Au Japon, dans les coulisses d’un studio d’animation

Pour les 100 ans de l’animation japonaise, la prochaine édition de la Japan Expo proposera une exposition présentant 100 anime cultes. En partenariat avec cet événement qui promeut chaque année la culture japonaise, Konbini vous fait découvrir le studio Telecom Animation Film.

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Le Château de Cagliostro, de Hayao Miyazaki (1979).

C’est à l’occasion des 100 ans de l’animation japonaise que j’ai visité le studio Telecom Animation Film, fondé en 1975. Celui-ci a travaillé sur de grands succès, dont notamment les séries Les Minipouss, La Bande à Picsou ou encore la première saison des Animaniacs, mais également deux films qui ont marqué le monde des anime : Le Château de Cagliostro en 1979, réalisé par le maître Hayao Miyazaki, et Akira en 1988, réalisé par le tout aussi grand Katsuhiro Ôtomo.
Mais à quoi peut bien ressembler un studio d’animation ? À première vue, une fois passé l’accueil, les locaux ne payent pas de mine et ressemblent à un quelconque open space. Des bureaux en enfilade sont séparés par de petites cloisons, et chacun travaille sur son poste dans une ambiance studieuse et silencieuse. Nombreuses sont les personnes qui ont des écouteurs vissés sur les oreilles.
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© Kirkis Rrose/Konbini

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L’équipe en charge de la mise en couleur. (© Kirkis Rrose/Konbini)

Le studio est divisé en plusieurs secteurs : l’animateur clé réalise les positions clés de l’animation, les intervallistes décomposent le mouvement à partir des poses clés, les coloristes sont en charge de la mise en couleur des personnages et des décors, puis un groupe de personnes doit mettre bout à bout les dessins et veiller à ce qu’ils soient cohérents et homogènes. Une dernière étape consiste à ajouter les effets spéciaux. Le bureau de supervision, quant à lui, s’assure de coordonner ces différentes étapes de conception et veille au respect des délais.
Ça, c’est ce que nous avons pu voir, mais pour réaliser un anime, il faut auparavant inventer un scénario, établir un story-board, concevoir les personnages (c’est le travail du character designer), écrire les dialogues, puis mettre en son l’anime, avec les musiques, les voix et les bruitages.
À cela s’ajoutent toutes les autres tâches : le financement, la communication, la diffusion et l’exportation, les ressources humaines, la comptabilité, etc.

Rencontre avec Kazuhide Tomonaga

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Kazuhide Tomonaga. (© Kirkis Rrose/Konbini)

Durant ma visite, j’ai pu rencontrer Kazuhide Tomonaga, l’un des prestigieux invités de la Japan Expo pour l’exposition “Animé 100”. Il a, entre autres, été animateur clé sur Lupin III, part II dans les années 1970, et directeur exclusif de la série télévisée Lupin III : L’Aventure italienne, en 2015.
Le studio Telecom Animation Film est connu pour cette série, qui met en scène le petit-fils d’Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur créé par Maurice Leblanc. À noter qu’en France, Lupin III s’appelait jusqu’à il y a peu Edgar de la Cambriole, pour des questions de droits. Le studio travaillerait d’ailleurs actuellement sur un nouveau film, qui ferait se dérouler les aventures de Lupin III sur les terres de son illustre grand-père, en France.

Cette rencontre a été l’occasion de discuter des évolutions de l’animation. Pour ce vétéran, la vraie grande révolution a été l’arrivée du digital qui a permis aux animateurs de pouvoir développer une palette d’animations plus large. Il admet cependant que l’on a un peu perdu le côté humain dans tout ça. Le celluloïd ne laissait pas le droit à l’erreur : les planches colorisées étaient photographiées les unes après les autres avant d’être mises bout à bout afin de créer l’animation. Il arrivait parfois que l’on se rende compte qu’un bout de main apparaissait sur l’une des images, et il fallait alors tout recommencer. Avec l’informatique, la question ne se pose plus, et il est désormais possible de corriger des erreurs aussi facilement que rapidement.

Pour Kazuhide Tomonaga, le digital n’est ni mieux ni moins bien, il est juste différent. Pourtant, l’utilisation du cel-shading (technique qui permet un rendu graphique de style “animation traditionnelle”) témoigne d’une certaine nostalgie de cet artisanat.

Un Français dans l’équipe

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© Kirkis Rrose/Konbini

Dans l’équipe du studio, se trouve Jean-Marc Poiriault, un Français, qui met en couleur les décors. Ce diplômé de l’école des Gobelins à Paris a auparavant travaillé dans différents studios d’animation français. Il s’occupait notamment des couleurs des décors de la série d’animation Les P’tites Poules pour Blue Spirit, en 2008. En 2013, ayant soif de découvrir d’autres techniques, il part s’installer au Japon et travaille en free-lance pour divers studios. Depuis un an, il officie désormais chez Telecom Animation Film. C’est un endroit dans lequel il affirme se sentir bien, même s’il admet devoir enregistrer sur dictaphone les réunions d’équipe car il ne maîtrise pas encore toutes les subtilités de la langue japonaise.
Jean-Marc Poiriault travaille plus de dix heures par jour ainsi que le week-end s’il a pris du retard. Il colorise à la tablette trois décors par jour à partir d’un board qui sert de référence pour l’ambiance de l’anime. Il apprécie la flexibilité horaire, même s’il ne cache pas qu’il faut travailler beaucoup pour progresser, mais là était son but.
L’animation japonaise laisse beaucoup de place à la créativité des coloristes : à partir de dessins très épurés, ils doivent faire preuve d’imagination pour créer des décors riches en détail et en couleurs. Les pinceaux utilisés sont eux aussi peu nombreux. La poésie des scénarios, le caractère des personnages et les ambiances des décors sont pourtant restitués avec beaucoup de force et d’efficacité. Chaque jour auprès de ses collègues, Jean-Marc apprend un peu plus. Il espère un jour pouvoir produire ses propres courts-métrages, qu’il crée sur son maigre temps libre.

À lire -> Avec “Animé 100”, la Japan Expo célèbre en beauté le centenaire de l’animation japonaise

La Japan Expo se déroulera du 6 au 9 juillet prochains, au parc des expositions de Paris-Nord Villepinte.