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En plus de la Paris Games Week, allez faire un tour à la Paris Games Queer

En plus de la Paris Games Week, allez faire un tour à la Paris Games Queer

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

Le 5 novembre, à la fin de la Paris Games Week, la Paris Games Queer nous invitera à lutter contre les représentations discriminantes dans nos jeux vidéo.

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C’est bientôt la Paris Games Week, qui se tiendra cette année du 1er au 5 novembre à Paris. Classé dans le top 3 des salons internationaux de jeu vidéo, l’événement est incontournable pour tous les joueuses et joueurs, mais ne propose pas de réflexion poussée sur les problèmes du milieu.

En 2013, Le Point écrivait par exemple que “tous les héros des franchises les plus marquantes de ces dernières années ont les mêmes caractéristiques physiques : ils sont bruns, blancs, dans la force de l’âge et très virils”. Le sexisme, la LGBTphobie et le racisme des jeux, qui sont des reflets de nos sociétés, sont ainsi souvent pointés du doigt.

Un article scientifique publié en mars 2017 dans Frontiers in Psychology (et relayé par Le Point) explique que les jeux vidéo ne font “pas exception” aux “représentations sexistes” saturant “la publicité, la télévision et le cinéma”. Ces œuvres aussi montrent une vision sacrément réductrice des femmes, comme l’explique Laurent Bègue, directeur de la Maison des Sciences de l’Homme-Alpes :

“Les analyses de contenu montrent que dans les jeux à succès, les femmes sont sous-représentées, ont des rôles passifs, sont des princesses à sauver ou des objets de conquête dont le rôle est secondaire et l’apparence sexualisée. Les hommes y sont souvent actifs, armés et musclés.”

L’enquête menée auprès de 13 520 jeunes Français âgés de 11 à 19 ans prouve en plus que ces représentations augmentent les stéréotypes de genre et le sexisme chez les joueurs et joueuses. Et cette discrimination n’est pas confinée aux représentations des sexes dans les jeux : d’après le baromètre du Syndicat national du jeu vidéo, seulement 15 % des salariés des entreprises de jeu vidéo en France étaient des femmes en 2016. Pourtant, le goût des femmes pour les jeux vidéo n’est plus à prouver : elles représentent 46 % des joueurs, selon le Syndicat des éditeurs de logiciel de loisirs.

Un héros traditionnellement blanc et hétéro

En plus d’être un homme, le héros de la majorité des jeux vidéo est traditionnellement blanc et hétérosexuel. Des personnages non-blancs sont bien présents, mais généralement pour incarner des stéréotypes racistes. Vice rapportait en 2016 une étude de l’université de Californie du Sud, qui a comparé 8 500 personnages tirés de plus de 150 jeux vidéo. Le résultat ?

“L’étude insistait sur le fait que les hommes issus des minorités ethniques étaient généralement dépeints comme ‘agressifs, dangereux et athlétiques’, et qu’ils étaient bien moins nombreux à figurer dans les jeux que les hommes blancs d’âge adulte”, détaillait le site d’actualité.

Selon Vice, cela découle de demandes des joueurs : […] de nombreux gamers ne sont pas encore prêts à incarner régulièrement des personnages féminins, noirs, asiatiques, musulmans – en gros, tout ce qui s’écarte de l’image que se fait un Européen ou un Américain d’un aventurier/soldat/explorateur/bandit.”

Cela concerne également les personnages non-hétérosexuels, notamment les gays. CNET France rapporte qu’il a fallu attendre 2004 pour que l’homosexualité soit enfin traitée “de manière ‘normale'”. C’était dans Les Sims 2, qui permettait de définir son personnage comme étant homosexuel.

Les caricatures homophobes ou LGBTphobes sont sinon quasiment monnaie courante, sans qu’il soit a priori évident de changer les habitudes des “potentiels clients” selon Le Point, qui explique qu’avoir “un personnage principal qui sortirait de ce modèle serait une vraie prise de risque pour les développeurs et les éditeurs”.

“Queer games” et féminisme inclusif

Mais des féru·e·s de jeux vidéo n’entendent pas rester les bras croisés : parallèlement à la Paris Games Week, le “hackerspace” Reset a décidé d’organiser un événement dédié aux “queer games” et à la notion de genre et de domination dans nos jeux vidéo. L’initiative a été repérée par Mashable, qui est allé à la rencontre des cinq personnes à l’origine de Reset, “un espace où l’on bidouille et où on vient pour apprendre les technologies numériques”. Ses créateurs·rices ont expliqué qu’il s’agissait d’un espace inclusif, ouvert à tou·te·s, et en particulier aux personnes traditionnellement sous et mal représentées dans le jeu vidéo :

“Notre projet s’est fondé sur le constat que des geeks queer existaient mais que les communautés geek et queer étaient quasi étanches l’une à l’autre. Nous voulions créer un espace accueillant, par et pour les personnes minorisées (femmes, queers, personnes handicapées, personnes racisées) généralement peu visibles dans les hackerspaces.”

Installé depuis septembre 2016 à la Mutinerie, bar féministe du troisième arrondissement de Paris, le hackerspace promeut les queer games, “des jeux créés par et pour des personnes queer, souvent épuisé·es d’être invisibles ou représenté·es par des stéréotypes blessants”. Comme ces jeux sont “peu connus et peu diffusés en dehors de milieux experts du jeu vidéo, il s’agissait donc de créer une communauté d’échange et de rencontre autour de ces jeux”.

Tous les derniers dimanches du mois, l’équipe de Reset organise des “Ateliers Queer Games et Féminisme Inclusif”, “pour jouer aux jeux vidéo queer, en parler, en créer ensemble, débattre”. Mashable rapporte que les adhérents ont notamment construit une borne d’arcade, ou encore des jeux de plateau. Les comptes rendus des ateliers sont ensuite publiés sur le site de Reset.

C’est sur ce même principe que sera organisée la journée de la Paris Games Queer, qui se déroulera le 5 novembre, le dernier jour de la Paris Games Week, à la Mutinerie. Les participant·e·s pourront profiter d’un espace de jeu et de ressources, ainsi que de différents ateliers de création et réflexion : un atelier controllers DIY et un autre d’écriture interactive sur le logiciel Twine avec l’écrivaine féministe et queer Lizzie Crowdagger ont été annoncés.

Si la dimension de l’événement n’est pas comparable à la Paris Games Week, l’essentiel reste d’alerter l’opinion et de sensibiliser à la réflexion autour des mécanismes de discrimination − ainsi que sur les façons de redresser la barre. L’équipe de Reset a ainsi souligné auprès de Mashable :

“On commence à avoir des analyses variées des jeux vidéo au prisme du genre, et celles-ci permettent de s’éloigner de l’idée d’une ’cause’ unique (‘les joueurs’, ‘les contenus’, ‘l’industrie’…). Ces analyses montrent plutôt comment des mécanismes d’exclusions (des femmes, des personnes LGBTQI, des personnes non-blanches par exemple) opèrent dans le monde des jeux vidéo.”