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Dans un futur proche, modifier l’ADN sera à la portée de tous

Dans un futur proche, modifier l’ADN sera à la portée de tous

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Par Arnaud Pagès

Publié le

Une découverte révolutionnaire nous permettra bientôt de modifier facilement notre ADN. Explications.

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Si la découverte de la structure en hélice de l’ADN en 1953 par les chercheurs Jim Watson et Francis Crick fut une véritable révolution, de nombreux scientifiques continuent leurs investigations pour percer les secrets encore cachés de la vie. Récemment, une équipe franco-américaine de microbiologistes, composée d’Emmanuelle Charpentier et de Jennifer Doudna, a mis le doigt sur une donnée majeure : la possibilité de modifier l’ADN sans trop de difficultés, grâce à des “ciseaux biologiques” baptisés CRISPR-Cas9.

Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna y voient un moyen, généralisable à tous les individus, de réparer les injustices de la nature en se débarrassant par exemple des séquences ADN qui correspondent aux maladies génétiques. C’est pourquoi cette découverte pose beaucoup de questions. Modifier l’ADN grâce à une méthode accessible à tout le monde n’est pas sans risques.

Utilisée à des fins malveillantes, elle pourrait introduire de façon irréversible des mutations néfastes où permettre à certains individus de manipuler les gènes des fœtus pour en faire des surhommes, par exemple. Afin d’y voir plus clair, nous avons interviewé David Bikard, directeur du laboratoire de biologie de synthèse de l’institut Pasteur et directeur scientifique d’Eligo Bioscience, une start-up qui utilise des techniques de biologie de synthèse pour combattre les bactéries résistantes et pathogènes.

Konbini | Vous travaillez sur les CRISPR. Pouvez-vous nous expliquer ce que c’est ?

David Bikard | Derrière ce mot barbare se cache un système immunitaire que les bactéries utilisent comme moyen de défense contre des assaillants. Des virus spécifiques aux bactéries, appelés “phages”, les attaquent régulièrement. Le système de protection des bactéries contre ces phages comporte des nucléases, c’est-à-dire des “ciseaux” à ADN. On peut aujourd’hui reprogrammer ces nucléases pour qu’ils aillent couper n’importe quelle séquence facilement et rapidement.

Une telle simplicité d’utilisation a conduit les chercheurs à adopter ce système pour des applications biotechnologiques. C’est en contrôlant la manière dont l’ADN coupé par le système CRISPR est réparé que nous avons découvert la possibilité d’y introduire une mutation précise.

Il est ainsi possible de “copier-coller” l’ADN, de le transformer, de le corriger, comme si on utilisait un logiciel de traitement de texte. Cette technique est en train de révolutionner notre capacité à modifier les génomes. Nous possédons désormais un outil pour les éditer.

Si c’est aussi simple qu’un logiciel de traitement de texte, tout le monde va donc pouvoir l’utiliser !

Oui, cette technique est à la portée de tout le monde. Ou presque… Pour pouvoir l’utiliser, il est juste nécessaire d’avoir des conditions stériles de travail et du matériel de laboratoire.

Certains proposent de démocratiser la technique en commercialisant des outils CRISPR en kit pour 160 petits dollars. Mais je pense que cette technologie restera dans les laboratoires pendant encore un bon moment. À terme, on peut néanmoins supposer qu’elle se perfectionnera et deviendra plus facilement accessible et beaucoup moins contraignante dans son utilisation. Et là, tout le monde pourra réellement s’en servir.


Comment peut-on copier-coller son propre ADN ? On parle de quoi exactement ?

Une première méthode consiste à prélever des cellules, du sang par exemple, pour les mettre en culture in vitro afin d’y introduire le système CRISPR-Cas9 et effectuer une modification. On peut ensuite réintroduire ces cellules modifiées chez l’homme. Une seconde méthode consiste à créer des vecteurs viraux capables d’injecter le système CRISPR-Cas9 directement dans des cellules du corps.