5 séries qui s’attaquent au cyberharcèlement

5 séries qui s’attaquent au cyberharcèlement

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© Netflix / France tv slash

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Par Delphine Rivet

Publié le , modifié le

De 13 Reasons Why à SKAM, ces séries se sont penchées sur le fléau du harcèlement en ligne sous toutes ses formes.

Konbini s’engage contre le cyberharcèlement. En tant que média en ligne, Konbini est directement concerné par ce fléau qui touche parfois nos invité.e.s, nos journalistes et par extension nos community managers et sait le mal que le cyberharcèlement peut faire aux individu.e.s qui le subissent, à leurs proches et à une société tout entière. Pour retrouver les engagements de Konbini contre le cyberharcèlement, c’est ici.

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C’est un phénomène qui, en principe, peut toucher tout le monde. N’importe qui ayant une présence sur les réseaux sociaux peut, techniquement, en être victime. Mais dans les faits, le cyberharcèlement frappe majoritairement les femmes (73 % des femmes dans le monde en ont déjà été victimes, selon l’ONU) et les minorités. À titre de comparaison, alors qu’un tweet sur quinze adressé à une femme blanche est considéré comme violent, c’est un tweet sur dix quand on est une femme noire. Mais les plus exposé·e·s restent bien sûr les plus jeunes, qui fréquentent massivement les réseaux sociaux. 20 % des enfants de 8 à 18 ans, selon une étude Audirep de 2021, ont subi du cyberharcèlement. Et celui-ci peut prendre diverses formes : outre les insultes, les propos racistes, sexistes, LGBTophohes et plus généralement la haine en ligne, il peut prendre les traits de revenge porn, d’envoi non consenti de dick pics, etc.

#1 13 Reasons Why

© Netflix

Les séries, et plus particulièrement celles qui traitent de l’adolescence, se sont parfois aventurées sur le terrain glissant de la prévention contre le cyberharcèlement. Glissant, car certaines initiatives, partant d’une bonne intention, ont viré au pugilat en ligne. 13 Reasons Why est, en la matière, un véritable cas d’école. Le propos de la série, la dénonciation du harcèlement scolaire sous toutes ses formes, ajoutée à une culture du viol bien ancrée dans les couloirs des lycées, a fini par totalement lui échapper.

Mais revenons un peu en arrière : le 31 mars 2017, Netflix lançait 13 Reasons Why, créée par by Brian Yorkey, et basée sur le roman éponyme de Jay Asher. C’est l’histoire de Hannah, dont le suicide a secoué toute sa petite communauté. Elle nous raconte, de façon posthume, ce qui l’a poussée à commettre ce geste, à travers des VHS, 13 au total, envoyées à ses ancien·ne·s camarades de classe. L’adolescente a été victime de revenge porn (une photo intime d’elle a circulé dans tout le lycée), puis de slut-shaming (elle a été jugée pour cette photo). Le cyberharcèlement est donc une façon, parmi d’autres, d’exprimer une forme de haine et de l’amplifier.

En saison 2, chaque épisode était accompagné d’un “trigger warning” et d’un message préventif dans lequel les acteurs principaux sensibilisent leur audience sur les signaux à repérer, les réflexes à avoir, et les numéros à contacter. La série aborde ce fléau sous tous les angles, et elle a notamment permis une libération de la parole sur ces problématiques, mais son intention de départ s’est aussi noyée sous les critiques de parents ou personnels d’établissements scolaires inquiets. Mais la réponse la plus surprenante face au discours de la série est venue du fandom lui-même.

© Netflix

Certain·e·s fans, visiblement plus sensibles au sort de leurs personnages préférés qu’à celui de leurs interprètes, bien réel·le·s, ont harcelé les acteurs et actrices de la série. Justin Prentice, qui jouait le violeur Bryce Walker, a reçu des vagues d’insultes et de menaces de la part de personnes le confondant avec son rôle. Il a déclaré ne pas avoir été dérangé par cette réaction et a pris tout ça avec une certaine philosophie. Pour deux autres de ses camarades, en revanche, les choses sont allées encore plus loin. Trop loin.

Sous chaque post Instagram de l’acteur Timothy Granaderos, qui campe Monty dans la série, des centaines d’insultes, et même des menaces de mort. Et là encore, certain·e·s fans refusent de faire la distinction entre lui et son rôle. Même traitement pour Grace Saif, arrivée en saison 3, qui incarne Ani Achola, la petite amie de Bryce, celui qui a violé Hannah. Victime d’une terrible vague de harcèlement en ligne, la jeune femme a carrément dû fermer son compte Instagram. Voilà comment des centaines, voire des milliers, de personnes se sont transformées en bourreaux en ligne, pensant ainsi défendre la mémoire de Hannah, un personnage de fiction et victime emblématique du cyberharcèlement. L’ironie est amère.

#2 SKAM France

Parce qu’elle se place à hauteur de ses sujets, la série SKAM France, adaptation d’un format norvégien, a également eu un fort retentissement auprès du jeune public. Chaque saison suit un groupe de lycéen·ne·s confronté·e·s à diverses épreuves, allant du chagrin d’amour à l’islamophobie, en passant par l’homophobie. Et, parce que c’est hélas d’une affligeante banalité chez les nouvelles générations, elle se penche aussi sur les questions de cyberharcèlement, comme en saison 1, avec Emma : après avoir embrassé un garçon populaire lors d’une soirée, la petite amie de ce dernier et ses copines lancent une véritable vendetta sur les réseaux sociaux.

©FranceTVSlash

Le slut-shaming est leur arme privilégiée : ils et elles la traitent de “pute” et de “salope” dans chaque post Facebook. La force de la franchise SKAM, c’est de s’être constituée un fandom qui s’étend aux quatre coins du monde et de soulever des thématiques universelles au public de cette tranche d’âge. Chacun et chacune a la possibilité de s’identifier et, sans trop de manichéisme, la magie de la série opère : de la pédagogie, sans jugement, et surtout, sans avoir l’air condescendant envers ses protagonistes (et par extension, ses fans).

#3 Stalk

Lancée en mars 2020 sur France.tv Slash, comme SKAM avant elle, Stalk est un teen show qui parle avant tout de cybersécurité. Mais la quête de vengeance de notre jeune héros est d’abord motivée par le cyberharcèlement dont il a été victime. Créée par Simon Bouisson, la série suit Lucas (Théo Fernandez), un étudiant en école d’ingénieur informatique et surdoué du clavier. Mais lors de la soirée d’intégration du BDE, où l’alcool coule à flots et où tous les excès sont apparemment permis, il est humilié par ses camarades. Il découvre par la suite que la scène a été filmée et la vidéo partagée sur YouTube.

Commence alors pour Lux, son pseudo, une traque sans merci pour stalker et exposer ceux qui lui ont fait subir ça. L’idée, ici, n’est pas d’avoir de la compassion pour Lucas, qui se laisse emporter par un engrenage toxique, mais d’alerter sur les dangers de la haine en ligne, quelles que soient les formes que celle-ci peut prendre. Car c’est aussi comme ça que l’on crée des bourreaux.

#4 H24

Diffusée en décembre dernier sur Arte et sur sa plateforme, la série H24 proposait une suite de courts-métrages ayant pour fil rouge les violences faites aux femmes. Décomposée en 24 épisodes inspirés de faits réels, et comme autant d’heures passées dans la peau des victimes, elle offrait un porte-voix à différentes autrices, actrices et réalisatrices venues de toute l’Europe. Tantôt brutale, tantôt poétique, elle s’attaquait aux questions de harcèlement de rue, de violences conjugales, de pédocriminalité et, bien sûr, de cyberharcèlement. Deux épisodes en particulier se font l’écho de ces expériences traumatisantes.

Le premier, nommé “Revenge Porn”, d’après un texte de Sofi Oksanen, réalisé par Nathalie Masduraud et Valérie Urrea et incarné par Elina Löwensohn, mettait en scène une mère en quête de vengeance. On devine que sa fille s’est suicidée après qu’une vidéo intime d’elle a été partagée sur des sites pornographiques. Le second, intitulé “PLS”, est le récit d’une femme, visiblement dans le cabinet de son ou sa psy, victime de harcèlement en ligne. Elle décrit, la gorge serrée et les larmes aux yeux, comment le piège s’est refermé sur elle pour l’engloutir. L’interprétation de Noémie Merlant, le texte de Myriam Leroy — elle-même victime d’une campagne de cyberharcèlement d’une violence inouïe — font l’effet d’un uppercut en plein dans les tripes, comme tous les autres épisodes de la série.

#5 Shrill

© Hulu

On voit rarement des adultes concerné·e·s par le cyberharcèlement dans les séries. Outre l’exemple de H24 cité ci-dessus, Shrill a, elle aussi, pris position sur le sujet dans sa dernière saison, diffusée au début de l’été dernier. Pour sortir du moule dans lequel on aimerait bien la caser, Annie, interprétée par la fabuleuse Aidy Bryant, se porte volontaire pour écrire un article sur une famille de suprémacistes blancs. L’exercice n’est pas aisé… Par souci déontologique, elle choisit de les traiter comme n’importe quel sujet “sérieux”, en prenant la distance nécessaire, alors que tout en eux va à l’encontre de ses convictions profondes. Mais, à trop vouloir aplanir les angles, elle va finir par pondre un article étonnamment empathique à leur égard. C’est en tout cas comme ça que son lectorat va l’interpréter, à son grand désespoir.

Et là, Annie va subir une vague de harcèlement qui semble ne plus finir. Pour elle, c’est foutu, elle en est certaine, elle a été “cancelled”. Une véritable mort numérique. À défaut de trouver sa rédemption en ligne, c’est surtout une sacrée leçon qu’elle va tirer de cette expérience choquante. Personne n’aime se faire traiter de raciste, mais elle comprend aussi qu’il y a peut-être, dans sa maladresse, les racines d’un mal insidieux. Elle fera donc œuvre de contrition auprès de la seule personne dont l’avis compte vraiment pour elle : sa meilleure amie et coloc, Fran, une femme noire et lesbienne qui en a ras le bol de s’évertuer à éduquer les Blancs. Plutôt que sur le cyberharcèlement en lui-même, l’épisode se focalise surtout sur les effets d’une telle campagne de dénigrement sur son héroïne. En saison 1, Annie avait déjà dû faire face à un troll qui proférait des insultes grossophobes. Dans le monde de Shrill, heureusement, tout se finissait plutôt bien.