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Avec l’exposition “Street generation(s), 40 ans d’urbain”, Roubaix devient l’épicentre du street art

Avec l’exposition “Street generation(s), 40 ans d’urbain”, Roubaix devient l’épicentre du street art

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Par Chayma Mehenna

Publié le

Obey, Banksy, JR, Clash, Futura… Pour admirer les œuvres des plus grosses pointures du street art, direction l’exposition “Street generation(s), 40 ans d’urbain” retraçant l’histoire de cette pratique qui mêle défiance des autorités et appropriation de l’espace publique, et qui est désormais reconnue comme art avec un grand A par le milieu artistique. 

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Vous ne la connaissez peut-être pas mais c’est elle qui a contribué à faire que le graffiti soit représenté dans les galeries d’art françaises. Dès 1991, du haut de ses 17 ans, Magda Danysz présente déjà dans sa galerie au 22 rue Keller son amour pour l’art contemporain et plus particulièrement pour l’art urbain. Connue pour avoir produit les premières expositions françaises d’artistes désormais mondialement reconnus (coucou Shepard Fairey, qui a crée Obey), elle est aujourd’hui commissaire de l’exposition “Street Generation(s), 40 ans d’art urbain”, comptant des œuvres de grandes pointures du street art. Crash, le créateur d’Obey, Space Invader, Blek le Rat, JR font partie des 50 artistes représentés. Nous la retrouvons donc à Roubaix, dans l’enceinte d’un vieux bâtiment, ancienne usine de textile, rempli d’histoire et de mémoire. 

De la rue au musée

L’exposition du moment concerne donc un art qui n’a pourtant a priori pas sa place dans l’enceinte d’un musée. Le street art, dit aussi “art urbain”, est né et vit dans la rue. Mais grâce ou à cause d’artistes comme Banksy, collant ses pochoirs partout dans les villes du monde ainsi que dans les musées auprès de grandes œuvres, petit à petit les frontières entre l’art muséal et la “délinquance” se sont brouillées. Banksy est désormais coté, les galeries se l’arrachent et ses œuvres se vendent à des prix élevés aux enchères. Mais cette origine urbaine, Magda Danysz la comprend et la respecte. Première preuve : l’exposition commence dehors. Les collages, les graffitis et les mosaïques se déclinent dans les rues adjacentes au quartier du Pile. C’est aussi pour attirer une population pas toujours intéressée par l’art que la Condition Publique s’invite devant chez les gens pour forcer la rencontre. Le jeune Vhils, descendant de Banksy, a marqué son passage sur les briques roussies du “jardin du bonheur” tandis que Crash a apposé sa signature sur une fresque vivace contrastant avec les murs gris. Et nombreux sont ceux qui ont, d’un simple pschitt, tagué les murs d’un petit mot ou d’une signature furtive, pour égayer le quartier et laisser une trace de leur passage.

40 ans d’histoire

L’odeur de la peinture fraîche a imprégné les lieux, les cartons n’ont pas tous été ouverts et quelques encarts d’information trônent encore à terre. Derrière les pas légers de la sylphide Magda, c’est dans l’ordre que l’on découvre cet univers fait de pochoirs, de vieilles bombes de peinture pleines et d’insoumission. Avant tout, il y a Cornbread, aussi connu sous le nom de Darryl McCray, le premier des premiers. Dans les 60’s à Philadelphie, il tague son surnom partout où il le peut. Le style est dépouillé : l’idée reste simplement celle d’investir l’espace, ou de marquer son territoire peut-être ?

En un rien de temps, le mouvement s’ébruite, s’éparpille, il prend d’assaut New York, capitale de la culture. Des gamins s’emparent du phénomène et commencent les jeux d’écriture, encore sans ambition artistique. On appose toujours son pseudonyme, mais on l’accompagne alors d’un numéro. Celui-là désigne un quartier. On passe de l’outline (contour) gris chrome à la fois couvrant, visible, efficace et rapide (il faut aller vite quand on ne veut pas se faire prendre par la police) à l’introduction d’un rapport à l’image et à ce qu’on appelle le “style writing“. Des symboles et ornements (étoiles, flèches…) apparaissent autour. L’écriture prend de plus en plus de place : les bout de rues sont délaissés pour des wagons entiers investis “from top to bottom” (de haut en bas).

Une compétition s’établit, puis en 1981 cette pratique, devenue art, commence à intégrer les galeries. C’est la déferlante mondiale, il n’y a pas encore Internet, tout passe par les fanzines, ou par des bouquins comme Subway Art. On attribue au street art un aspect technique, construit, illimité et des dimensions sociales et politiques.

Les années 1990 marquent l’avénement du message, des motifs fantaisistes, des répétitions ainsi que des icônes. Jusqu’au bout de cette exposition, difficile de ne pas se rendre compte de la réinvention incessante et de l’évolution des supports. Le street art est passé en un rien de temps du “vandalisme” à l’abstrait et à l’élaboré.

Non, le street art n’est pas que new-yorkais ou parisien

Si les artistes représentés viennent de tous les horizons et ont des origines différentes, la Condition Publique a tenu à mettre la lumière sur les artistes locaux, ceux qui ont travaillé un temps ou longtemps à Roubaix. De par leur connaissance de la région et leurs initiatives, eux savent mieux que quiconque comment toucher le public du coin. Ils sont la fierté de la ville, ceux qui permettent de dire : “non, le street art n’est pas que new-yorkais ou parisien” puisqu’il prend pied abondamment dans le Nord-Pas-de-Calais. Parmi ceux-là on recense Jef Aerosol, Aplickone, Spécio, Toxick ou encore JonOne. Et c’est bien grâce à eux que l’on peut justifier le fait qu’une si grande exposition sur le sujet s’installe à Roubaix plutôt que n’importe où ailleurs.

Exposition “Street Generation(s), 40 ans d’art urbain”, du 31 mars au 18 juin, plus d’information : www.laconditionpublique.com