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À LA, la lutte antiraciste de Gangsta Gardener passe par son potager

À LA, la lutte antiraciste de Gangsta Gardener passe par son potager

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Par Alexandra Phanor-Faury

Publié le

Un habitant d’un quartier de Los Angeles considéré comme un “désert alimentaire” est passé du statut de renégat à celui d’expert grâce à son potager, devenu symbole de la lutte contre le racisme systémique.

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Quand il s’agit d’accéder à des légumes frais et à des aliments sains, nous ne sommes pas tous égaux. Aux États-Unis comme ailleurs, cette situation est la cause de nombreux problèmes : des maladies graves, un taux élevé d’obésité, de l’hypertension et du diabète.

Selon un rapport national sur l’obésité, aux USA, 31 % des Blancs vivent à proximité d’un supermarché contre seulement 8 % des Afro-Américains :

“Les produits les plus fréquemment achetés par les Afro-Américains sont des aliments et des boissons très caloriques et peu nourrissants.

Les panneaux d’affichage et autres supports de publicité qui promeuvent de la nourriture dénuée de valeur nutritionnelle sont 13 fois plus présents dans les quartiers afro-américains que dans les quartiers blancs.”

Une situation à deux vitesses qui explique que le taux de mortalité est plus élevé chez les jeunes Afro-Américains. À Los Angeles, Ron Finley, plus connu sous le pseudo de Gangsta Gardener, en a eu assez de devoir conduire 45 minutes pour avoir accès à des fruits et des légumes frais.

Cet ancien styliste, dont les vêtements étaient vendus dans plusieurs grandes enseignes, a donc commencé à cultiver un potager après avoir suivi des cours de jardinage en 2010.

Dans une tribune publiée dans le magazine Fortune, Ron Finley explique sa démarche :

“Je me souviens être allé dans un magasin au sud de Los Angeles pour acheter des tomates. L’autocollant posé dessus disait ‘vernies à la gomme-laque’.

Je me suis dit ‘Est-ce que c’est le même produit qu’on utilisait pour vernir le bois pendant mes cours de menuiserie à l’école ? Pourquoi ils en mettent sur les tomates ?’ C’est là que j’ai vraiment été choqué.”

Le sujet des inégalités nutritionnelles, bien que laissé de côté dans le débat sur le racisme structurel aux États-Unis, est aussi important que la lutte contre les violences policières. La santé des Noirs et l’injustice alimentaire sont en effet des problèmes très sérieux, qui font partie intégrante du problème global du racisme.

Ron Finley, qui voulait proposer des produits sains pour ses voisins et sa famille, a planté un potager de 45 mètres de long devant chez lui. Du chou kale, des grenades, des tournesols et des bananiers poussent dans ce jardin improvisé.

Il partage également ses connaissances en jardinage avec les habitants du quartier et les aide à créer leur propre potager dans leur jardin. Il raconte :

“Quand les gens voient de la nourriture qui pousse carrément le long de la route, ils commencent à entrevoir des possibilités. J’ai fondé un groupe de personnes sensibles à la question qui souhaitent planter et partager leur propre nourriture et montrer aux autres comment s’y prendre.

Le concept est simple : s’il n’y a pas de nourriture quelque part, plantons-la ! Il en va de notre responsabilité de changer nos quartiers, cela doit venir de nous.”

Un des avantages du potager est l’écosystème qu’il construit. Peu de temps après qu’il a commencé le sien, des oiseaux et des papillons ont commencé à voler dans son jardin. Ron Finley a trouvé une manière assez facile et économique d’approvisionner en nourriture saine son quartier, qu’il décrit comme une “prison alimentaire“, mais la ville de Los Angeles ne voyait pas les choses de cet œil.

Il a reçu une amende au motif qu’il jardinait sans permis, ce qu’il a eu du mal à comprendre :

“Personne n’est inquiété pour les vieux WC, les canapés et les préservatifs usagés abandonnés dans la rue, mais j’ai des ennuis parce que j’amène de la nature, de la beauté, de la fierté, de l’art et un sentiment d’apaisement dans le voisinage. Cela n’a juste aucun sens.”

Il a donc refusé de payer l’amende, et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui.

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Une pétition a immédiatement été lancée pour soutenir Ron Finley et son initiative, ce qui lui a valu de gagner en visibilité et en soutien, même au sein du conseil municipal de Los Angeles. Son acte de résistance a donc porté ses fruits.

En 2013, grâce au mouvement de guérilla jardinière lancé par Ron Finley, le conseil municipal a voté en faveur du changement de la loi pour autoriser les jardins devant les maisons de Los Angeles.

Le combat du jardinier pour embellir son quartier de South Central et en améliorer l’offre de nourriture a retenu l’attention les membres de TED. Ron Finley a donné une conférence en 2013 sur l’injustice alimentaire, l’importance du jardinage, et des outils pour manger sainement. Son discours a déjà été visionné par 3 millions de personnes.

Il a aussi fait part de son rêve de transformer dans le monde entier les quartiers surnommés les “déserts alimentaires” en “forêts de nourriture”.

Dans une interview accordée au Los Angeles Times, il explique que la mission qu’il s’est donnée va plus loin :

“Ce n’est pas vraiment qu’une histoire de nourriture. C’est de justice alimentaire qu’il s’agit. Si vous ne mangez pas des aliments sains, nutritifs et goûteux, comment pouvez-vous bien grandir ?”

Ron Finley s’est rendu au Royaume-Uni, en Suède, en Grèce, à Hawaii et au Qatar pour répandre la bonne parole et partager ses méthodes pour transformer les communautés. Aujourd’hui, il dirige une association qui porte son nom, destinée à diffuser l’amour du potager, ville après ville.

Son jardin a pris des proportions incroyables et fait désormais la taille d’une piscine olympique. Il accueille des visiteurs quotidiennement, des voisins, des curieux, mais aussi des bus entiers d’étudiants d’Harvard fascinés par son grenadier, ses vignes, son prunier, son sucre de canne, ses artichauts, ses amandiers, ses pommiers, son céleri, son romarin et sa menthe, qui poussent dans son oasis urbaine en plein cœur du sud de Los Angeles.

Traduit de l’anglais par Sophie Janinet