À la découverte de la Fabuloserie, la maison-musée qui magnifie l’art brut

À la découverte de la Fabuloserie, la maison-musée qui magnifie l’art brut

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Par Manon Baeza

Publié le

À la fois maison et musée, ce lieu hors du temps réserve aux visiteurs une belle expérience.

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Entre étonnement et émotion, une visite de la Fabuloserie a de quoi ravir les plus curieux. C’est au début des années 1970 que l’architecte et créateur Alain Bourbonnais − un ami proche de Jean Dubuffet − acquiert à Dicy, dans l’Yonne, une maison de campagne au bord d’une rivière. Un endroit idyllique au sein duquel il laissera parler sa créativité débordante. Ce lieu surréaliste est envahi par son impressionnante collection d’art brut – et l’ensemble est tout simplement bluffant.

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C’est au peintre et collectionneur français Jean Dubuffet que l’on doit le nom “d’art brut”. Dès 1945, Dubuffet constitue une collection d’objets créés par “des hommes du commun”, ce qui regroupe des détenus ou des pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques, par exemple. Leur point en commun se résume au fait qu’ils ne se préoccupent ni du regard des autres, ni de vendre ce qu’ils produisent. S’ils créent, c’est avant tout parce qu’ils en ressentent le besoin, c’est pourquoi on les qualifie de “créateurs” et non d’artistes.

L’art brut est un art à part entière qui est destiné à une culture populaire et non artistique. Ces créateurs ont tous un métier, ils vont certainement rarement au musée et n’ont en aucun cas étudié les beaux-arts. D’ailleurs, les techniques utilisées par les créateurs sont le plus souvent dérivées de leur métier d’origine, tel que nous le précisent Agnès et Sophie, les deux filles d’Alain Bourbonnais, qui s’occupent aujourd’hui de la Fabuloserie.

Afin de composer leurs œuvres, les créateurs se munissent alors de matériaux en tout genre et ramassent principalement ce qu’ils trouvent à proximité. Cependant, il est important de préciser que l’art brut n’est en aucun cas de la récupération mais plutôt de la transformation de matériaux.

La nuance est importante tant l’art brut possède une tout autre démarche. Le foisonnement est l’une des caractéristiques principales de cet art atypique. Effectivement, il varie totalement en fonction de son créateur, il peut aussi bien prendre la forme de sculptures, peintures, tissages ou encore de dessins.

Un créateur et collectionneur hors du commun

C’est en 1971 qu’Alain Bourbonnais découvre le musée de la Collection de l’art brut de Jean Dubuffet, lorsque ce dernier annonce à la presse la donation de celui-ci à la ville de Lausanne. Aussitôt, l’architecte le contacte. S’ensuivront une longue correspondance, une rencontre et une amitié grandissante.

Jean Dubuffet finira par proposer à son acolyte de l’aider dans ses démarches de collectionneur. Il lui fournira alors une liste (très précieuse) de 35 noms de créateurs qui lui sera grandement utile afin de composer sa collection. Alain Bourbonnais ira à la rencontre de ces derniers, ce qui lui permettra de tisser des liens privilégiés avec chacun d’entre eux.

Sa collection “hors-les-normes” ne cessera de s’agrandir au fil des années, transformant ainsi ce “lieu d’exposition intimiste” en un véritable musée. Mais il ne s’arrêtera pas là. Son jardin sera également investi de nombreuses œuvres plus saugrenues et étonnantes les unes que les autres.

C’est en face de la propriété de la famille Bourbonnais que cette maison-musée, spécialement pensée pour cette collection, prend place. À l’intérieur de celle-ci on trouve plus de mille créations, des dessins de Janko Domsic aux bourrages effrayants de Francis Marshall en passant par les sublimes mobiliers de Giovanni Battista (que l’on peut voir ci-dessus).

Sur trois étages, ce musée dévoile plusieurs salles aux thématiques diverses et variées. On découvre alors les espaces du “grenier noir”, le “grenier blanc”, la “galerie des portraits”, le “tambour rose”, ou encore la salle de Podesta (notre préférée). Chacune d’entre elles possède une architecture et une luminosité qui lui est propre. C’est ce qui fait tout le charme de ce musée unique en son genre.

Un jardin “habité”

La deuxième partie de la Fabuloserie se situe en extérieur, dans le jardin personnel de la famille Bourbonnais. Un parc enchanté où la paisibilité règne et où chaque recoin cache une multitude de sculptures et statues, toutes plus colorées et fantasques les unes que les autres. Cette promenade surprenante est rythmée par les chants des oiseaux, le bruissement de l’eau et le frémissement des feuilles.

Au sein du jardin, nous retrouvons le “manège de Petit Pierre”. Pierre est un garçon-vacher sourd et muet au visage déformé qui a mis en place des années durant ce manège spectaculaire. La cruauté du monde l’a exclu de toute vie sociale, et cette injustice se transformera en une force époustouflante.

Seul, il passera son temps libre à construire ce manège, jusqu’à sa mort en 1992. Lors de la visite, ce passé douloureux se fait sentir immédiatement. Dès l’entrée du manège, une émotion indescriptible nous prend aux tripes. Admiratifs et émus, nous contemplons le mécanisme pensé par Pierre Avezard.

C’est à ce moment-là que nous prenons conscience de tout l’enjeu de l’art brut. Cet art singulier est le reflet des maux ou des interrogations des créateurs. Bien plus qu’un simple esthétisme, l’art brut tend à éveiller la curiosité et dévoile des objets aussi bien insolites que banals, magnifiés par une poésie qui prédomine au sein de ce lieu enchanté.

Entre fascination et observation, la Fabuloserie dévoile des créations touchantes qui nous permettent parfois de prendre conscience des rouages de la société. Située à 1 h 30 de Paris, la Fabuloserie est l’endroit idéal pour se déconnecter un instant, respirer et découvrir un endroit atypique qui mêle avec brio l’art brut à une architecture bluffante et une nature toujours plus séduisante.

Pour plus d’infos, c’est par ici.

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