Quand les athlètes s’engagent contre le cyberharcèlement

Quand les athlètes s’engagent contre le cyberharcèlement

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Par Emma Couffin

Publié le , modifié le

Alfie, Camille, Tarek, Alizé Cornet, Nacer Bouhanni, professionnels ou amateurs, ont tous déjà été victimes de haine en ligne.

Avec l’expansion des réseaux sociaux, le cyberharcèlement est un fléau qui sévit de plus en plus. La question de la haine en ligne est aujourd’hui au cœur des préoccupations de sportifs de tout horizon. Tous concernés, ils prennent la parole pour dénoncer des actes dont ils ont été victimes ou pour prendre la défense de jeunes amateurs qui en ont subi les conséquences. 

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Professionnels ou non, tous concernés

Entre injures, insultes homophobes et racisme, les joueurs de football, rugby, tennis sont des cibles privilégiées de la haine en ligne. Surmédiatisés, ces derniers font l’objet d’un acharnement de la part de parieurs déçus, supporters belliqueux et autres haters.

Ainsi, la championne de tennis Alizé Cornet nous confiait qu’elle recevait des dizaines de messages d’insultes de la part des parieurs sportifs, notamment après sa défaite à l’Open de Cluj-Napoca en 2021. Ces derniers reportent leur frustration sur les joueurs, un phénomène qui s’accélère avec l’expansion des réseaux sociaux. 

Après une défaite en septembre 2020 déjà, le tennisman Gaël Monfils recevait des insultes racistes d’une violence inouïe. Le joueur était affublé de surnoms méprisants et dégradants : “singe noir idiot” ou encore “bâtard noir”. Également victime d’insultes et de menaces en ligne, en février 2020 le joueur Corentin Moutet avait décidé de clôturer son compte Twitter.

Les joueurs non professionnels ne sont pas épargnés. Tarek Baich, un jeune joueur de la Berrichonne de Châteauroux, avait été touché par un flot de messages haineux sur les réseaux sociaux. Victime d’une usurpation d’identité, de faux comptes Instagram avaient été créés, postant des commentaires insultants envers son propre club. Cette histoire avait mis à mal la réputation du jeune homme qui aspirait alors devenir joueur professionnel. Fort heureusement, une enquête a été ouverte et ses projets ont vu le jour. En effet, en août dernier, le milieu de terrain a signé un contrat professionnel, s’engageant pour un an auprès du club de foot de Châteauroux.

Les sportifs s’engagent

En prenant la parole, les joueurs dénoncent un phénomène global qui touche tous les internautes. En mettant en évidence le flot de propos haineux qu’il a reçu, Monfils franchit une première étape dans la dénonciation de ce fléau. Le coureur Nacer Bouhanni a, quant à lui, déposé plainte pour harcèlement après avoir reçu un flot de tweets racistes. “Pourquoi personne ne fait rien quand ce genre de personnes immondes m’envoient en permanence des ‘cochon’ ou des ‘terroriste’, ‘retourne dans ton pays sale maghrébin’ ?” confiait-il au journal L’Équipe en avril dernier. Ces révélations contribuent à faire du cyberharcèlement une réalité et la lutte contre la haine en ligne un combat commun.

Début janvier, on découvrait avec horreur qu’une jeune fille de 8 ans, Camille, avait été harcelée sur Twitter par des centaines de supporters, juste pour avoir exprimé son soutien à Kylian Mbappé, implorant sa prolongation au PSG. Le joueur avait fini par répondre à la jeune fille dans un message de soutien visant ses détracteurs, condamnant la violence de ces propos : “La violence des commentaires pour une gamine… On est vraiment en train de toucher le fond. Il s’agirait de se ressaisir un peu.”

La semaine dernière, la haine des réseaux a encore sévi. Alfie Pugsley, jeune joueur de rugby de 12 ans, moqué à cause de son poids, a également été victime d’humiliation en ligne. Son père, Mark, dénonce cet acharnement en disant avoir “été contraint de supprimer des commentaires sur Facebook qui raillaient le physique du jeune joueur”. Sur Twitter, il déclare : “Si vous saviez tous les efforts qu’il fait pour être en forme et à quel point sa confiance en lui est faible”. La nouvelle est vite devenue virale : des dizaines de joueurs internationaux, des arbitres et fédérations ont soutenu le jeune Gallois dans des discours bienveillants rappelant les valeurs inclusives du rugby : personne ne doit se voir refuser de croire en ses rêves, quel que soit son physique, son genre, son orientation. Josh Adams, Liam Williams, Jerome Kaino, Nigel Owens, Matthieu Jalibert se sont exprimés et même… la World Rugby, qui appelle Alfie à la persévérance.

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Toutefois, de tristes révélations ont dévoilé le sombre passé de Mark Pugsley. Le père d’Alfie aurait en effet lui-même déjà usé de propos dégradants voire racistes à l’encontre de personnes racisées. Face à cette découverte, l’homme aurait fermé son compte Twitter.

Une prise de conscience croissante chez les fédérations sportives

Pour faire face au déferlement de haine qui sévit sur les réseaux sociaux, les fédérations s’engagent et prennent des mesures drastiques. Après les révélations de la joueuse Alizé Cornet, la Fédération française de tennis a signé un accord avec la société Net Ecoute pour apporter un soutien psychologique aux joueurs victimes de cyberharcèlement

En mars 2021, la Ligue de Football Professionnel dénonçait le climat de haine qui envahissait les matches de la Ligue 1 et la Ligue 2. Quelques mois plus tôt, des joueurs allemands de la Bundesliga avaient pris position contre le cyberharcèlement. En octobre 2021, la Ligue a signé un accord avec Bodyguard, une start-up française spécialisée dans la modération sur les réseaux sociaux. Ce dispositif permet de protéger les clubs sportifs des propos haineux qui déferlent sur la toile par une suppression automatique des messages insultants, et travaille actuellement sur le développement de filtres oraux.

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