AccueilArchive

Imakegirls, les filles rondes, carrées et lookées de l’illustratrice Audrey Brown

Imakegirls, les filles rondes, carrées et lookées de l’illustratrice Audrey Brown

avatar

Par mcimino

Publié le

Audrey Brown est la jeune illustratrice de 25 ans qui se cache derrière le projet Imakegirls. Pas d’ambiguïté avec un nom de projet pareil, elle dessine des filles. Uniquement des filles, décuplées dans une palette de tenues variées.

À voir aussi sur Konbini

Pour planter rapidement le décor, elle habite entre Saint Louis et Chicago. Pendant un voyage en voiture, les vitres embuées par le froid et la neige, Audrey Brown a pris le temps de répondre à notre interview.

Audrey Brown découvre le dessin lorsqu’elle part habiter un temps chez sa grand-mère avec sa mère et sa sœur. Pour couvrir les murs nus de sa chambre, elle habille les silhouettes de son carnet à croquis de mode.

“Je pense qu’une des raisons pour lesquelles mes filles sont très similaires, c’est parce que j’ai commencé à dessiner des filles en étudiant les croquis de mode. Je pratique énormément et dessiner cette forme encore et encore était une habitude que j’ai gardée depuis cette époque. Après, la forme a évolué avec le temps et mes préférences. La répétition et l’esquisse rapide m’aident aussi à canaliser mon anxiété.”

La femme d’Audrey Brown est toujours sur fond blanc. Un trait fin et libre dessine la même silhouette ronde en apesanteur. Fréquemment seins nus, voire carrément nue. Elle a souvent les cheveux noirs, et parfois un air sévère ou renfrogné. Mais pourtant le sentiment de répétition n’existe pas dans ses dessins.

Par le biais de la mode et de ses motifs, Audrey Brown ne lasse jamais. Robe, pantalon, chaussures à talons, T-shirt, les filles de ImakeGirls ont du style. Et l’atout majeur de l’illustratrice, c’est qu’elle sait manier le motif qu’elle fait varier à l’infini. Il est précis et toujours dans la tendance : en transparence, animal, fruitier, camo, à rayures, à pois, subtil ou au contraire puissant…

Audrey Brown tombe toujours juste et on lui découvre alors un attrait particulier pour la mode au vu du choix de ces motifs ou des coupes qu’elle dessine. C’est encore à sa grand-mère, une passionnée de vêtements et de chaussures, qu’on lui doit ce penchant.

Bien qu’elle ait une attirance pour le dessin automatique, les pièces que l’illustratrice préfère sont celles qui lui prennent du temps. Elle commence toujours pas choisir la gamme de couleurs avec laquelle elle va travailler, puis la technique : pastels, feutres, crayons, peinture. Puis elle ouvre les nombreux livres qui occupent son appartement.

Sa dernière inspiration ? “Un livre de David Hockney aux motifs obsédants, j’ai eu besoin d’exprimer comment je me sentais par rapport à eux.” L’artiste américain aux multiples casquettes n’a pas fini d’inspirer toute une génération de nouveaux talents avec ses couleurs et ses motifs entêtants. Un des dessins préférés d’Audrey Brown, “David’s chair”, en est l’exemple parfait. Cette fois-ci un fauteuil s’est glissé sur la feuille A4 recouverte d’un motif assorti à la culotte de la fille du jour.

Quand on la questionne sur ses autres inspirations, Audrey Brown cite un flot de peintres et d’illustrateurs, dont on reconnaît les influences d’un dessin à l’autre. Matisse, Oscar Gronner, Nyssa Sharp de Solar Sisters, Caitlin She, Claire Milbrath ou encore Blanca Miró Skoud. Elle s’inspire aussi des femmes fortes qui ont fait l’histoire, celle avec un grand H ou non. Elle se perd aussi très souvent dans son feed Instagram qui lui ouvre une fenêtre sur la créativité contemporaine, qu’elle ne se lasse pas de regarder encore et encore.

Et puis il faut aussi revenir quelques année en arrière. Dans cette même chambre où elle accrochait ses premiers dessins. Elle y dessine alors aussi compulsivement des maisons et ses voisins. Lui vient alors au début l’envie d’être à la fois styliste et architecte. Normal. Elle fera une année d’étude de mode avant de se rendre compte que finalement ce n’est pas son truc. Pas de cette façon.

En souvenir du temps où elle voulait être architecte, elle se passionne aujourd’hui pour les intérieurs et plus particulièrement les cuisines. Elle veut tout connaître sur les différentes cultures, leur façon de cuisiner et d’agencer leur cuisine.

Le corps sans tabou 

En 2016, elle commence enfin à se faire connaître en France. On la retrouve dans le fanzine Nowow qui rassemble des illustrateurs de talents. Elle aime aussi les projets qui rendent l’art plus accessible comme Got It For Cheap, qui propose des dessins avec un format et un prix unique, et qui était de passage à Paris il y a peu.

Cet été, elle illustrait un podcast autour des nouveaux féminismes pour France Culture. Et ce n’est pas un hasard. En effet, Audrey Brown s’inscrit dans la mouvance des illustratrices féministes. Celles qui dessinent le corps sans tabou, nu, rond, poilu, pluriforme surtout, et plus si affinités.

“J’ai commencé à changer les mensurations de mes filles au collège. Je passais beaucoup de temps sur les forums d’anime et de manga. Un jour j’ai trouvé ce dessin d’une fille avec des proportions vraiment inconnues. Elle avait les cuisses épaisses, avec de la cellulite. C’était si joli, mais il y avait beaucoup de commentaires de haine sur le forum parce que ce corps n’était pas ‘normal’. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à dessiner avec des lignes plus rondes. Ça me faisait du bien. Je ne savais pas encore que cela faisait partie du mouvement body positive.”

Cette scène féministe, particulièrement présente dans l’illustration, aide les femmes à apprécier leur corps mais aussi à apprécier les autres femmes. À ne pas les jalouser ou les déprécier, et à vivre toutes ensemble. Pour Audrey Brown, ce processus d’acceptation de son corps a pris du temps, et ce mouvement lui fait du bien à elle mais aussi aux autres.

Je n’ai jamais eu quelqu’un autour de moi qui encourageait l’amour-propre ou le féminisme ou quelque chose comme ça, quand je grandissais. J’ai souffert d’un trouble de l’alimentation lorsque j’étais plus jeune, et j’ai toujours pensé que la taille 36 était l’idéal. Mais tout cela a commencé à changer quand j’ai quitté ma ville natale.” 


Une ville natale dans une Amérique texane, puritaine, peu encline à l’ouverture, à ce qui sort des normes. Pour Audrey Brown, il est donc “tellement important que nous fassions toutes ce travail et le diffusions sur Internet”.

Les illustratrices Laure Callaghan, Polly Nor, Sara Andreasson, Frances Cannon, ou encore Cécile Dormeau en France, sont un mince aperçu de toutes ces femmes qui défendent leurs droits et montre une image non conventionnelle du corps, celui qu’on n’a pas l’habitude de voir dans les médias. Et qui fait du bien.

“Il m’a fallu beaucoup de temps pour m’accepter et m’aimer en tant que femme et même pour apprécier d’autres femmes. J’ai l’impression qu’on a appris à beaucoup d’entre nous à se rabaisser et je pense que cette communauté d’artistes féministes favorise un environnement où les jeunes femmes sont plus acceptées et acceptent mieux les autres.”

Pour suivre Imakegirls sur Instagram @imakegirls