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Provoc, incarnés et hilarants : trois spectacles d’humour à ne pas manquer

Provoc, incarnés et hilarants : trois spectacles d’humour à ne pas manquer

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Par Konbini

Publié le

Le stand-up francophone est plein de richesse. Petite sélection de spectacles qui nous ont fait rire et réfléchir.

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Shirley Souagnon pose les vraies questions

Avec Monsieur Shirley, l’humoriste brise les stéréotypes : elle montre qu’on peut avoir des dreads et gérer une entreprise, être jeune et ne pas avoir de smartphone, être à la fois d’origine ivoirienne et alsacienne. Elle n’hésite d’ailleurs pas à nous questionner : peut-on être féministe et macho ? Se convertir à l’islam et être homosexuelle ?

Shirley Souagnon joue avec le contraste, aborde des sujets de société essentiels et surtout parvient à nous faire rire à gorge déployée, si bien que l’heure de spectacle semble n’avoir duré que quelques minutes. Un spectacle sincère, incarné et intelligent.

Shirley Souagnon dans Monsieur Shirley, à la Nouvelle Seine les vendredis et samedis jusqu’au 28 juillet 2018.

Charles Nouveau dans un spectacle qui donne (presque) la joie de vivre

Le spectacle commence, dans le plus petit théâtre de Paris, paraît-il. Il fait chaud ce soir-là mais ça vaut la peine de rester. Charles Nouveau évoque les humoristes connus qui pavanent sur le canapé chez Drucker et qui racontent leurs débuts, leurs galères. Voilà, il dit être en train de vivre cette période-là et nous place dans sa back story. Cela n’est pas tout à fait vrai car Charles Nouveau a déjà une certaine notoriété en Suisse, son pays d’origine, notamment à la radio, à la télévision ou au Montreux Comedy Festival. Mais aussi en France où il fait notamment un passage au Jamel Comedy Club sur Canal+ en 2016. Il fait partie de cette vague d’humoristes suisses (comme Marina Rollman ou Thomas Wiesel) qui a conquis le public français en quête de fraîcheur et de nouveauté.

Il nous raconte des histoires, les siennes. Tel un conteur, il se compare d’ailleurs à Père Castor. On n’en est pas loin, c’est vrai, tellement l’écouter parler nous distrait, mais il est un poil plus provoc et plus sombre. Il l’annonce à la fin, il a parlé pendant 11 minutes du suicide. Mais le spectacle n’est pas plombant et l’on sort plutôt revigoré de l’avoir écouté déballer ses histoires de cœurs, ses réflexions sur le sexe, sur la masturbation, ses expériences dans les transports. Des anecdotes du quotidien et des questionnements métaphysiques plus profonds. En tout cas, il reconnaît son statut de privilégié : homme, blanc, hétéro, bourgeois et suisse ! Que demander de plus ? Et il énonce des comparaisons étonnantes, comme on les aime : entre un chien qui lèche les couilles de son maître et l’écologie, entre les humoristes et les SDF… pour avoir les réponses, il faudra aller le voir !

Le jeune Suisse nous propose un humour multiforme et novateur, il ne se cantonne pas à un type précis. Il y a du jeu de mots, de l’autodérision et pas mal d’humour noir ! Le débit est rapide et le propos très intelligent mais l’humoriste n’est pas – comme d’autres – une machine à punchlines. C’est plus fin, plus réfléchi et c’est encore en construction. Le spectacle évolue chaque semaine, se fabrique presque devant nous. Il est vraiment temps d’aller le voir.

Charles Nouveau se produit dans Joie de vivre jusqu’à fin juin à La Petite Loge et aura un nouveau spectacle en septembre, on a vraiment hâte !

L’humour féroce de Laura Laune, du trash et de la légèreté

Laura Laune a gagné l’émission La France a un incroyable talent, saison 12. Elle a également été au cœur récemment d’une polémique après la diffusion au JT de France 2 d’une de ses blagues à propos de la Shoah. Des téléspectateurs avaient même saisi le CSA. L’humoriste a expliqué à Voici qu’il y avait eu un “montage malheureux”. Sa réputation sulfureuse dépasse donc le cadre de ses spectacles.

Aucune allusion n’est faite à l’émission qui l’a fait connaître dans ce spectacle. Sur scène, cette petite blonde pétillante se déplace telle une fillette dont les boucles blondes sautillent sur ses épaules et dont le sourire quelque peu figé semble cacher quelque chose. Et effectivement, le décalage est énorme entre ce physique et l’humour trash qu’elle débite. Sous des traits angéliques se cache un petit diable qui ose tout. L’irrévérence et la provoc sont poussées à leur limite, peut-être trop, diront certains. Si on a l’impression que les femmes humoristes doivent se démarquer en étant le plus trash possible, Laura Laune a presque gagné. Elle commence par raconter des anecdotes de son passé de prof en Belgique, ses envies de devenir comédienne, le sexisme omniprésent… Son personnage va même jusqu’à imiter ses parents lui dire : “On serait si fiers que tu suces la bite de Michel Drucker pour réussir.”

Il est ensuite beaucoup question des attentats de Paris, de la Shoah, de l’avortement, des sujets lourds et dramatiques détournés avec un aplomb déconcertant mais comme elle le dit, pour réussir un bon spectacle, il faut toujours une petite danse après avoir dit une horreur. Alors elle s’exécute… C’est aussi un spectacle un peu méta et elle donne une autre clé d’analyse de la réussite : “Ce n’est pas parce qu’il y a une grosse queue à l’entrée que ça va être bien.” Même si ces assertions peuvent sembler un peu lourdaudes ou gratuites, l’humour de Laura Laune est surtout violent mais il y a de la poésie et de la finesse dans sa violence.

On se prend plusieurs petites claques au début du spectacle, tant ses punchlines sont inhabituellement violentes et politiquement très incorrectes. On ne sait pas si on a envie de rire ou non puis on s’habitue et on finit par être hilares à la fin. On se rend compte au fur et à mesure que tout le monde est touché, les juifs, les cathos, les musulmans, les Chinois, les girafes (liste non exhaustive qu’elle énonce à la fin).

C’est un spectacle qui n’est pas pour tout le monde. Il faut avoir le recul nécessaire pour rire à des horreurs (si bien trouvées) prononcées avec tant de légèreté. Elle a constaté des départs pendant ses spectacles et décrit une sorte de “Qui est-ce” où les spectateurs s’abaissent et se courbent petit à petit jusqu’à disparaître. “Ha ça y est, avec cette blague-là, j’ai perdu les cathos !”, énonce-t-elle à mi-parcours après avoir parlé du pape. En tout cas, nous, elle ne nous a pas perdus et on recommande vivement ce spectacle ! Victime de son succès, il est complet jusqu’à fin juin mais la jeune femme se produira en tournée en France, au festival d’Avignon puis à Paris à nouveau en décembre.

Article écrit par Camille Abbey et Lisa Miquet