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5 questions que je me suis posées après avoir vu le film d’horreur It Follows

5 questions que je me suis posées après avoir vu le film d’horreur It Follows

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Par Louis Lepron

Publié le

Aller voir It Follows implique non seulement de garder son sang-froid mais aussi de se poser quelques questions après la séance. 
Il y a peu, je suis allé voir It Follows. Avant d’entrer dans la salle, j’avais en tête des critiques élogieuses, une apparition remarquée à la Semaine de la critique au Festival de Cannes ainsi qu’un récent Grand Prix gagné au festival fantastique de Gérardmer.
Premier constat : ce film d’horreur sort des récents sentiers horrifiques conventionnels, ceux balayés par le moyen Annabelle, la franchise Insidious et le passable Ouija. Si on devait le comparer à une oeuvre aussi forte et stylisée sortie ces derniers mois, j’aurais cité Mister Babadook. 
Par sa forme, son cheminement, son histoire, sa bande-originale et son mélange des genres, je me suis posé des questions à la fin d’une projection qui s’est avérée tendue. J’ai tenté d’y répondre en faisant quelques recherches. Oui, sur Internet.

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Ça vient d’où cette histoire ?

Connaissez-vous un film racontant l’histoire d’une fille (ici, Jay, incarnée par Maika Monroe) qui, après avoir eu des relations sexuelles, est poursuivie par des personnes voulant sa mort ? Non ? Nous non plus. En réalité, ce scénario déboule directement du cerveau de David Robert Mitchell, le réalisateur du film.
Et voilà comment, à longueur d’interviews, il le présente :

It Follows est né d’une série de cauchemars que je faisais lorsque j’avais 9-10 ans. Et dans ces cauchemars, j’étais toujours poursuivi par quelque chose ou quelqu’un. Cette chose est visible, au loin. Et ceux qui figuraient dans mon cauchemar ne la voyaient pas. Je me souviens qu’il était assez facile de s’échapper des lieux […].
Mais ça ne servait à rien de courir ou de s’échapper, lorsque je me retournais et que je regardais, l’entité était toujours là, à me poursuivre, avançant lentement pour m’attraper. Il y avait comme une malédiction. J’imaginais alors qu’elle m’attrapait, qu’elle me tuait. Une fois adulte, j’ai repensé à ces cauchemars, j’ai extrapolé et commencé à ajouter les thèmes sexuels que l’on voit dans le film.

En passant, il n’hésite pas à souligner une règle propre aux films d’horreur, celle d’appeler ses potes dès lors qu’on est jeune et qu’un problème survient :

Souvent, la règle dans un film d’horreur, c’est qu’un personnage est submergé par les événements surnaturels qui lui arrivent. Il demande alors à un groupe d’amis de le rejoindre pour en faire une expérience collective.

Et dans un autre entretien, voilà comment il précise l’ajout de la notion de “sexualité horrifique” à l’histoire :

Je pense que la période où l’on découvre sa sexualité peut être effrayante. On est alors traversé par toutes sortes d’angoisses.

Et puis David Robert Mitchell, c’est qui en fait ?

Bon, deuxième question un poil logique pour poursuivre le raisonnement, et pas des moindres : David Robert Mitchell, oh toi le réalisateur, qui es-tu ? S’il n’a pas encore de page Wikipedia officielle, il est déjà derrière un court métrage (Virgin) et deux longs. It Follows donc, et The Myth American Sleepover, une comédie de 2010 qui suivait des adolescents en quête d’amour dans les rues de Détroit, ville d’origine du cinéaste.
À noter qu’il est aussi le scénariste de ses trois productions.

Et quand on lui pose la plus chiante des questions, à savoir ses influences, David Robert Mitchell répond par des noms comme John Carpenter, David Cronenberg, n’oublie pas de citer Rosemary’s Baby de Roman Polanski et, surtout, Shining de Stanley Kubrick. Ces plans lents, hypnotiques et flippants, on sait enfin d’où ils viennent.
Mais s’il y a bien un film qui l’a marqué, c’est La Féline de Jacques Tourneur, et plus particulièrement la scène de la piscine qui convoque une autre séquence dans It Follows :

Ça me rappelle quelque chose, mais quoi ?

Après les cent minutes d’images, je me suis demandé quels films pouvaient s’en rapprocher, thématiquement. Celui qui m’est directement venu à l’esprit est tout con : le premier Terminator de James Cameron, dans lequel le T-800 Modèle 101 a pour objectif de tuer Sarah Connor et, pour cela, de la suivre jusqu’à l’usure.
Le deuxième est plus récent et titillera la mémoire des fans des films d’horreur : Destination Finale. La mort, partout, tout le temps, qui vous suit en fonction d’un – au choix – avion, grand huit, course de Nascar ou pont suspendu. C’était le propos hyper simpliste de cette franchise. En témoignent les dizaines de morts (attention spoilers) qui sont survenues dans les cinq épisodes :

Mais c’est en fouinant sur Internet que j’ai retrouvé un court métrage de dix minutes ressemblant, par un de ses aspects, au scénario d’It Follows. Publié en octobre 2009 sur YouTube et réalisé par un certain Richard Gale, il s’intitule “L’horrible meurtrier lent avec une arme extrêmement inefficiente”. Au programme, la mort à petit feu d’un mec poursuivi par un “monstre” n’arrêtant jamais de le taper à coups de cuillères.
Oui, le propos est humoristique, mais la fin est tragique, avec une punchline façon voix off de bande-annonce américaine :

You can’t escape, you can’t stop it, you can’t kill it.

C’est quoi la musique ?

Grosse question que je me suis posée aussi, alors que résonnait encore le thème sombre, inquiétant et très 80’s du film. Si la BO synth-pop est redevenue cool à la sortie de Drive avec des mecs comme Kavinsky ou College, It Follows y a rajouté un savoureuse tension. En faisant quelques recherches, on tombe sur le nom d’un artiste originaire de New York et aux influences mixant Steve Reich et Claude Debussy.
Il a le doux nom de Disasterpeace, de son vrai nom Rich Vreelandcrée de la musique pour le cinéma ainsi que pour le monde du gaming. Et quand on écoute l’OST du jeu Fez pour lequel il a travaillé, on ne peut que comprendre d’où viennent les sonorités distordantes d’It Follows.

Est-ce que suivre quelqu’un est une technique de meurtre ?

Pendant le film, Jay est toujours poursuivie par une entité. Un grand mec, une femme à poil, une jeune étudiante, un petit flippant, tous les profils y passent. Le personnage est toujours sur le qui-vive, courant, sautant d’une fenêtre, s’échappant. Si l’histoire provient bien d’un cauchemar comme l’explique le réalisateur, Wikipédia a su quand même trouver une réponse à une question toute bête que je me suis posée : est-ce qu’un meurtre peut s’effectuer en suivant sans arrêt sa proie ?
Hé bien oui, et c’est Wikipédia qui le dit. Dans la langue de Molière, on appelle ça, tenez-vous bien, “la chasse à l’épuisement”. Sur sa page dédiée, on peut lire :

La chasse à l’épuisement est une technique humaine de chasse par laquelle les chasseurs traquent et poursuivent en courant une proie jusqu’à l’épuisement de celle-ci. Si les humains peuvent aisément réguler leur température corporelle par la transpiration, le gibier quadrupède doit ralentir ou s’arrêter pour pouvoir haleter.

On apprend aussi que des peuples d’Afrique du Sud ou de Mongolie pratiquaient cette technique pour tuer leurs ennemis. Le seul et important critère qu’il leur fallait avoir était… l’endurance. Bon, si les méchants d’It Follows sont plutôt longs à la détente, leur perséverance est louable.