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White God, un film qui a les crocs

White God, un film qui a les crocs

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Par Constance Bloch

Publié le

Destins croisés

Lili, interprétée par la remarquable Zsofia Psotta, est une jeune fille solitaire de 13 ans qui entretient une relation très forte avec son chien Hagen. Ballotée entre ses parents divorcés, elle trouve en lui un ami indéfectible. Lorsque sa mère avec qui elle vit part en vacances avec son nouveau compagnon, Lili et Hagen sont confiés au père. Après une nuit à supporter les aboiements et la visite d’une voisine qui menace de dénoncer la présence du chien bâtard dans l’appartement, il décide d’abandonner Hagen sur le bord de la route malgré les suppliques de sa fille en pleurs.
Notre duo de héros inséparables est désormais brisé, et Hagen doit survivre dans un environnement qui lui est hostile. Après s’être serré les coudes pendant un temps avec une bande d’autres chiens abandonnés, il se retrouve pris au piège entre de mauvaises mains.
Si jusqu’alors la cruauté de l’homme envers son ancien meilleur ami sous-tendait, elle ressort soudainement avec violence, et le gentil toutou domestique est injecté dans le circuit des combats d’animaux dressés pour tuer par des hommes sans scrupules.

La nature de notre fidèle héros au cœur pur vient donc d’être changée par la main de l’homme, le “Dieu blanc” (car pour le chien, son maître est un Dieu). Il a désormais soif de vengeance.
Pendant ce temps-là, Lili, sa maîtresse, le cherche sans relâche. En parallèle de cette quête, Kornél Mundruczo filme avec justesse sa relation adolescente compliquée avec un père largué, et ses cours de trompette dans un orchestre mené par un professeur à la discipline martiale, à laquelle la jeune fille a bien du mal à se soumettre.

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Une véritable expérience de cinéma

Une critique politique et sociale

Mais sous ses airs d’épopée canine, White God est avant tout une critique politique et sociale intemporelle. Comment ne pas voir dans la catégorisation de “race pure” et de “bâtards” un parallèle avec le nazisme entraîné par une haine de l’autre, le racisme et la xénophobie ?
Car depuis quelques années, la Hongrie connaît une montée de l’extrême droite très inquiétante, ce qui a bien entendu beaucoup influencé Kornél Mundruczo. Il raconte :

Le film est la critique d’une Hongrie dans laquelle une mince couche de la société dirige une grande part de la population. C’est également de plus en plus le cas en Europe. Un petit groupe issu de l’élite se réserve le droit de régner pendant que les politiciens, comme dans un programme de télé-réalité politique, passent pour des vedettes à qui nous accordons nos votes à tour de rôle. Ces tendances sont très dangereuses. Si nous n’y prenons pas garde, un jour les masses se soulèveront.

Les chiens comme métaphores d’hommes opprimés, une façon pour le réalisateur d’aborder le thème de la montée du racisme en Europe de l’Est d’une façon différente et surtout plus libre. “Je voulais aborder le sujet en toute liberté, avec le moins d’entraves et de tabous possible. Il est toujours difficile de trouver le moyen de décrire des vérités intemporelles de façon originale“, confiait Kornél Mundruczo.

Le pari (ambitieux) de White God est largement réussi. Après visionnage, le film laisse un sentiment de grandeur et de trouble astucieusement construit par le réalisateur. En sortant des sentiers battus, il parvient à provoquer des émotions et des réflexions que l’on aurait même pas soupçonnées en rentrant dans la salle de cinéma. Et il signe un long métrage magistral qui a du chien.