Un collectif appelle à changer le nom du musée de l’Homme en “musée de l’Humanité”

Un collectif appelle à changer le nom du musée de l’Homme en “musée de l’Humanité”

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

Le collectif Les Glorieuses a lancé ce mercredi 21 juin une pétition pour changer le nom du musée de l’Homme en “musée de l’Humain” ou “musée de l’Humanité”. Une requête qui peut sembler dérisoire, mais qui est primordiale pour l’égalité des sexes.

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Cette semaine, du 19 au 25 juin, c’est la MuseumWeek. Lancée en 2014 sur Twitter par douze grands musées parisiens pour créer un événement culturel viral et toucher de nouveaux publics, elle est rapidement devenue un événement mondial.
L’édition de cette année s’intéresse aux femmes : chaque jour, des musées du monde entier partagent ainsi sur les réseaux des œuvres ou des accomplissements de femmes. Une façon de mettre en valeur le patrimoine culturel et artistique, et de le rendre accessible à toutes et tous.

À cette occasion, les Glorieuses, une newsletter féministe créée en 2015 et devenue au fil du temps une véritable plateforme engagée, ont décidé de passer à l’action pour obtenir plus d’égalité dans l’art. Ce mercredi 21 juin, elles ont donc adressé une lettre ouverte au directeur du musée de l’Homme, au ministre de la Transition écologique et de la solidarité ainsi qu’au ministre de l’Éducation nationale, pour que le musée de l’Homme soit renommé “musée de l’Humain” ou “musée de l’Humanité”.

“Homme avec un grand H ne signifie pas humain”

Les Glorieuses se basent avant tout sur l’emploi incorrect du mot “homme” dans l’appellation de l’établissement :

“Homme avec un grand H ne signifie pas ‘humain’. Le H majuscule permet de faire référence à l’ensemble du genre Homo (homo sapiens et espèces apparentées). Ainsi, le genre humain ne représente qu’une infime partie des espèces dites Homo. Or, si l’on suit la pensée de Paul Rivet, le fondateur du musée, c’est bien de l’humain dont il s’agit : ‘L’humanité est un tout indivisible, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.’

La pétition précise que l’utilisation du masculin pour désigner le générique ne remonte qu’au XVIIIe siècle. Une époque où la “tendance massive et indo-européenne” faisait pourtant primer le nombre : “Un garçon et un million de filles impliquaient d’accorder… au féminin.” Les Glorieuses ajoutent qu’il y a une véritable valeur symbolique à laisser les femmes de côté : “En n’incluant pas les femmes, une fois de plus, nous les invisibilisons de l’espace public et du monde des musées.” Leur permettre de se reconnaître dans le nom du musée en le renommant “musée de l’humain” ou “musée de l’Humanité” est donc primordial. Et ce combat découle d’un autre, qui est plus large que le seul domaine de la culture et des arts.

Où sont les (droits des) femmes ?

Les Glorieuses se réfèrent à la tribune “Remplaçons ‘droits de l’homme’ par ‘droits humains’ !” publiée en 2015 sur Libération. Le collectif Droits humains pour tou-te-s, qui lutte pour faire évoluer l’expression chez les institutions de la République française, y expliquait pourquoi il n’était pas correct d’utiliser “droits de l’Homme” pour désigner les droits humains. Cette formulation reprend en effet l’expression de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, alors que celle-ci “ne s’appliquait pas aux femmes”, mais spécifiquement aux personnes de genre masculin.
Or, ce que l’on appelle aujourd’hui “droits de l’Homme” se réfère à la Déclaration universelle de 1948, laquelle, dès le préambule, érige “la protection contre la discrimination de genre au rang de droit universel”. Les autres pays ont bien parlé de “droits humains” – “human rights” pour la langue anglaise ou “derechos humanos” pour l’espagnol – dans cette nouvelle déclaration, seule la France a persisté et mal traduit les principes définis lors de l’élaboration du texte, qu’elle a intitulé la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) :

“La confusion entre les deux déclarations entretenue par l’emploi d’une expression identique minimise donc l’importance du droit énoncé en 1948, pourtant essentiel à l’universalité de la DUDH puisqu’il assure l’inclusion des femmes au sein de l’humanité.”

L’article en arrivait à la conclusion que le refus de changer “droits de l’homme” en “droits humains” venait également d’une envie de conserver “le prestige de la valeur générique” au genre masculin.

Derrière le langage, la pensée

La romancière et militante féministe Benoîte Groult a longtemps dénoncé le sexisme d’un usage de la langue française privilégiant les hommes, et faisant des femmes une condition inférieure. Ainsi, elle écrivait en 1989, dans un article publié dans la revue Après-demain et intitulé “Cachez ce féminin que je ne saurais voir…” :

“On dit ‘les adultes des deux sexes…, les citoyennes et les citoyens…, les hommes et les femmes de ce pays…, les électeurs et les électrices…’, preuve que le mot ‘homme’ ou ‘Français’, comme bien d’autres termes dits génériques, sont pour le moins ambigus et ne recouvrent pas automatiquement l’ensemble des femmes. […] Nous serions […] bien inspirés, 200 ans après la Déclaration des droits de l’homme, de nous souvenir que les femmes ne sont pas des hommes et que le langage peut trahir la pensée.”

Les choses mettant du temps à bouger, changer le nom du musée de l’Homme en “musée de l’Humain” ou “musée de l’Humanité” serait donc déjà une belle évolution – à laquelle chacun et chacune peut contribuer en signant la pétition des Glorieuses.