Michael B. Jordan, le nouveau prince de Hollywood

Michael B. Jordan, le nouveau prince de Hollywood

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

À l’affiche cette semaine de Creed II, Michael B. Jordan reprend, face à Sylvester Stallone, le rôle qui a fait de lui une star : celui d’Adonis Creed. Retour sur la brillante carrière d’un talent qui a mis Hollywood à genou.

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(© Warner Bros.)

Il faut l’avouer : avoir un homonyme aussi populaire et légendaire, ça colle à la peau. Sauf qu’il y a cette fameuse lettre au milieu, qui le différencie clairement de la superstar des Chicago Bulls. “B” comme “Bakari”. En swahili, ça signifie “noble promesse”. Ses parents, très spirituels, ont tenu à lui léguer ce deuxième prénom en guise de cadeau prophétique.

Parce que oui, la trajectoire du comédien américain Michael B. Jordan a tout d’un alignement parfait de planètes, d’heureux hasards et de rencontres décisives. Comme ce jour où, autour de 12 ans, il va chez le médecin avec sa mère. Attendrie par le môme, la réceptionniste suggère à Madame Jordan, conseillère d’orientation dans un lycée, de lui organiser un shooting photo pour qu’il devienne modèle. Un premier domino tombe, ce qui va provoquer un formidable effet papillon.

L’adorable bouille du gamin suscite en effet l’intérêt de plusieurs marques, dont Toys’R’Us par exemple, qui utiliseront son image. Dans sa famille – son père, qu’il idolâtre, est traiteur–, on sent qu’il y a quelque chose à creuser. Sur le dos d’un magazine, la maman dévouée trouve le numéro de plusieurs agents et en appelle un, enclenchant ainsi la professionnalisation de son fils.

À l’école, il est un élève atypique puisque au moment où ses camarades rentrent chez eux, il va plutôt se faire tirer le portrait. Son faciès circule de plus en plus, les auditions pleuvent. Bill Cosby, au sommet de sa popularité (avant sa récente condamnation pour agression sexuelle), le remarque et l’invite le temps d’un épisode de sa sitcom. L’équipe des Soprano l’accueille aussi pour un tour de piste. Et, quelque temps plus tard arrive le moment de vérité, de grâce, celui qui va ouvrir à la jeune pousse un boulevard de possibles.

Une écoute payante

Michael B. Jordan dans <em>The Wire</em>. (© HBO)

En 2002, à 15 ans, il rejoint en effet la première saison – dans son intégralité – de l’une des plus grandes séries de l’histoire de la télévision (et la préférée de Barack Obama) : Sur écoute (The Wire, en VO). Dans ce show à l’écriture impressionnante créé par David Simon, Michael B. Jordan hérite d’un rôle mémorable : celui du jeune Wallace, un ado qui deale dans les rues de Baltimore, sous la coupe du redoutable Avon Barksdale (Wood Harris), en compagnie de ses acolytes Poot et Bodie. L’extrême innocence de son visage, habillé d’un regard angélique, crée une rupture avec la violence de la vie promise à son personnage.

Le jeune acteur comprend à ce moment la puissance de son métier, lui qui estimait jusqu’alors imiter bien plus que jouer. Il raconte avoir fini des journées de tournage en larmes, surtout après cet instant où Wallace sniffe de la drogue pour la première fois. Certains épisodes l’ont même plongé dans une forme de déprime. Quelque chose bouge en lui. Il comprend que son art chamboule, bouleverse, fait mal. Jouer est une came, et il veut encore plus de doses.

À la suite de cette expérience concluante, Michael B. Jordan continue à faire ses armes dans le soap opera La Force du destin (59 épisodes) et multiplie les apparitions dans d’autres séries (Cold Case, Burn Notice, Bones…). En 2009 intervient la seconde bascule de sa carrière : il rencontre le producteur Jason Katims, créateur de la mythique série Friday Night Lights, qui lui propose de rallier les deux dernières saisons sous les traits de Vince Howard, un surdoué du football américain.

Face à Kyle Chandler, inoubliable en coach Taylor, il brosse le portrait d’un jeune homme touchant et tourmenté, et se fait ainsi connaître davantage. Convaincu par son talent, Katims, qui fait clairement office de pivot dans la vie de l’intéressé, pense illico à lui et l’engage dès les prémices de son autre série, Parenthood. Michael B. Jordan se glisse pour l’occasion dans la peau d’un ex-alcoolique et séduit à plus d’un titre. Il semble définitivement prêt pour le grand écran.

Fruitvale Station, la consécration

Après quelques irruptions dans des longs-métrages anecdotiques, il rejoint en 2012 la distribution du found footage SF Chronicle, son premier film de studio, que réalise Josh Trank. Et pas pour n’importe quel personnage : celui de Steve Montgomery, un rôle initialement écrit pour un jeune homme blanc et juif. Il tire une certaine joie d’avoir fait main basse sur ce rôle et d’avoir déjoué l’absurde barrière de la couleur de peau. Doté de super-pouvoirs, le héros qu’il incarne s’envole dans les airs – et Michael B. Jordan décolle également, très haut, jusqu’à taper dans l’œil de celui qui ne le lâchera plus : Ryan Coogler.

Ce dernier s’intéresse immédiatement à lui et écrit le scénario de Fruitvale Station avec son nom en tête. Les deux hommes s’entendent immédiatement et l’histoire qu’ils racontent (celle d’Oscar Grant, un jeune homme abattu le 1er janvier 2009 par un policier dans le métro de San Francisco à la suite d’un malentendu) a une résonance particulière pour eux, et amorce, en quelque sorte, la salve de films relatant le mouvement Black Lives Matter. À l’époque, l’acteur habite à LA et se souvient d’avoir appris la triste nouvelle sur les réseaux sociaux, en colère, désarmé, triste, blessé.

Sa prestation fait des étincelles et le film cartonne au box-office US (16 millions de dollars glanés pour un budget de 900 000 dollars). En mai 2013, Michael B. Jordan présente ce drame poignant à Cannes, dans le cadre de la sélection “Un certain regard”, ému et heureux d’être de la partie, de figurer au programme du plus grand festival du monde et de se prêter aux interviews avec la presse internationale – lui qui n’espérait même pas fouler le sol de Sundance, où le film a pourtant obtenu le Grand Prix du Jury et le Prix du public quelques mois plus tôt.

Tout est désormais en place pour que sa carrière décolle vers des hauteurs insoupçonnées. Mais le jeune homme se vautre avec Les Quatre Fantastiques, un sommet de ratage industriel, et la comédie crétine Célibataires… ou presque. Là encore, c’est Ryan Coogler, galvanisé par son statut de cinéaste à suivre, qui revient vers lui comme une bonne fée de Charles Perrault, lui proposant le rôle qui fera de lui une star : Adonis Creed.

Star par KO

Dans l’excellent Creed, Michael B. Jordan se métamorphose en bloc de muscles, le résultat d’un entraînement drastique. Grave et charmant, il incarne avec brio et panache le fils d’Apollo Creed, personnage culte de la saga Rocky mort dans le quatrième opus, sous les coups du glaçant Ivan Drago. Inséparables, Coogler et l’intéressé passent à la vitesse supérieure en collaborant pour les besoins de ce qui deviendra le neuvième plus gros succès de l’histoire du cinéma : Black Panther.

Époustouflant sous les traits d’un héros purement shakespearien (il pourrait être nommé dans la catégorie “meilleur acteur dans un second rôle” aux Oscars), avec les cheveux tressés et un look bien marquant, MBJ accède définitivement, depuis les paysages du Wakanda, au rang de star internationale. Le succès outre-Atlantique de Creed II – sorti en novembre aux États-Unis, mais qui ne sera dans nos salles que ce mercredi – et dans lequel son personnage d’Adonis affronte de manière vengeresse le fils d’Ivan Drago, confirme son statut de nouveau prince hollywoodien. Et il en veut plus !

À 31 ans, le natif de Santa Ana, en Californie, est déjà à la tête de sa propre société de production, Outlier Society. Et il croule sous les projets : Raising Dion, une série de SF pour Netflix, un remake de L’Affaire Thomas Crown dans lequel il tiendra le rôle principal ou encore l’adaptation du roman pour la jeunesse The Stars Beneath Our Feet de David Barclay Moore (qui lui permettra de réaliser l’un de ses rêves : mettre en scène un film). Ce film racontera plus précisément l’histoire d’un enfant de 12 ans, habitant Harlem, qui doit faire face au décès de son grand frère.

Acteur brillant et businessman avisé, Michael B. Jordan s’est fait remarquer en 2018 pour sa prise de position en faveur de la diversité au cinéma, en faisant adopter à sa boîte de production la pratique de l’inclusion rider – un type de clause contractuelle permettant à un acteur d’avoir un peu de pouvoir sur la représentation des minorités dans le film qu’il rejoint. Chapeau l’artiste et gageons que l’avenir sera aussi radieux que son sourire so bright !