre preuve, s’il en fallait, que “le souci est global”, explique l’éditrice. Une adulte lui a d’ailleurs dit qu’elle se servait de son dépliant quand on s’étonnait qu’elle ne veuille pas d’enfants, et d’autres ont regretté ne pas avoir eu ces petits papiers quand ils étaient enfants pour vivre plus sereinement.

La problématique des stéréotypes de genre concerne en effet tout le monde selon Élise, qui veut encourager d’autres initiatives similaires. Elle a ainsi tenu à insister sur le fait que les dépliants étaient à la portée de tous et toutes, et qu’elle n’avait pas de diplômes particuliers :

“Tout le monde peut le faire, il suffit d’être à l’écoute des enfants et de trouver des façons de les aider aussi. […] Il ne faut pas hésiter à s’autoriser des solutions complètement innovantes. L’empowerment, c’est pour les enfants, mais aussi pour nous en tant que parents.”

Élise nous a ainsi expliqué que tout était venu de mon fils, qui l’a fait énormément évoluer. Ça a commencé alors qu’il était tout petit : elle avait inventé un livre de recettes pour bébés, qui avait ensuite été publié. Son petit garçon et les situations qu’il rencontre la font ainsi se poser énormément de questions, la “boostent”. Quand on lui demande si elle a d’autres idées novatrices, elle nous répond que son “prochain virage sera en lien avec son évolution à lui” – même si cela devrait s’inscrire dans la lignée de son engagement féministe. Elle s’apprête également à animer bénévolement des ateliers de philosophie pour des enfants de primaire.

En attendant, les dépliants continuent leur petit bonhomme de chemin. Élise a envoyé des dossiers à quelques éditeurs qui lui semblent pertinents pour les diffuser à grande échelle, et attend de voir s’il est possible de faire remonter l’initiative jusqu’à l’Éducation nationale.