À la rencontre de ceux qui vivent en marge

À la rencontre de ceux qui vivent en marge

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Par Tomas Statius

Publié le

Carnet de route

En 2010 et 2013, grâce au réseau, Antoine Bruy visitera de nombreuses fermes et vivra même un an sur la route en Europe, passant de fermes en fermes.

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Pour ce qui est du réseau WWOOF, un site internet répertorie toutes les annonces des fermiers qui se proposent d’accueillir des gens. À partir de là j’ai choisi certains types de fermes : j’ai commencé à m’intéresser à des éleveurs qui faisaient du bio, puis aux gens qui avaient une activité agricole et, surtout, qui élevaient sans l’intention de vendre.

Les photos du diplômé de l’école nationale des arts visuels de Bruxelles sont plus que documentaires. Flirtant avec la sphère de l’intime, elles dévoilent un mode de vie autant que des scènes que l’intéressé n’aurait pu capturer sans être pleinement en immersion. Et il ne s’en cache pas.

Quand j’arrivais dans une ferme, je ne disais pas que j’étais photographe. C’était important pour moi d’avoir un premier contact et de voir s’il y avait une alchimie avec les personnes que je désirais photographier. C’est ce qui m’intéresse dans la photo : tisser des liens avec des gens, et prendre des images que je n’aurais pas pu prendre autrement.

Antoine Bruy : Je voulais photographier l’autosuffisance, pas l’autarcie !

Et face à ces populations, c’est un sujet particulier que la natif de Lille voulait traiter, et tout un tas de fils philosophiques qu’il voulait tirer : comment peut-on vivre à l’écart des villes et de leurs fracas ? Quelles sont les raisons et la nature de cet exil ? De quoi est-il fait et comment ces populations parviennent à survivre à l’écart de tout, dans des territoires qui semblent hostiles pour le commun des “citadins” ? Autant de questions qu’Antoine Bruy a éprouvées au contact des fermiers qu’il a rencontrés. 

Aucune personne n’était complètement exilée, ne serait-ce parce qu’ils accueillaient des Woofer… La thématique que j’aborde dans cette série reste celle l’autosuffisance, et pas de l’autarcie. Pour ce qui est de l’exil en tant que tel, les situations étaient assez disparates : certains avaient fait des choix extrêmes – pas de machines, pas de pétrole – mais la plupart possédait des ordinateurs, des portables. De manière générale, cet exil était fait pour des raisons militantes.

Il y a un lien évident entre les deux séries, ne serait-ce en termes d’architecture. J’ai essayé de montrer dans les deux cas comment ces gens sont acteurs de leur propre habitat. Je trouvais que c’était une manière intéressante de poser la question de leur survie. On appelle ça de l’autoconstruction. Et dans le cas des roms, j’ai trouvé ce “biais” intéressant pour sortir d’une description misérabiliste de cette population.