Expo : “Fémérotisme”, l’érotisme vu par des femmes

Expo : “Fémérotisme”, l’érotisme vu par des femmes

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Par Alice Gautreau

Publié le

Du 22 novembre au 2 décembre 2017, la galerie de Buci, située dans le 6e arrondissement de Paris, propose une exposition collective ayant pour thème la notion d’érotisme, interprétée uniquement par des femmes artistes. Au programme : photo, vidéo, dessin, collage, sculpture et peinture.

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La galerie de Buci défend la création artistique contemporaine depuis 28 ans au 73 rue de Seine, dans le quartier historique de Saint-Germain-des-Prés. Diana Gran, photographe et jeune curatrice, souhaite en renouveler la programmation avec des expositions thématiques fortes qui mettent en lumière des artistes émergent·e·s. Pour sa première exposition en tant que curatrice, elle donne la parole à 17 femmes artistes.

L’érotisme au féminin

Pendant des siècles d’histoire de l’art, des artistes masculins ont dessiné, peint, sculpté et photographié le corps de la femme, forgeant dans tous les esprits une certaine conception de l’érotisme et aussi de la féminité. Dans les années 1960, Yves Klein a même utilisé le corps de ses modèles comme pinceaux avec ses célèbres Anthropométries, et Piero Manzoni s’est tout simplement autorisé à apposer sa signature directement sur le corps nu de ses modèles. Le parti pris de Diana Gran pour son exposition “Fémérotisme”, c’est d’offrir aux spectateurs une vision féminine et féministe de l’érotisme, à la fois éclectique, riche, ludique et imaginative.

Vous avez jusqu’au 2 décembre pour découvrir les œuvres de Diane Alexandre, Nour Awada, Odie Chaavkaa, Clémence Demesme, Diana Gran, Karoline Jeuffroy, Mirka Lugosi, Peggy Mella, Alizé Meurisse, Guillemette Monchy, Émilie Moutsis, Maya Palma, Charlotte Payen, Olivia Primé, Daiane Soares, Axelle V et LMG.

Zoom sur Axelle V

Avocate dans la vraie vie, Axelle V est aussi artiste et passionnée d’art. À la galerie de Buci, elle expose quatre œuvres qui trompent tout le monde sur leur vraie nature, puisqu’il s’agit de photomontages aux allures de gouaches.

Konbini | Peux-tu évoquer ta pratique artistique ?

Axelle V | Elle se construit dans l’univers des livres d’images que j’affectionne particulièrement. Je collectionne depuis longtemps les livres illustrés destinés aux enfants ou aux adultes. Certains des photomontages que l’on peut voir à l’exposition “Fémérotisme” sont issus d’un livre intitulé 5 sens dont j’ai fait deux versions : l’une pour les enfants et l’autre pour les adultes.

J’aimerais continuer cette exploration en réalisant des livres-objets en deux versions. D’un point de vue technique, ce sont des photomontages numériques composés à partir d’une multitude de photos dont j’extrais détails ou éléments plus significatifs que je recompose en fonction de la narration. Dans la série 5 sens, chaque image évoque l’océan, d’où la présence de détails aquatiques. Les couleurs tiennent également une place importante, tant dans le choix des nuances que dans la présence d’aplats qui donnent aux tirages photographiques un aspect de gouache.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

J’ai grandi dans une famille d’artistes, entourée d’œuvres d’art, de livres d’images et d’objets de curiosité. J’y ai appris à regarder, me suis imprégnée d’esthétiques très diverses, de toutes époques et de tous continents. Mes sources d’inspiration, s’il faut les nommer ainsi – je dirais plutôt ce qui m’a constituée – sont donc nombreuses et très diverses. On y trouve aussi bien la Daphné de Wenzel Jamnitzer, conservée au château d’Écouen, que les travaux de grands affichistes japonais comme Kazumasa Nagai.

Quelle est ta vision de l’érotisme, au travers de l’art, puis de ton art ?

Depuis cinq, six ans, je publie toutes les semaines une image érotique – dessin, gravure ou photo – sur un réseau social bien connu pour son exercice compulsif de la censure, avec pour fil conducteur l’intérêt graphique, esthétique ou drolatique que je lui porte. Au fil des années, j’ai constitué une immense pinacothèque virtuelle contenant des centaines de dossiers d’artistes connus ou inconnus de la Renaissance à nos jours, inscrits dans l’histoire de l’art, les arts graphiques, la pop culture.

Pour répondre à ta question, ma vision de l’érotisme à travers l’art est donc multiple et ne s’attache pas à une pratique sexuelle ou à une forme plastique en particulier. Qu’une image soit qualifiée d’érotique ou de pornographique (je n’ai jamais compris les frontières exactes dressées entre ces deux termes) importe peu. Ce qui compte à mes yeux est sa beauté, sa singularité, son humour ou l’émotion qu’elle suscite, quelle qu’en soit la provenance. Je crois que c’est de cette façon que je crée mes images.

Quelle est ta vision du féminisme ?

Elle s’attache avant tout à l’expression d’une liberté d’être et de pensée. Même si je ne le formulais pas ainsi lorsque j’étais enfant, je crois n’avoir jamais compris pourquoi ma qualité de femme devrait m’assigner à penser comme ceci, à ressentir les choses comme cela, à me comporter d’une certaine façon. Dans ma famille, mon père, qui était le seul homme à la maison (j’ai deux sœurs), faisait la cuisine, était créateur de mode et ne conduisait pas : nous étions loin des stéréotypes de genre !

L’Une de tes œuvres représente un homme allongé sur le ventre, vu de dos à travers une serrure. Elle pourrait rappeler Étant donnés de Marcel Duchamp. Est-ce une réponse à cette œuvre, ou, plus globalement, à toutes les œuvres faites par des artistes masculins qui décrivent le corps féminin sous toutes ses coutures ?

Étant donnés est une très belle référence à laquelle je ne me serais que difficilement autorisée à répondre ! Comme dans l’œuvre de Duchamp, on y retrouve effectivement un trou, un corps, un élément aquatique… C’est sans doute fortuit mais j’aime bien ce type de hasard. L’image a une autre genèse, celle du livre 5 sens que j’évoquais tout à l’heure. Les trous de serrure – que je trouve graphiquement beaux – ouvrent sur des espaces et donc des mondes infiniment plus vastes que ce que leur petite taille laisse supposer. Ils permettent de voir sans être vu, ici un corps d’homme et non celui, attendu, d’une femme.

Pour aller plus loin

Vite ! Jusqu’au 25 novembre 2017 à la galerie Xippas (Paris, 4e), la célèbre photographe Bettina Rheims expose ses portraits des activistes Femen dans une exposition intitulée “Naked War”.

À la Monnaie de Paris jusqu’au 28 janvier 2018, l’exposition “Women House” explore le féminin et le domestique, de l’enfermement à l’affranchissement. au travers les œuvres de 39 femmes artistes.