De Lincoln à Warhol, les troubles psychiques des grandes figures de l’histoire

De Lincoln à Warhol, les troubles psychiques des grandes figures de l’histoire

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Par Alexandra Phanor-Faury

Publié le

Andy Warhol, Marilyn Monroe, Abraham Lincoln… Ces figures historiques qui souffraient de troubles mentaux font l’objet d’un livre qui prouve que cela n’empêche pas d’accomplir de grands exploits.

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Les préjugés sont sans doute l’un des plus grands obstacles à la détection et au traitement des troubles psychiques. Les personnes souffrant de troubles mentaux sont souvent tous mis dans le même sac et représentées comme des individus violents, faibles, fainéants… Il est donc essentiel que certaines personnes consacrent leur temps et leur énergie à la lutte contre ces idées reçues.

C’est le cas de la journaliste scientifique Claudia Kalb qui a passé des années à tenter de démonter les stéréotypes qui collent à la peau des personnes souffrant de maladie mentale.

Le 24 mai dernier, Claudia Kalb a donné une conférence à la New York Public Library pour parler de son dernier bouquin, Andy Warhol Was a Hoarder: Inside the Minds of History’s Great Personalities (“Andy Warhol était un entasseur compulsif : dans la tête des grandes personnalités de l’histoire”). Cette biographie scientifique prouve qu’il n’existe pas un profil type.

L’ouvrage de Claudia Kalb plonge dans la vie de 12 figures historiques notables et permet de se familiariser avec les comportements et les habitudes peu habituelles de Marilyn Monroe, Andy Warhol, Frank Lloyd Wright, la princesse Diana et d’autres personnalités de renom. Ce livre peut aider à créer un dialogue sur la santé mentale et donne un aperçu de l’évolution de la détection des troubles psychologiques au fil des siècles.

Comme mai est le mois de la sensibilisation à la maladie mentale aux États-Unis, nous avons parlé avec Claudia Kalb de son bouquin et de la bataille constante contre les préjugés.

La méthode de travail de l’auteure a tout particulièrement retenu notre attention : comment une personne peut-elle affirmer qu’une icône comme Warhol était accro au shopping et accumulait des objets, comme des coupe-ongles ? Ou que Charles Darwin souffrait d’anxiété sévère ? Claudia Kalb a trouvé beaucoup d’infos dans des vieux journaux, des lettres, des rapports médicaux publiés et des autobiographies. Elle a aussi interrogé de nombreux experts et des pionniers dans le domaine de la santé mentale :

“J’ai dressé le portrait de deux genres de figures historiques : ceux qui ont rendu leur maladie publique et ceux qui ont été diagnostiqués rétrospectivement par des spécialistes. La princesse Diana, par exemple, a parlé de sa lutte contre la boulimie, en expliquant à un journaliste de la BBC que se goinfrer lui apportait une forme de réconfort : ‘C’est comme avoir deux bras autour de soi.'”

Dans le cas de Howard Hughes, qui a souffert de TOC [trouble obsessionnel compulsif, ndlr], j’ai interrogé un certain nombre d’experts dans le domaine, dont le docteur Jeffrey Schwartz de l’UCLA [Université de Californie à Los Angeles], qui a étudié la maladie de Hughes et a même expliqué à Leonardo DiCaprio, qui a joué Hughes dans le film Aviator, les caractéristiques du TOC.”

Claudia Kalb souligne bien que ses trouvailles ne sont pas des diagnostics mais plutôt des “hypothèses mises en avant par des spécialistes“. Sa démarche est honnête, et elle précise très clairement quand des doutes subsistent sur la maladie d’un sujet. De plus, elle n’hésite pas à se demander si les exploits de ces individus ont été nourris par leur maladie mentale.

“C’est impossible à savoir, mais c’est intéressant de se poser la question. Dans certains cas, on peut argumenter que certaines caractéristiques comportementales semblent contribuer à leur grandeur. La capacité d’Einstein à se plonger intensément dans ses pensées, par exemple, peut être rebutante pour son entourage, mais ça lui a aussi permis de se concentrer et, en fin de compte, de produire des théories incroyables.”

L’auteure est contente que son livre ait encouragé des personnes souffrant de troubles mentaux à partager leur histoire. Des lecteurs l’ont contactée pour lui dire qu’elle les avaient beaucoup inspirés car son livre prouve que la maladie n’empêche pas d’avoir une vie épanouissante et d’accomplir des exploits.

Voici quelques exemples de figures historiques ayant souffert de problèmes mentaux que Claudia Kald examine dans son ouvrage.

Marilyn Monroe

On sait tous que l’icône de Hollywood était dépressive, mais Claudia Kalb explore en profondeur les tourments de l’actrice.

Selon elle, elle souffrait d’un trouble de la personnalité borderline (TPB) qu’elle aurait hérité de sa mère. Le TPB affecte la capacité à gérer ses émotions. Marilyn Monroe avait constamment besoin qu’on la rassure et avait une mauvaise estime de soi, ce qui pesait sur ses relations.

Howard Hughes

À cause de son TOC, l’homme d’affaires, producteur et aviateur répétait sans arrêt certains mots et phrases. Il avait une peur excessive des microbes et il demandait à ceux qui bossaient avec lui d’utiliser des Kleenex quand ils touchaient quoi que ce soit.

Si son TOC le rongeait, les films de Howard Hugues ne se concentraient pratiquement pas sur ce problème sérieux. Son TOC était plus souvent perçu comme une excentricité.

Andy Warhol

Andy Warhol refusait de jeter quoi que ce soit. Il a incorporé ce qu’il amassait dans son art. Il a entreposé dans environ 600 boîtes en carton tout ce qu’il gardait, des vieux tickets de caisse à la croûte de ses pizzas.

Ces boîtes ont été exposées en tant qu’œuvres d’art. S’il accumulait beaucoup de bazar, il est clair, d’après ses journaux, que sa réticence à jeter quoi que ce soit était une source d’anxiété et de stress. Un jour il a écrit : “J’aimerais avoir un espace propre à la place.”

Abraham Lincoln

Les médicaments et les traitements d’aujourd’hui aident les personnes en proie à la dépression. Mais à l’époque, quand Abraham Lincoln montrait constamment des symptômes de dépression clinique, il devait souffrir en silence.

Les pensées suicidaires du seizième président des États-Unis étaient tellement fortes qu’il ne portait jamais de couteau sur lui, de peur de se faire du mal. Claudia Kalb parle de la théorie selon laquelle la dépression d’Abraham Lincoln lui permettait d’éprouver de l’empathie pour les autres, ce qui a fait de lui un meilleur président.

Frank Lloyd Wright

Le style bien distinct de l’architecte américain lui a permis d’être acclamé par la critique, et le succès lui est monté à la tête. Claudia Kalb étudie son sentiment exacerbé de confiance en soi, son assurance excessive et se demande s’il n’avait pas un trouble de la personnalité narcissique.

Cette maladie se caractérise par le besoin constant d’être admiré, une estime de soi exacerbée et un manque d’empathie, ce qui correspond bien au comportement de Frank Lloyd Wright. Son narcissisme l’a peut-être aidé à formuler une vision artistique très influente, mais a détruit ses relations personnelles car il manipulait son entourage.

Claudia Kalb souligne que la tendance de Frank Lloyd Wright à faire des déclarations grandioses et son ego surdimensionné indiquent probablement un trouble de la personnalité narcissique. Elle fait aussi une remarque pertinente en comparant le gros ego de Frank Lloyd Wrigh avec celui d’un artiste contemporain influent doté d’une estime de soi délirante, Kanye West.

Charles Darwin

Charles Darwin détaillait dans des journaux ses nombreux problèmes physiques, de maux de ventre en migraines, ce qui laisse penser que le naturaliste anglais a peut-être souffert d’anxiété tout au long de sa vie. Il avait peur de la foule, de voyager et d’être seul. Il ne quittait jamais sa maison sans sa femme.

Rétrospectivement, de nombreux experts ont diagnostiqué chez lui une agoraphobie, la peur des nouveaux environnements et espaces. Si son anxiété a fait de lui un solitaire la majeure partie de sa vie, Claudia Kalb suggère qu’elle a peut-être eu un impact positif sur son travail. Il doutait beaucoup de lui, ce qui le poussait à examiner minutieusement ses trouvailles scientifiques pour formuler des arguments solides comme du roc.

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois