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“Quand Norman parlait de fellation, c’était OK, mais pour les femmes, non” : on a discuté avec Juliette de Parlons peu, parlons cul

“Quand Norman parlait de fellation, c’était OK, mais pour les femmes, non” : on a discuté avec Juliette de Parlons peu, parlons cul

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Capture YouTube © 2020 – Parlons peu Mais parlons

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Par Emma Couffin

Publié le , modifié le

Sur YouTube, Juliette Tresanini et Maud Bettina-Marie ont brisé le tabou autour des sexualités.

Pour une éducation des enfants à l’intimité et à leurs droits, pour la représentation de toutes les orientations, pour une sexualité libre, joyeuse et toujours consentie, Konbini s’engage pour l’éducation sexuelle.

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En 2013, l’arrivée de la chaîne Parlons peu, parlons cul marque un tournant dans la culture YouTube. C’était la première fois qu’on voyait deux femmes, Maud Bettina-Marie et Juliette Tresanini, aborder librement des questions de sexualité sur la plateforme. Vêtues de blouses blanches, les comédiennes incarnaient deux médecins décomplexées ultra-caricaturales.

Souvent accompagnées d’invité·e·s connu·e·s du grand public comme Norman, Natoo ou encore Amixem, elles sont rapidement devenues incontournables. Des tue-l’amour à la fellation, du point G à l’orgasme… Aucun sujet ne leur échappait. Quelques années plus tard, la comédienne Juliette Tresanini nous dévoile les coulisses de la chaîne.

Conseils avisés, sexualités décomplexées

La chaîne Parlons peu, parlons cul est née d’une rencontre : “Maud et moi avons rencontré Natoo sur le Latte Chaud. Elle nous a expliqué les codes de YouTube, elle nous en a ouvert les portes. Grâce à sa communauté, notre chaîne a rapidement explosé”, raconte Juliette Tresanini.

Au départ, les deux comédiennes souhaitaient imaginer des vidéos comiques. L’objectif n’était alors pas du tout de créer une chaîne pédagogique. Mais, très vite, le succès de Parlons peu, parlons cul a dépassé toutes leurs espérances : “Au début, c’était gentiment subversif. Mais on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de choses à faire.” Elle continue :

“On voulait briser toutes les injonctions qui pesaient sur les hommes et les femmes : les diverses pressions, les idées reçues quant aux questions de performance…”

Constatant que leurs vidéos répondaient à un réel besoin des internautes, les deux comédiennes se sont progressivement entourées de spécialistes pour proposer un contenu plus qualitatif : “On a commencé à contacter des gynécologues, des sexologues, des historiens…” Pour Juliette Tresanini, la chaîne venait même remédier aux limites des cours d’éducation sexuelle : “Quand le ministère de la Culture est venu nous voir pour faire une vidéo sur l’endométriose, ça a été une consécration.”

“Même quand on parlait d’endométriose, on se faisait censurer”

En 2013, les hommes avaient l’apanage de la parole sur YouTube. Ils pouvaient parler ouvertement de sexe sans être censurés, ni par les internautes, ni par la plateforme… “Sur le tournage de Bref où on s’est rencontrées avec Maud, le personnage de Kyan se branlait tout le temps. Aussi, quand Norman parlait de fellation, c’était OK, mais pour les femmes, non”, constate Juliette Tresanini.

Si Juliette et Maud se doutaient que YouTube regorgeait de haters, elles ne s’attendaient pas à de telles réactions : “On a reçu beaucoup d’insultes au départ.” Puis, peu à peu, les commentaires sexistes se sont faits plus rares : “Les mecs frustrés ont compris que c’était dans leur intérêt, qu’on n’était pas là pour choquer mais pour aider toute une génération.”

Mais les deux comédiennes avaient un autre censeur : YouTube. La chaîne se faisait régulièrement démonétiser, si bien qu’un jour, Parlons peu, parlons cul est devenue Parlons peu, mais parlons : “Même quand on parlait d’endométriose on se faisait censurer. On luttait contre une trop grosse machine…”

En 2018, Juliette Tresanini et Maud Bettina-Marie nous racontaient déjà comment elles devaient affronter le sexisme sur YouTube.

Le sexe, un sujet encore tabou

Parlons peu, parlons cul a contribué à décomplexer cette parole et à déconstruire les idées reçues : “Les internautes trouvaient ça choquant… OK, mais choquant pour qui ?” ironise la comédienne. “On a deux visions qui se confrontent : l’ancien monde avec ses vieux schémas patriarcaux et le nouveau monde déconstruit, féministe et ouvert à la modernité”, se réjouit-elle.

Toutefois, en famille, entre amis, selon l’éducation, la religion et les croyances, le sujet peut s’avérer encore difficile à évoquer. “Quand mon fils de 9 ans me pose des questions, je prends conscience que c’est dur d’en parler en famille. Mais je n’aurais aucun mal à lui montrer des vidéos de Parlons peu, parlons cul s’il a des interrogations plus tard”, admet Juliette Tresanini.

D’ailleurs, si la chaîne n’est plus active, il existe nombre de sujets qui pourraient encore être abordés aujourd’hui : “On aurait sûrement fait un point sur ce que le mouvement #MeToo a changé dans notre société. On aurait abordé des sujets comme la transidentité ou la représentation des femmes de plus de 40 ans au cinéma par exemple”, reconnaît Juliette Tresanini.

Depuis, de nombreux·ses créateurs et créatrices de contenu se sont emparé·e·s du sujet. Des personnalités comme Camille Aumont Carnel, Ben Névert ou encore Anna Toumazoff ont contribué à libérer cette parole.

On lance un courrier des culs ! Si vous avez des questions sur vos sexualités que vous n’avez jamais osé poser : une adresse mail vous est maintenant ouverte, écrivez-nous sur vossexualites@konbini.com, c’est anonyme, promis !