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Vidéo : Forro Dance Against Cancer, quand la danse aide à vaincre la maladie

Vidéo : Forro Dance Against Cancer, quand la danse aide à vaincre la maladie

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

À l’occasion de la Journée des droits des femmes, la vidéo Forro Dance Against Cancer met en scène la Brésilienne Tatiana Monteiro qui, malgré son cancer, n’a jamais arrêté de danser.

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Après avoir rendu un bel hommage à la capitale avec Paris Is Kissing et réuni deux mondes que l’on tend à opposer avec Ballet vs Beatbox, la chaîne Youtube Dot Move diffuse une nouvelle vidéo intitulée Forro Dance Against Cancer, réalisée par Aurélien Sallé, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

Avec toujours comme mantra “Move no matter what”, le directeur artistique et producteur Redha Medjellekh a souhaité partager quelques pas de danse de forró avec Tatiana Monteiro, danseuse brésilienne installée depuis plusieurs années à Paris. Ayant souffert d’un cancer, actuellement en rémission, cette jeune femme courageuse et pleine de vie, nous rappelle que quoi qu’il arrive, faire ce que aimons vraiment dans la vie est le plus important.

De Rio à Paris

Avec un père prof d’éducation physique et coach dans une ville comme Rio où la danse est une affaire quotidienne, Tatiana a commencé à pratiquer très jeune. Un peu de salsa, de boléro, de forró mais surtout de la samba, la danse est rapidement devenue une passion. Plus grande, Tatiana met cette passion entre parenthèses pour ses études de psychologie jusqu’au jour où sa sœur reçoit une bourse pour danser à Paris et lui propose de la suivre.

Tatiana accepte sans hésitation et se retrouve ainsi en 2005  – l’année du Brésil en France – à Paris. Elle se met alors à la danse classique, tombe amoureuse du trapèze fixe et du drapeau aérien, donne des cours de samba, passe son diplôme de coaching et travaille en tant que danseuse professionnelle pour plusieurs troupes brésiliennes.

Ça va faire onze ans que je suis à Paris, j’adore cette ville qui m’a permis de pousser un peu plus mes capacités en danse. Après, c’est vrai que le Brésil me manque énormément, le soleil, son côté chaleureux, les Brésiliens qui ont cette légèreté de vivre. Ici, il faut vivre avec la névrose des autres ! Pourtant, je ne me vois pas autre part qu’à Paris pour l’instant “, nous commente-t-elle. Tout allait très bien dans sa vie parisienne jusqu’à ce que son cancer se développe.

Pendant sa chimio, Tatiana a dansé tous les jours

En avril 2014, alors qu’elle est en formation pour devenir coach sportive, elle commence à ressentir une boule au vente, à être très fatiguée, et à interrompre régulièrement ses cours pour aller vomir. Son médecin ne voit pourtant rien d’anormal et lui conseille de réduire un peu son rythme qui lui procure trop de stress.

“À un moment, j’ai voulu tout arrêter, je me suis dit que si ça me mettait dans ces états, c’est que la danse et le coaching ce n’était pas ce que j’aimais vraiment faire. Et puis je me suis rappelée que je ne pouvais pas vivre sans la danse, alors j’ai continué, je suis même allée chercher encore plus de travail !”, nous raconte Tatiana.

Jusqu’au moment où pendant une semaine, elle a du mal à dormir, commence à avoir des hallucinations et une douleur de plus en plus intense. “Je suis allée donner un cours un dimanche et une élève m’a dit : ‘Tatiana, tes veines sont très gonflées ; ma mère est pneumologue, tu devrais aller la voir parce que j’ai l’impression que tu fais de l’apnée quand tu danses.’” On lui détecte alors une tumeur, difficile à diagnostiquer, entre le poumon et le cœur, qui entraîne un manque d’oxygène dans son cerveau et peut être mortelle si elle n’est pas soignée rapidement. Elle enchaîne alors pendant plusieurs mois, treize séances de chimiothérapie.

“Au début, j’étais dans le déni, je n’arrivais pas à réaliser que j’avais un cancer, je voulais continuer la danse au même rythme, mais c’était impossible. J’ai quand même dansé tous les jours, c’était une manière de m’entraîner à l’hôpital.

Trois minutes de samba, ça me mettait complètement KO, alors je faisais des exercices en fractionné, pour arriver à danser une heure par jour. La danse fait partie de moi, je ne me suis pas demandé si j’allais continuer à danser, parce que c’est en moi.” 

Si la danse ne l’a jamais quittée pendant toute cette période, elle conçoit désormais les choses différemment.

“Avant, je vivais certes de ma passion, mais je pensais surtout : comment je vais faire pour payer ça, je voulais m’acheter un appart, etc. Aujourd’hui, tout ça me paraît futile. Tu sais que, du jour au lendemain, tu peux tout perdre. Je me suis aussi rendu compte que la pression de la société a beaucoup joué sur le développement de ma maladie. À 30 ans, je me disais, il faut que j’ai des enfants, que je me marie pour être comme tout le monde.

Je pense que c’est une maladie où tu as tellement retenu des sentiments, tu as essayé de ne pas être toi-même qu’au bout d’un moment, il y a quelque chose qui pousse en toi mais qui n’est même pas toi. Quand on a un cancer et qu’on guérit, cela nous permet de reprendre la vie mais autrement, en revoyant ses priorités.”

Désormais, Tatiana ne souhaite plus faire partie d’unee grande troupe et envisage de monter différemment sur scène, du moins plus en bikini avec des plumes. Et lorsqu’elle aura fini de se soigner, son rêve serait de monter un projet de danse pour occuper les enfants de quartiers difficiles.

Du forró dans les rues de Paris pour la Journée des droits des femmes

Quand Redha, qu’elle connaît depuis 2010, lui propose de réaliser la vidéo Forro Dance Against Cancer, elle hésite. “J’ai eu très peur de me livrer comme ça, nous confie-t-elle. Tu peux avoir beaucoup de critiques. Je me suis posé des questions par rapport à mon travail. Par exemple, si dans une salle de sport, les recruteurs la voyaient, ils pourraient se dire : ‘On ne va pas lui donner un CDI, parce que si elle tombe malade…’ Finalement, je me suis dit tant pis, j’ai plus envie de CDI, j’ai envie de faire ce que j’aime.” Les deux danseurs décident alors de s’attaquer au forró, danse traditionnelle brésilienne que Tatiana compare au menuet de la musique baroque en vogue sous Louis XIV.

C’est ma danse préférée depuis que j’ai 15 ans. Il y a une ambiance très familiale, très rustique, c’est une danse populaire qui vient du Nordeste, sans bling-bling et que tu danses en havaianas !, explique-t-elle. “Pour moi, le forró c’est une histoire d’amour depuis longtemps même si la première fois je me suis dit : ‘C’est quoi ce délire de village breton ?’, complète Redha avant d’ajouter :

“On n’a pas choisi une danse compliquée parce l’important c’était la connexion.”

De l’hôpital où Tatiana a séjourné, à Belleville puis République, la vidéo suit ce couple de danseurs qui improvise les pas de danse de forró, avant de retrouver la jeune femme, seule cette fois-ci, sur un ring de boxe, “une vision imagée de la raclée qu’elle a mis au cancer avec ses pas de samba”, explique Redha, qui poursuit :

“L’idée de cette chaîne, c’est qu’il y ait de la danse et qu’elle soit correcte, que les danseurs aient envie de travailler avec moi et surtout qu’il y ait un message. On connaît tous une personne qui a été touchée par le cancer. Tatiana l’a eu, elle a survécu et maintenant elle continue de danser. On fait des vidéos qui ne sont pas bavardes pour que ça atteigne un maximum de monde, parce que la danse est un langage universel.”

Alors, quoi de mieux qu’un langage universel pour rendre hommage aux femmes lors de cette journée internationale ? En tout cas, pour Tatiana, que la vidéo soit diffusée ce 8 mars a toute son importance :

“Le Brésil est un pays très machiste. En tant que danseuse de samba en bikini, plume et tout, on va te dénigrer. C’est pour ça que je ne veux pas danser la samba là-bas. En France, il y a beaucoup plus de respect par rapport à ça. Et on a beau croire, le carnaval de Rio, si connu, est devenu un show avec des présentatrices de télé, de modèles. Et si tu danses au milieu de ces personnes connues, on te considère comme une prostituée qui a couché pour être là. C’est un sujet hypertabou dans mon pays.

C’est pourquoi, après avoir souffert du harcèlement en dansant, en pratiquant sa passion qui l’a aidée à surmonter son cancer, Tatiana a envie de dénoncer ces mentalités et surtout de partager son expérience avec d’autres femmes. “Cette vidéo c’est un peu un cri de révolte. J’aimerais que les femmes se sentent bien en dansant, dans leur sensualité et qu’elle n’ait pas honte de faire ce qu’elles ont envie avec leur corps”.