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Le musée Art ludique nous fait voyager dans l’histoire des dessins animés Disney

Le musée Art ludique nous fait voyager dans l’histoire des dessins animés Disney

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Par Arthur Cios

Publié le

Dans une très belle exposition, le musée Art ludique de Paris sublime l’évolution de l’art de Disney.

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Pas besoin d’être un grand fan de Disney pour retomber en enfance devant les images d’un génie bleu se vendant auprès d’un jeune voleur d’Agrabah, de deux lionceaux chantant en malmenant un pauvre petit oiseau ou du concert de jazz d’une flopée de chat parisiens. Si ces œuvres sont présentes dans l’esprit de millions et de millions de personnes, c’est qu’elles sont les témoins d’une certaine histoire du septième art. L’influence de l’héritage de Walt Disney sur le cinéma d’animation — et sur le cinéma ou même sur l’art de manière générale— semble incontestable.

Depuis le vendredi 14 octobre et jusqu’au 5 mars 2017, une exposition a ouvert ses portes au musée Art ludique à Paris, le prouvant pour ceux qui en douteraient encore. En remontant l’histoire de la maison aux grandes oreilles à travers différents films et plus de 400 œuvres originales — en grande partie des croquis et dessins originaux —, il n’est pas très difficile de concevoir l’impact de Disney sur le monde tel qu’on le connaît.

Pour Jean-Jacques Launier, fondateur du musée et commissaire d’exposition pour l’occasion, cette conception des travaux des studios Disney comme art en tant que tel “est bien trop récente” et encore contestée dans le milieu. Pour lui, c’est bien tout l’intérêt de retracer le temps d’une exposition toutes les innovations — tant techniques que narratives et artistiques — qu’ont proposé au fil des années ceux à qui l’on doit nos longs-métrages d’animation préférés.

De l’importance du réel

Entre 1928 — date du premier court-métrage animé mettant en scène une certaine souris sur le point de devenir une superstar — et aujourd’hui, le dessin animé est passé par bien des étapes. Du muet à la musique puis au dialogue, du noir et blanc à la couleur, des traits grossiers au quasi-photoréalisme… Il finira par connaître la préparation de scènes avec des maquettes et l’incorporation, dès 1991, de la 3D avec la Belle et la Bête ou Zootopie. Et à chaque fois, c’est Disney qu’il faut remercier.

Ce qui est impressionnant, c’est le souci de réalisme omniprésent, et ce dès le début. Déjà dans Blanche-Neige, le premier long-métrage sorti en 1937, dans lequel le protagoniste principal détonne par rapport aux nains et à la sorcière, plus caricaturaux. Pour Fantasia, les animateurs allaient jusqu’à faire des expériences en studio pour reproduire au mieux certaines scènes, parfois franchement anecdotiques — comme l’apparition de bulles de laves qui éclatent lors de la création de la Terre.

Bambi généralisa une esthétique basée sur le réel : des sessions de dessin avec de véritables faons étaient organisées dans les bureaux des dessinateurs. Sur ce film, les animateurs allèrent jusqu’à étudier en détail l’anatomie et la structure squelettique des animaux pour représenter au mieux le petit protagoniste dans ses péripéties. Une méthode qui durera, puisque le grand Glen Keane l’utilisera dans une forêt ougandaise pour dessiner les gorilles sauvages de Tarzan.

Pour ce dernier, l’animateur s’est inspiré de skateurs parisiens pour les mouvements de pieds du héros. De même, bloqué par la technologie de l’époque, Keane a eu l’idée de l’apparence des cheveux d’Ariel (La Petite Sirène) après avoir vu une capitaine d’équipe de spationautes en apesanteur à la télévision  : ses cheveux ne formaient qu’un tout, ondulant lentement. Bref, vous avez compris l’idée, le réel est au cœur du processus créatif des studios Disney.

Petit court d’histoire de l’art

Ce retour sur l’histoire de la filmographie de Disney donne également à voir l’importance des mouvements artistiques sur l’esthétique de ses dessins animés. Dans Fantasia, on effleurait déjà l’abstrait avec une audace certaine (le long-métrage est sorti en 1940, en même temps que Pinocchio). Mais c’est dans Dumbo, avec cette scène de rêverie proche du mouvement du surréalisme, que l’on touche du doigt quelque chose qui gagnera en importance dans les années 1950-1960.

Alice au pays des merveilles explore également — et avec génie — ce même mouvement, sous l’impulsion d’une artiste qui marquera une génération entière de dessinateurs : Mary Blair. Un coup d’œil aux concept arts présentés au musée permet de comprendre l’importance de tout cela. Et si ce film est l’un des mieux représentés de l’exposition, c’est absolument logique pour Jean-Jacques Launier, qui y voit l’un des projets les plus importants de Walt Disney.

“Alice, c’est l’obsession de Walt Disney. Dans les années 1920, il avait déjà sorti les Alice Comedies, de fameux petits films d’animation, les tout premiers de Walt Disney dans ses tout premiers studios. C’est une petite fille en live dans un monde de dessin animé. Alice c’est son idée, c’est son truc et il a vraiment voulu en faire quelque chose de singulier.

Dans les années 1950, tout change : le design, les voitures, et ça se voit sur ses concept art. Le travail de Mary Blair est hallucinant. Malgré la normalisation des traits, les décors ou même la différence entre le réalisme d’Alice et le côté cartoon de la reine, c’est déjà quelque chose de barré. Pour l’époque, c’est expérimentalement fou. C’est le but de l’expo : montrer à quel point, pour l’époque, tout cela est révolutionnaire.”

C’est ensuite au cubisme de s’inviter chez Disney. Abordé en petites touches dans Alice au pays des merveilles puis dans La Belle au bois dormant, il atteint son paroxysme avec Les 101 dalmatiens en 1961. En somme, les concept art permettent de comprendre un peu mieux l’impact et l’influence des grands mouvements artistiques sur les films Disney.

De la petite souris aux mastodontes d’aujourd’hui

Parmi les 6 millions de pièces que l’on peut trouver aux archives, Jean-Jacques Launier et son équipe n’en ont sélectionné que 400. Et dans la petite centaine de longs-métrages du catalogue Disney, on ne retrouve “que” 23 films. “Les plus importants […], ceux qui marquent un tournant particulier“, selon ce dernier, qui admet que le choix n’a pas été facile. Pas d’Aristochats ou d’Aladdin, donc.

On notera néanmoins que la fin de l’exposition est consacrée aux films plus récents : on retrouve ainsi l’intégralité d’entre eux, de Raiponce à Vaiana — qui s’apprête à prendre d’assaut les salles obscures dans quelques mois. Une belle et astucieuse manière de montrer l’héritage des dessins animés plus anciens sur ceux qui sont sortis récemment.

“J’avais envie de montrer l’héritage et, malgré ça, le fait que les nouveaux dessinateurs ne sont pas forcément allés sur les terrains où on les attendait. Disney n’est pas resté collé aux princesses, mais a développé des personnages de robot, des dessins animés sur les jeux vidéos, de nouveaux animaux… L’expo présente certaines pièces géniales, comme cette maquette en bonbons pour Les Mondes de Ralph, dont même les gens des archives ignoraient l’existence.”

Ainsi, les dessins, tous plus beaux les uns que les autres, sont une véritable exclusivité pour le musée — et une certaine aubaine. Et sont tout autant de raisons pour les fans de se ruer pour voir cette exposition exceptionnelle et sublime.