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En images :  Girls-Unawares, le projet qui mêle érotisme et surréalisme

En images : Girls-Unawares, le projet qui mêle érotisme et surréalisme

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Par Dora Moutot

Publié le

Des seins qui ont une chevelure et des oreilles, un escargot qui ressemble à une vulve, des couverts recouverts de poils pubiens… bienvenue dans l’univers de Can, l’artiste qui se cache derrière le projet Girls-Unawares.

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Vous ne le connaissez sans doute pas, ni lui, ni son art. Si Girls-Unawares ne vous dit rien, c’est parce que vous ne procrastinez pas assez sur Tumblr. Si vous étiez familier avec la plateforme et ses profondeurs, vous auriez sans doute déjà vu passer l’une des très étranges illustrations de Can, 42 ans.

L’artiste, qui vit à Hambourg et qui alimente le projet pendant son temps libre, est designer de réalité virtuelle depuis dix ans. Ce qui explique clairement son appétence et ses compétences pour l’illustration 3D, qu’il met au service de son imagination débordante et parfois… osons le dire, totalement tordue.

Une réaction cynique aux publicités de mode

Ce projet, qui pourrait tout autant avoir l’air du simple délire d’un fétichiste BDSM, a une autre origine. Can a lancé le projet Girls-Unawares en réaction à l’univers publicitaire de la mode. Il explique :

“Girls-Unawares est un projet artistique que j’ai commencé en 2011. J’ai voulu réagir de façon humoristique aux publicités du monde de la mode où l’on ne voit que des filles à moitié à poil. Je me suis alors dit que si le sexe fait vendre, autant se débarrasser du mannequin et présenter directement la mode sur les parties génitales ! Le résultat était si étrange, surréaliste et drôle, que j’ai décidé de continuer mon expérimentation artistique sur le corps humain.”

De façon assez surprenante, à contre-courant de ce que les images laissent à penser, il nous confie ne pas être un fétichiste qui met en images ses propres désirs.

“C’est plus comme une expérimentation, je déconstruis le corps de nouvelles façons et j’explore tous les recoins de la sexualité humaine. Les idées déboulent juste et je travaille sur elles. Il y a beaucoup d’images qui sont en fait des portraits que je fais pour des gens qui me demandent de leur faire un portrait à ma façon.”

Creepy et surréaliste, oui !

Quand on lui demande si tout ça n’est pas un peu “creepy” ou flippant, car tout de même, il s’agit souvent de bouts de corps découpés, celui-ci réplique avec enthousiasme :

“J’ai créé plus de 200 images et tu peux trouver de tout. C’est surréaliste, creepy, bizarre, dégueulasse, marrant, beau, innovant, érotique, et parfois tout en même temps. Une sorte de théâtre guignol de l’art digital !”

Ses sources d’inspiration vont de l’obsession du corps (mutation, déformation) du réalisateur de science-fiction et de films d’horreur David Cronenberg en passant par l’œuvre du cinéaste David Lynch et du photographe Jan Saudek, jusqu’à d’autres artistes, qui eux aussi, utilisent la 3D comme Alex MacLeod ou El Popo Sangre.

L’occasion de parler de techniques 3D. “Toutes mes images sont créées avec le logiciel Cinema 4D” ; “Et je trouve aussi de l’inspiration dans le black metal et le transhumanisme”, ajoute-t-il.

Parce que les sexes sont poilus et charnus !

“Je pense que nous sommes à un stade où le sexe est traité que d’un seul point de vue. C’est soit interdit, soit c’est une stratégie marketing. Les jeunes grandissent avec le porno et pensent que c’est une compétition. Nous avons perdu l’aspect fun du sexe ! Le sexe, on doit en rire aussi. Les parties génitales sont des choses drôles, à l’opposé de l’image que le monde de la pornographie veut donner. Les parties génitales ont des poils, c’est de la viande, ce n’est ni rasé, ni propre !”

C’est dans ce contexte que celui-ci a créé l’une de ses images les plus populaires, partagée des milliers de fois, le fameux sein à chevelure (ci-dessus). “Les femmes peuvent avoir des poils sur les tétons. J’ai imaginé comment ça pourrait être si l’on acceptait les corps comme ils sont, sans avoir à se raser, à se cacher ou à faire des régimes. Imagine des gens nus sur une plage dire des trucs comme : ‘Wow, regarde, elle a des super tétons poilus’ ou ‘Ses vergetures rendent ses fesses vraiment intéressantes et sexy !'”

Nous voyons effectivement où il veut en venir, car la liberté et l’absurdité de ses images font sourire mais on ne peut nier une certaine forme de violence aussi, qu’on retrouve d’ailleurs dans certaines de ses références. “C’est de la ‘violence'”, dit-il, insistant bien sur les guillemets, “dans un contexte BDSM où la sexualité est un concept qui va de pair avec la douleur et la peur”.

Quant à ses goûts personnels niveau porno et érotisme, car on avait quand même bien besoin de le savoir pour se faire une idée plus précise du personnage, il aime le porno très arty du réalisateur Radley Metzger des années 1970, ainsi que des films comme Une vraie jeune fille de Catherine Breillat ou Antichrist de Lars von Trier.

Tester les limites d’Instagram

Can aime s’amuser et jouer des limites d’Instagram. “J’ai créé cet escargot pour voir où était la limite de la censure sur Instagram. Mais ça n’a pas marché. Ils ont supprimé l’image quelques jours après.” Même histoire pour ce téton découpé sous forme de clé USB. ” Est-ce qu’Instagram considère que c’est un téton quand il n’appartient plus au corps ? Apparemment oui ! Je voulais créer quelque chose de transhumaniste”, dit-il. Parfois il adapte même ses images pour ne pas se faire censurer par la plateforme. Comme dans le cas de cette image de serviette hygiénique ornée de piercings aux perles rouges. “J’aime l’idée de gouttes de sang qui seraient accrochées au vagin, un peu comme des bijoux. J’ai dû rajouter la serviette pour ne pas être censuré.”