Test : Devil May Cry 5, un défouloir aux proportions dantesques

Test : Devil May Cry 5, un défouloir aux proportions dantesques

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Par Pierre Bazin

Publié le

La suite tant attendue des plus grands chasseurs de démons est fidèle à ses origines et sublime le genre du hack'n'slash.

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Cela faisait onze longues années que les fans de la franchise Devil May Cry (DmC pour les intimes) attendaient la suite des aventures de Dante, le légendaire chasseur de démons et de toute la bande qui l’accompagne, dont Nero, Vergil ou encore Lady et Trish.

Si l’épisode uchronique et non-canon DmC : Devil May Cry (2013) avait permis de rendre l’attente un peu plus supportable pour les aficionados de la série d’Hideki Kamiya, il était grand temps que l’aventure se poursuive. Il aura fallu patienter jusqu’à l’E3 2018 pour que les espoirs se concrétisent enfin.

On appréciera d’ailleurs l’annonce d’un jeu moins d’un an avant sa sortie, une formule marketing de plus en plus adoptée par les studios et éditeurs nippons.

Pour ceux qui ne connaissent rien de la saga Devil May Cry, il s’agit d’un hack and slash (version épéiste du beat ’em all), soit un gros jeu de bourrin, principalement linéaire, mais dans lequel toute l’extase vient du fait d’enchaîner librement les combos et les actions spectaculaires, tout en essayant d’optimiser un highscore.

L’histoire de la franchise est pleine de hauts et de bas, passant de titres mythiques (comme le premier du nom) à des volets plus bâclés (comme le deuxième épisode), mais l’esprit de la série a eu des constantes phares, notamment celle de nous permettre de défoncer du démon toujours plus immonde et gros, avec des armes toujours plus folles et nombreuses.

Que les néophytes se rassurent : ce jeu (et a fortiori ce test) a été aussi pensé pour vous. Quoi de plus normal quand on sait que certains joueurs n’étaient même pas nés lors de la sortie du quatrième opus…

De l’élégance dans la violence

Devil May Cry 5 est une vraie réussite technique et, même en 2019, ce n’est pas forcément gagné, surtout pour le genre du hack’n’slash qui peut s’avérer très brouillon par moments. Dans sa globalité, la direction artistique est une réussite, des accessoires aux personnages en passant par les armes et les décors.

On sent une vraie implication et l’envie de marquer visuellement les esprits. Mention spéciale aux démons, petits ou (très) gros, aux designs particulièrement inspirés, à quelques exceptions près, reprenant parfois des ennemis classiques de la série pour une nostalgie sublimée.

Le plus important dans un jeu aussi rapide et nerveux qu’un DmC, ce sont bien évidemment les animations de combat. Elles sont aussi une franche réussite : les effets spéciaux sont impeccables, et même si on perd quelques rares fois le fil du combat et des combos, l’ensemble est complètement fluide. Mention spéciale aux effets pyrotechniques et aux très réussies effusions de sang : ils sont le ciment du sentiment de surpuissance qu’on ressent, manette dans les mains.

Les personnages aussi ont eu le droit à un vrai rafraîchissement. Le style photoréaliste colle très bien à Nero, Dante ou encore Vergil. On y voit bien l’utilisation maîtrisée du moteur RE Engine (amélioré depuis Resident Evil VII), tandis que la synchronisation labiale et les animations de visage sont au niveau de ce qu’on attend d’une cinématique de 2019.

Gros coup de cœur pour les musiques, bien évidemment, le contraire aurait été étonnant pour la franchise DmC. Les gros riffs de métal hurlant, le rock bien crade mais aussi certaines envolées lyrico-poétiques : ce cinquième opus est la preuve que la musique n’est pas un simple accompagnement de l’action et de l’émotion dans le jeu vidéo, elle peut en être partie intégrante.

Le seul manque dans la direction artistique viendra peut-être des décors. Si les premières heures sont particulièrement agréables dans les ruines de Red Grave, le style victorien va rapidement disparaître. La faute au Qliphoth : l’arbre démoniaque qui a envahi la ville est en effet le lieu principal de l’intrigue et il faut dire qu’au bout d’une dizaine d’heures, l’architecture, bien que réussie, est très répétitive, et on se lassera des couloirs organiques et des murs faits de chair et de sang.

DmC : la recette du “bourrin malin”

Trêve de bavardage, le gameplay est évidemment la colonne vertébrale d’un hack’n’slash. Sans cela, le titre ne serait qu’un vieux beat ’em all sans saveur. Verdict : Devil May Cry 5 est un exemple de réussite. À l’ère des battle royale et des FPS/TPS, on aurait presque oublié qu’il suffit parfois d’une bonne épée pour retrouver la saveur d’un combat viscéral.

DmC5 rafraîchit tout autant qu’il magnifie le combat nerveux. Les enchaînements sont instinctifs, les mouvements sont fluides, mais, surtout, la sensation de surpuissance est un pur bonheur à la maîtrise.

Entre les épées, les armes à feu, les modes démoniaques et compagnie, vous allez prendre votre pied, même si vous pensiez être insensible à ce type de jeu. Techniquement, seul le verrouillage peut être (légèrement) capricieux, mais c’est chipoter que de le relever.

<em>Nero posé sur son Devil Trigger propulsé.</em>

Un problème récurrent dans les hack and slash, c’est la répétitivité. À la longue, taper du démon (même toujours plus gros) peut être un peu rébarbatif. Le titre de Capcom a bien sûr quelques (rares) passages un peu ennuyeux, mais la diversité de gameplays proposés semble être la solution à ce problème inhérent au genre. Dans le rythme de chaque niveau, pas vraiment de surprise : c’est tout simplement la gestion des personnages jouables et de leurs techniques qui fait varier les plaisirs.

Dans Devil May Cry 5, vous pourrez incarner, selon les missions (parfois au choix), trois personnages : Nero, Vergil et, bien entendu, le légendaire Dante. Chacun a son style particulier de combat, mais également tout un arsenal d’armes et de techniques modifiables, améliorables et personnalisables à outrance. En effet, en collectant des “démonites rouges” (ce qui arrive à peu près tout le temps), vous pourrez débloquer de nouvelles aptitudes.

  • Nero a un jeu assez nerveux et a probablement les enchaînements les plus organiques et naturels. Entre son épée Red Queen et son magnum à double canon Red Rose, vous allez prendre beaucoup de plaisir. Nouveauté de cet opus : les Devil Trigger, des avant-bras bioniques remplaçant la main perdue (volée) du jeune chasseur. Il y en a une quinzaine tous très différents, et même si certains sont un peu compliqués à comprendre, ils transmettent une sensation de haute voltige rarement égalée.
  • Dante est le plus puissant des trois. Que ce soit avec l’épée Rebellion ou son duo de .45 Ebony & Ivory, le “chasseur de démons légendaire” porte bien son nom. Pour ne pas vous divulgâcher la suite, nous en resterons là, mais de nombreuses autres armes, toutes plus jouissives les unes que les autres, vous attendent. Sans oublier la forme démoniaque de Dante, l’apothéose de la violence.
  • Enfin, Vergil a un style très particulier. Incapable de se battre lui-même du fait de sa faiblesse physique, le “jeune” homme préfère envoyer ses invocations démoniaques : Shadow la panthère ravageuse, Griffon l’aigle électrique ou encore Nightmare le golem monstrueux. Si l’ensemble marche parfaitement, Vergil semble tout de même un peu trop facile à jouer. Il suffit de rester à distance et de laisser vos monstres se battre à votre place, dommage (au moins, les beaux highscores sont faciles).

La vraie intelligence de la franchise DmC se trouve bien évidemment dans la rejouabilité. Le but n’est pas de traverser le jeu d’une traite (enfin, vous pouvez, on ne juge pas) mais de revenir sur les missions, d’optimiser son arsenal pour obtenir le meilleur highscore (de D à SSS).

Les amateurs de “platinage” (finir à 100 %) vont pouvoir s’en donner à cœur joie, car retourner sur une mission plus puissant que jamais est extrêmement agréable sans compter la dizaine de “missions secrètes” qui font ici office de mini-défis. Enfin, les habitués du genre peuvent se rassurer : le jeu est DIFFICILE, même au plus bas, en sachant qu’il y a cinq niveaux de difficulté dont le redouté “Enfer ou enfer”. Clairement, vous allez cracher du sang avant d’en faire couler.

Un ton décomplexé… peut-être un peu trop

Les fans de Devil May Cry ne seront pas dépaysés. Si l’histoire est assez bordélique, comme souvent, le fan-service est présent : “Jackpot” pour eux, comme dirait Dante. Le cinquième opus prend tout de même le temps de continuer assez correctement l’histoire pour un dénouement au sommet assez prenant. Si vous n’avez jamais touché un DmC, sachez qu’il existe un petit résumé vidéo de la série, un peu cheap mais très utile. Dans tous les cas, ne vous arrêtez pas au scénario et laissez-vous porter par ce trip sous démonite.

Les cinématiques sont nombreuses dans DmC, peut-être un peu trop, d’ailleurs. Certaines cut scenes en milieu de niveau peuvent être assez lourdes à la longue. En revanche, on sent un vrai plaisir dans la movie direction de Capcom. Si le scénario peine un peu à démarrer, il est au moins porté par des personnages absolument tous caricaturaux et hauts en couleur.

Il est possible que vous soyez un peu insensible, mais sachez que DmC, c’est avant tout la violence décomplexée. Un jeu très inspiré des blockbusters américains et hongkongais.

<em>Une scène mémorable.</em>

On accroche ou pas, mais je suis certain que vous décrocherez de nombreux sourires, si ce n’est des fous rires devant l’absurdité assumée du titre. L’histoire et ses protagonistes (que ce soit Dante, Nero, Vergil, Nicoletta, Lady, Trish ou même Morrison) ont le goût d’une délicieuse parodie. Les ego sont surdimensionnés et les héros rarement inquiets de leur puissance (big up à Dante). Pour autant, la (toute) fin de l’histoire nous délecte d’un magnifique final digne des plus grosses productions cinématographiques d’action. Michael Bay peut aller se rhabiller.

L’humour est essentiel pour aborder avec cynisme et détachement Devil May Cry sans sombrer dans la vulgarité facile. L’écriture est plutôt une réussite. Le seul vrai point noir de ce tableau grand-guignolesque est le traitement réservé aux personnages féminins. Absentes de l’action, les femmes sont réduites encore une fois à l’assistance des trois personnages masculins.

Si Nicoletta, dans son rôle d’armurière et de conductrice badass, arrive à élever un peu le niveau par son énergie, Lady et surtout Trish sont restées au stade de belles poupées de cire. Carton jaune pour Capcom : la parodie décomplexée ne rime pas forcément avec sexisme.

Résultat : B+

Devil May Cry 5 comble toutes les attentes des fans, et même un peu plus. Avec son style sauvage et accrocheur, il n’oublie pas de séduire les néophytes de la série et du genre. Les sentiments de violence gore et gratuite sont assumés avec un ton léger et un gameplay magnifié, le tout enrobé dans de belles inspirations artistiques.

Ce qui est cool :

  • La violence du gameplay, quasi jamais brouillon, toujours jouissif ;
  • La variété entre les personnages et l’arsenal personnalisables ;
  • Une direction artistique servie par une technique irréprochable ;
  • L’humour décomplexé et le fait de retrouver nos personnages préférés de la saga ;
  • La rejouabilité totale : on y retourne sans problème pour faire le meilleur highscore ;
  • La MUSIQUE.

Ce qui est moins cool :

  • Le gameplay de Vergil, pas très intéressant et trop facile ;
  • Quelques mécaniques légèrement brouillonnes (de certains Devil Trigger par exemple) ;
  • Un peu trop de cut scenes en milieu de niveau (mais certaines sont juste parfaites) ;
  • Une histoire un peu expédiée qui peut agacer certains joueurs peu sensibles au ton de la série ;
  • Le traitement des personnages féminins, complètement archaïque.