AccueilArchive

Drive, Pusher, Bronson : les plus beaux plans des films de Nicolas Winding Refn

Drive, Pusher, Bronson : les plus beaux plans des films de Nicolas Winding Refn

avatar

Par Louis Lepron

Publié le

De Pusher à Only God Forgives, retour sur les plus belles photographies des films de Nicolas Winding Refn.

À voir aussi sur Konbini

Au fil des années, Nicolas Winding Refn a construit une marque. Autour de l’acronyme NWR, devenu aussi connu que ses films, le cinéaste danois a élaboré un cinéma visuellement fort qui n’a jamais cessé d’évoluer, de 1996 à 2016. Il suffit d’essayer de comparer la mise en scène énervée du premier opus de Pusher à celle, maniérée, d’Only God Forgives, pour s’en convaincre.

Car en vingt ans de cinéma, et il le répète à chaque interview, Nicolas Winding Renf essaye d’élaborer de nouvelles manières de raconter une histoire à travers un soin important apporté à la photographie et à la mise en scène des plans. En témoigne, au cours d’un entretien pour Mad Movies, ce qu’en dit Natasha Braier, directrice photo du nouveau film du metteur en scène danois, The Neon Demon, en salles depuis le 8 juin :

“[Nicolas] se forçait, et moi aussi par la même occasion, à s’écarter des méthodes traditionnelles de narration cinématographique. C’est vraiment excitant de travailler avec un tel réalisateur parce que cela vous force à fuir les conventions, à aller au-delà de vos idées initiales. […]

C’est ce que j’ai expérimenté avec Nicolas quasiment chaque jour de tournage. C’était un plaisir d’être propulsée en sa compagnie, de se dire à chaque fois : ‘Ok, essayons d’être encore plus barrés !’ Il préfère écouter et se prendre un mur en essayant de faire quelque chose de nouveau et d’extrême plutôt que de toujours rester dans sa zone de confort.”

De Pusher à Only God Forgives, en passant par Drive et Bronson, on a tenté de capturer les meilleurs moments de cinéma du Danois.

Pusher : caméra embarquée et froide ambiance

Commençons par Pusher. Le film raconte l’histoire de Frank et Tonny – ce dernier est incarné génialement par Mads Mikkelsen, deux petits dealer de Copenhague (Danemark), coincés entre le milieu de la drogue et les embrouilles quotidiennes : toxicos, police, prostituées et seigneurs de la coke. Rien ne va.

Dans Pusher II, Nicolas Winding Rein suit souvent son personnage de dos, pour mieux emmener le spectateur dans les tribulations de Frank. Dans le métro, bordels ou autres endroits froids parcourus, le cinéaste danois imprime des plans bruts dans la rétine du spectateur.

Si la caméra bouge lors des scènes d’actions, elle s’arrête et se pose lorsque l’acteur est en proie à la réflexion. En toute intimité, Nicolas Winding Refn produit des portraits puissants, souvent à travers des miroirs ou de dos, laissant entrevoir le tatouage “Respect” sur le crâne rasé de l’acteur Mads Mikkelsen.

Et ici, le regard marque, à travers des plans souvent de biais. Une identité visuelle, souvent rouge, que l’on retrouvera plus tard dans Only God Forgives, lorsque Ryan Gosling, nouvel acteur fétiche du cinéaste, devra faire face à son plus grand démon. En une décennie de Pusher, de 1996 à 2004, Nicolas Winding Refn devient l’un des cinéastes danois les plus en vus, aux côtés des Thomas Vinterberg et de Søren Kragh-Jacobsen.

Bronson : en pleine folie visuelle

Pour Bronson, Nicolas Winding Refn évolue. Terminées les caméras embarquées, excepté pour certaines scènes d’action, le Danois évolue vers Kubrick option Shining pour l’aspect symétrique des plans, et Orange Mécanique, pour faire collaborer de manière cohérente image et folie. L’idée ? Cerner le caractère explosif et fragile de Charles Bronson, boxeur britannique connu pour avoir été enfermé 38 ans en prison, dont 35 en isolement cellulaire.

Il en ressort des images parfois comiques en termes de composition, comme cette séquence où le prisonnier verse de la plus délicate des manières, aux côtés d’un gardien engoncé, un thé.

De face, comme de dos, Bronson est souvent au centre, loin comme proche de la caméra, parfois au milieu d’une immensité qu’il ne parvient pas à contrôler, lui qui est perdu dans ses pensées et les médicaments, notamment lors de la fameuse séquence à l’asile ou en représentation fictive et folle dans une salle de théâtre. Nicolas Winding Refn est alors à deux doigts de s’envoler pour les États-Unis.

Drive : l’art de la promiscuité masculine

Avec Drive, Nicolas Winding Refn conquiert pour la première fois Hollywood. Au centre de son dispositif, comme c’était déjà le cas pour Bronson ou Pusher, un scénario dont le cheminement repose essentiellement sur les épaules d’une unique tête d’affiche, ici Ryan Gosling.

La caméra est toujours au plus près de lui, mais à une distance respectable, assez pour comprendre où se situe son regard. Car si Tom Hardy parle ou frappe dans Bronson, si Mads Mikkelsen rumine sa vie de merde et doit ravaler sa fierté face à son père dans Pusher II, Ryan Gosling se tait mais réagit.

Dans un rétroviseur, au volant d’une voiture, au milieu d’une grosse scène de baston ou à deux doigts de défoncer la gueule d’un mec dans un ascenseur, façon Albert Dupontel dans Irréversible de Gaspar Noé, l’acteur américain incarne un homme fort, défendant la veuve et l’orphelin.

Only God Forgives : du rouge, du bleu et de la violence

Que faire après Drive ? Que faire après qu’on a réalisé son plus grand succès en Californie avec un acteur américain en tête d’affiche dans le cadre d’une sombre histoire de braqueurs ? Après un film qui n’était pas un projet élaboré, pensé et construit intellectuellement par Nicolas Winding Refn, mais proposé par Ryan Gosling lui-même ?

Réaliser un anti-Drive. Quitter la Californie pour Bangkok (Thaïlande). Reprendre Ryan Gosling, le mettre au coeur de trafics en tous genres, drogue comme contrebande, voir sa mère débarquer au lendemain de la mort de son frère, et s’engager sur le chemin de la vengeance. On y retrouve une lumière rougeâtre ou bleue dans de nombreuses séquences.

Le jeu de lumière, extraordinairement soigné et concocté par le directeur de la photo Larry Smith, évoque l’impuissance de Ryan Gosling face à son propre destin. Nicolas Winding Refn, même s’il propose une mise en scène lente, et parfois laborieuse, réalise une peinture magnifique et esthétique de la violence, à mille lieux des scènes brutales de la trilogie Pusher.