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Woody Allen en dix scènes cultes

Woody Allen en dix scènes cultes

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Par Constance Bloch

Publié le

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Entre comiques de situations et moments dramatiques, la caméra semble disséquer son héroïne, parfois cruelle, parfois empathique, souvent magnifique. En toile de fond, on retrouve une satire sociale, peut-être un peu caricaturale. Malgré une photographie qui déçoit, Woody Allen nous livre l’un de ses plus beaux portraits de femme. Au sommet de son art, Cate Blanchett rivalise avec la Gena Rowlands d’Une Autre Femme. Elle pourrait bien rafler un deuxième oscar.
Pour célébrer le retour en force de Woody Allen, qui réalise presque un film par an depuis 40 ans, voici une sélection de dix scènes de ses films emblématiques, qui nous permettent de dresser le portrait de ce réalisateur de génie.

Allan Stewart Könisgberg

Celui dont les parents voulaient qu’il soit pharmacien a vite déjoué ces plans d’avenir. Allan Stewart Könisgberg, cancre invétéré, quitte assez tôt les bancs de l’école et révèle très vite ses talents, ailleurs. Dès l’âge de 16 ans, il gagne mieux sa vie que ses parents en vendant aux journaux des blagues qu’il a écrites à la sortie des cours. C’est pour échapper aux moqueries de ses camarades qu’il décide de prendre le pseudonyme de Woody Allen. Rapidement, radios, journaux et émissions de télé s’intéressent à ce gamin de Brooklyn à la plume aiguisée.
A cette époque, il écrit pour le mythique Sid Caesar Show. Les agents Jack Rollins et Charles H. Joffe le prennent sous leurs ailes et l’encouragent alors à monter sur scène. Malgré des débuts difficiles et une timidité maladive, il arrive à imposer son style particulier. Bientôt, l’usine à blague est repérée au Blue Angels par le New York Times, qui fait un premier portrait élogieux du surdoué. Dès lors, toute la ville s’y précipite pour découvrir ce nouveau comique.
Parmi les personnalités qui vont l’écouter se trouve le producteur Charles K. Feldman qui, en 1965, lui propose 20 000 dollars pour écrire le scénario de la comédie What’s New, Pussycat ?. Comme un nouveau challenge, Woody Allen se prête à l’exercice. Mais il déchante rapidement en voyant son histoire abîmée par le contrôle des studios. Traumatisé, il se promet de ne plus jamais perdre la main sur ses créations.
Animé par l’unique ambition de faire rire, il réalise une série de films loufoques, très inspirés des Marx Brothers et de Bob Hope : Prends l’oseille et tire-toi !(1969), Bananas (1971), Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexsans jamais oser le demander (1972) ou encore Woody et les Robots (1973). 

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Prends l’oseille et tire-toi ! – 1969

Sa femme de l’époque, Louise Lasser, actrice dans Bananas, raconte que la veille de son premier tournage, Woody Allen lisait anxieusement un livre intitulé « Comment réaliser un film ».

Le grand tournant

Sa rencontre avec l’actrice Diane Keaton, castée pour sa pièce de théâtre Play it again, Sam, est déterminante. Jusqu’en 1975 et Guerre et Amour, il cherche principalement à amuser les spectateurs. Avec Annie Hall, il s’essaie à un nouveau genre et décide de “sacrifier quelques éclats de rire pour se concentrer sur les êtres humains“.Et sur une histoire d’amour.
Woody Allen surprend par sa maturité et marque à tout jamais l’histoire de la comédie. Encensé par la critique et couronné par quatre Oscars, il offre à Diane Keaton l’un des plus beaux rôles de sa vie.

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Annie Hall – 1977

Pour ce film, il travaille pour la première fois avec « le prince des ténèbres », le chef opérateur Gordon Willis, réputé pour son extrême sérieux et connu pour son travail sur Le Parrain. Cette étrange collaboration permet à Woody Allen d’étoffer son travail de réalisation. C’est d’ailleurs à Gordon Willis que l’on doit l’image du chef-d’œuvre en noir et blanc Manhattan, film grâce auquel le monde tombe sous le charme de Woody Allen. Le buzz est énorme, les queues des cinémas sans fin et les récompenses pleuvent.
Pourtant, Woody Allen déteste le film et propose même aux studios de réaliser son prochain long-métrage gratuitement s’ils ne sortent pas Manhattan. Heureusement pour nous, les producteurs n’acceptent pas son offre.  Le réalisateur amorce une nouvelle phase de son œuvre, dans laquelle il révèle la diversité et la profondeur de son talent.

L’anti-star

Dans l’hilarant faux documentaire Zelig sur un homme caméléon, Woody Allen se transforme tantôt en chinois, rabbin, nazi, obèse ou noir. A travers ce personnage qui devient vite une bête de foire, il explore le lien entre identité et célébrité, déjà abordé dans son échec commercial et pourtant sa réalisation préférée, Stardust Memories (1980), inspirée par 8 et ½ de Fellini.
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Zelig – 1983

Celui qui a vu sa vie disséquée dans les journaux a gardé, pendant toute sa carrière, une grande distance vis à vis de la célébrité. Woody Allen déteste faire la promotion de ses films, ne va à Cannes que parce que sa femme aime cette ville et apprend même qu’il a gagné un Oscar en ouvrant le New York Times le lendemain (pour Annie Hall).
C’est notamment au moment où éclate au grand jour sa relation avec la fille adoptive de Mia Farrow, sa compagne depuis douze ans, qu’il est le plus critiqué. Il s’étonne alors naïvement de sa propre célébrité tandis que cette histoire fait les choux gras de la presse internationale.
Malgré cela, toujours très distant avec ce qui est écrit sur lui (il ne lit jamais les critiques de ses films), il ne manquera jamais un rendez-vous professionnel et continuera ses tournages comme un métronome.

Entre rêves et réalité

Dans les années 30, une jeune femme (Mia Farrow) à la vie misérable trouve une échappatoire dans les films qu’elle va voir au cinéma. Alors qu’elle voit un film pour la cinquième fois, le personnage principal, touché par sa beauté et sa détresse, sort de l’écran pour la rejoindre. Elle va devoir choisir entre rêve et réalité, comme nous sommes finalement tous amenés à le faire.
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La Rose pourpre du Caire – 1985

Comme le montre La Rose Pourpre du Caire (1985), le cinéma est un moyen de fuir la routine de la vie quotidienne et pour Woody Allen, c’est une façon depuis son plus jeune âge d’échapper à son obsédante peur de la mort. Ses parents racontent que le jeune Allan était un garçon très joyeux et qu’il s’assombrit à l’âge de cinq ans.
Woody Allen explique aujourd’hui que c’est à cet âge qu’il a prit conscience de sa propre mortalité. A l’image de l’héroïne du film, on peut être maltraité par son mari et subir la crise de plein fouet, mais danser avec Fred Astaire et Ginger Rogers au son de Cheek To Cheek dans Top Hat.

Woody sous influences

Aux débuts des années 80, Woody Allen rencontre celle qui va devenir sa muse et compagne pendant de longues années, Mia Farrow. L’actrice de Rosemary’s Baby, ancienne femme de Frank Sinatra, se révèle devant la caméra de Woody Allen.
Il écrit pour elle une multitude de rôles, parfois aux antipodes de ceux que l’on pouvait attendre : on la découvre en psychanalyste tendre dans Zelig, en femme délurée de gangster dans Broadway Danny Rose ou encore en écrivaine névrosée dans Hannah et ses sœurs.
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Hannah et ses sœurs – 1989

Dans ce drame familial, Woody Allen continue ce que l’on a appelé sa période Bergmanienne, amorcée avec Interieurs en 1978. Le cinéaste, qui n’a jamais caché son admiration absolue pour Ingmar Bergman, avoue qu’après avoir visionné Un été avec Monica, Le septième sceau ou Les fraises sauvages, il s’est demandé à quoi bon faire du cinéma, quand tout à été déjà dit par ce maître.
Si Guerre et Amour montrait déjà cette influence mélangée à celle des Marx Brothers, September (1987) ou Maris et Femmes (1992) sont des films beaucoup plus noirs et dramatiques. Encore une fois Woody Allen démontre qu’il est capable de réaliser ses envies sans jamais tomber dans la copie.
Dans Hannah et ses sœurs, le réalisateur illustre aussi sa capacité à peindre des portraits de femmes extrêmement puissants et touchants. Il raconte d’ailleurs que c’est sa rencontre avec Diane Keaton qui lui a donné l’envie d’écrire sur et pour des femmes.

Une enfance à Brooklyn

Comme le petit garçon de Radio Days, Woody Allen a grandit au sein d’une famille juive à Brooklyn. Ses parents, comme ceux du héros, ne cessent de se disputer pendant son enfance. Son père a exercé toutes sortes de métiers : barman, serveur, conducteur de taxi ou responsable d’une salle de billard.
Sa mère travaille pour son oncle, qui possédait le Midwood Cinema avant de faire faillite. La famille vit en clan avec tantes, grands parents et cousins sous le même toit. Si Martin Konigsberg n’a jamais poussé le jeune Allan à poursuivre ses études, Netty, sa mère, le voit déjà à l’université.
La relation de Woody Allen avec sa sœur de huit ans sa cadette a toujours été fusionnelle. Dès leur enfance, il emmène la jeune Letty partout, et il l’entrainera jusque dans ses aventures cinématographiques puisqu’elle produit à partir de 1994 la grande majorité de ses longs-métrages. Dans Radio Days, comme dans beaucoup d’autres de ses films, Woody s’amuse des questions de religion, se revendiquant athée.
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Radio Days – 1987

Woody dans tous ses états

Si le fait que sa vie soit étalée dans les journaux pendant le tournage de Maris et femmes laisse Woody Allen – presque – indifférent, les conséquences qui vont en découler le toucheront de plein fouet.En effet, comme Harry, il se retrouve confronté à une bataille juridique sans pitié pour la garde de ses trois enfants (deux adoptés et un biologique) qui donnera la garde exclusive à Mia Farrow et l’empêchera de voir sa progéniture.
Deconstructing Harry, réalisé cinq ans après le scandale, semble faire office de psychanalyse. Il y évoque avec un humour mordant les affres du statut d’auteur, qui se fait rattraper par le personnage qu’il a créé de toutes pièces.
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Deconstructing Harry – 1997

La fiction se nourrit de la vie, et la vie renaît de la fiction. Pourtant, son entourage le considère comme un égoïste, prêt à exploiter le malheur de ses proches pour sa création artistique. On assiste, en quelque sorte, à la “déconstruction” de Woody.

Accords et désaccords de Jazz

Emmet Ray est le deuxième meilleur guitariste de jazz au monde après Django Reinhardt. Voilà le pitch de ce faux documentaire qui retrace la vie de ce guitariste imaginaire, alternant entre la vie du héros et interviews de spécialistes de jazz.
Dans ce film plus que dans les autres, Woody Allen rend hommage à son premier amour : la musique et plus particulièrement le jazz.
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Accords et désaccords – 1999

Celui qui aurait préféré être clarinettiste plutôt que réalisateur commence à jouer à quinze ans en voulant imiter son idole Sydney Bechet, mais il se rend très vite compte que ce rêve ne deviendra jamais réalité. Cela ne décourage pas Woody Allen qui, encore aujourd’hui, ne se sépare jamais de sa clarinette, même lors des tournages.  A 77 ans, il continue de se produire dans des bars et des clubs de jazz comme le Carlyle à New York.
La musique dans ses films a toujours eu une place de choix, à l’image des mélodies de Gershwin dans Manhattan, qui deviennent presque des personnages à part entière. Par ailleurs, sa sensibilité musicale, acquise dès son plus jeune âge, contribue sans doute à son grand sens du rythme et du timing, notamment dans ses comédies.

Une confiance presque aveugle en ses acteurs

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Hollywood Ending – 2001

Dans ce film assez méconnu, un réalisateur devient aveugle (pour des raisons psychosomatiques) le premier jour du tournage de son long-métrage qui doit marquer son retour après des années de désert artistique. Il est donc obligé de réaliser le film dans le brouillard absolu et ne peut pas diriger correctement ses acteurs.
Woody Allen entretient une relation particulière avec les comédiens, n’hésitant pas à en changer en cours de tournage comme dans La Rose pourpre du Caire, commencé avec Michael Keaton ou plus radicalement encore, comme dans September, tourné deux fois intégralement avec un casting différent. En ce qui concerne les rôles secondaires, Woody Allen rencontre rarement les comédiens ou alors très brièvement.
Pour les rôles principaux il choisit les interprètes avec minutie. Les acteurs reçoivent le scénario en mains propres et n’ont que quelques heures pour le lire. Une lettre du réalisateur l’accompagne toujours indiquant son désir de travailler avec eux et la liberté qu’il compte leur octroyer, notamment lorsqu’il s’agit de changer des répliques.
Parmi tous ceux qui ont collaboré avec lui, beaucoup s’accordent à dire que sa direction d’acteur est un mélange d’extrême confiance et de savant aiguillage. Pour Accords et Désaccords, Sean Penn a suivi des cours de guitare pendant six mois mais ce n’est que le premier jour du tournage qu’il a pu montrer à Woody Allen sa capacité à interpréter le personnage, et voir s’il allait donc convenir pour le rôle.

La période européenne

A la fin des années 90, Woody Allen ne connaît pas de grands succès et cela jusqu’au début des années 2000. Le charme de la comédie musicale Tout le monde dit I Love You, l’humour décalé d’Escrocs mais pas trop, jusqu’au plus faible Melinda Melinda ne convainquent pas le public et beaucoup prédisent sa fin.
C’est alors que le maître des rebondissements revient en force en 2005 avec Match Point, un thriller hypnotique mettant en scène Scarlett Johansson et Jonathan Rhys-Meyer. Le réalisateur qui longtemps n’a tourné qu’à New-York – dont il a filmé chaque coin de rue – choisit Londres comme cadre à cette histoire.
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Match Point – 2005

C’est le début de sa période européenne. Il continue en Angleterre avec Scoop et Le Rêve de Cassandre, en Espagne avec Vicky Cristina Barcelona, à Paris pour Midnight in Paris et en Italie pour To Rome With Love. Ces capitales semblent lui insuffler une nouvelle inspiration. La ville lumière, avec Midnight in Paris, lui permet d’obtenir son plus gros succès commercial mondial.
Aujourd’hui, âgé de 77 ans, on aimerait que celui qui disait avoir des idées à l’infini pour faire des films et dont on attend chaque année le nouvel opus avec impatience vive encore très longtemps. Heureusement, ses parents sont morts à 96 et 100 ans. Espérons que Woody Allen a hérité de leurs gènes.